3.4. La gestion foncière
ATTA K. (1984) soutient que la législation
foncière de la Côte d'Ivoire fait de l'Etat le seul
propriétaire de la terre. C'est lui qui par l'intermédiaire des
procédures de lotissement change le sol rural en sol urbain.
Prenant l'exemple d'Abidjan, YAPI-DIAHOU (1981) fait remarquer
que la gestion des terres Ebrié était assurée par trois
échelons de pouvoir et d'autorité qui étaient les "Nana",
le chef du village et le chef de famille. L'introduction de la notion «
terre vacante et sans maître » par les colons va favoriser la
confiscation des terres des populations autochtones au profit des gouvernants.
Poursuivant, YAPI-DIAHOU (1990) explique que la création de la
Société d'Equipement des Terrains Urbain (SETU) répondait
au souci de lotir, de viabiliser, et d'aménager l'espace urbain afin de
permettre à la SICOGI et à la SOGEFIHA d'assurer la construction
de plusieurs logements à Abidjan.
Selon KOUAME G. et al. (2016, p. 25), « à Abidjan,
on note la coexistence de deux organisations, traditionnelle et moderne,
à savoir le/les autorité(s) coutumière(s) et
l'administration, qui ont des procédures distinctes pour la gouvernance
du foncier. Il en résulte un chevauchement des deux compétences
et une gestion concurrente préjudiciables avec un risque réel de
litiges ».
Quant à AKPINFA E. (2006, p. 48), il fait remarquer
qu'au Bénin, le lotissement apparaît bien plus souvent comme une
opération de régularisation de l'occupation anarchique par les
populations des périphéries urbaines, une opération de
remembrement et de restructuration du foncier en milieu urbain et
périurbain. Poursuivant, il explique que les chefs de quartiers et les
chefs traditionnels ou coutumiers sont des intermédiaires entre les
autorités administratives et les ménages. En matière
foncière, ils constituent des sources de renseignements importants pour
la validité d'une propriété. En cas de vente de terrains
entre particuliers, ils constituent le premier niveau d'officialisation de la
procédure de vente.
ZIAVOULA R., (1987, p. 2) affirme qu'à Brazzaville,
l'inexistence d'une publicité foncière permet aux
propriétaires fonciers de choisir l'acquéreur, souvent en
fonction du degré de relation qui existe entre lui et la personne qui
lui présente l'acquéreur potentiel.
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La personne qui sert d'intermédiaire constitue pour le
propriétaire foncier une caution morale.
ONU-HABIAT (2011) indique que « les gouvernements
devraient renforcer leurs capacités pour réagir aux pressions
exercées par une urbanisation rapide. Une attention particulière
devrait être accordée à la gestion des terres afin de
garantir leur utilisation économique, protéger les
écosystèmes fragiles et faciliter aux pauvres l'accès
à la terre dans les zones tant urbaines que rurales ».
Par ailleurs, le prix du sol urbain est un
élément central de la gestion foncière. Au sujet de la
valeur foncière, le modèle de WINGO (1962) met en relief
l'importance des transports. « Le travailleur qui habite plus près
de la ville bénéficie d'une rente de situation, sa localisation
apparait plus favorable et la valeur foncière de l'endroit où il
réside sera plus élevé que celle d'une localisation plus
lointaine. A l'accroissement de la taille de la ville correspond une
augmentation à la fois de la valeur foncière et des
densités résidentielles. Une amélioration des transports
réduit les inégalités et élimine plus ou moins les
conséquences dénoncées ».
Pour ALONSO (1965), « l'amélioration des
transports favorise l'étalement périphérique de
l'agglomération et une montée des prix du sol dans cette zone,
tandis que la pression foncière diminuerait au centre ».
Selon, MAYER R. (1965), « le prix du sol à la
périphérie équivaut au prix du sol agricole majoré
des coûts de viabilisation et d'équipement, d'une somme
correspondant à une anticipation sur la valeur acquise par le sol
urbanisable, d'une rente de rareté lorsque les terrains constructibles
sont importants ». Ainsi, BEAUCIRE F. et al. (2007, p. 21) font remarquer
que « l'ouverture à l'urbanisation de nouveaux espaces
représente une aubaine financière pour les propriétaires
de terrains agricoles, quand les exploitations se trouvent en
difficultés ou ne disposent plus de repreneurs notamment ».
NGANA F. et al. (2010, p. 2) soutiennent que « la
spéculation immobilière s'intensifie avec l'extension et la
croissance de la population urbaine ».
En outre, des conflits fonciers surviennent dans la gestion
foncière. ZIAVOULA (2007, p. 3) explique que la vente d'un terrain
à plusieurs personnes est une cause majeure de litige foncier. Le
propriétaire terrien espère toujours recevoir un autre
acquéreur pour réaliser une meilleure transaction. Ainsi,
s'établit la chaîne de conflits entre le propriétaire
foncier et les différents acquéreurs. Même dans les
situations où le propriétaire foncier parvient à
rembourser ses clients antérieurs, le conflit demeure entre les divers
acquéreurs.
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Prenant l'exemple de Korhogo, KOUAKOU B. et al. (2015, p. 8)
expliquent que « les cas les plus fréquents de litiges fonciers
concernent des membres de la même famille opposés par le
système de succession, notamment les neveux et les fils du
propriétaire terrien ». Ainsi, les conflits à
l'intérieur des villages prennent leurs sources dans le partage des
terres familiales (Atlas de la population et des équipements, 2007).
Les tensions foncières rendent difficiles la mise en
valeur des portions de terres acquises. Jean-Philippe Plateau (1998) explique
que « les tensions autour des terres, observées à la
périphérie des villes, traduisent l'inquiétude des acteurs
locaux de voir disparaître leur réserve foncière ».
Au terme de l'analyse des écrits consultés, nous
notons l'insuffisance des données relatives à la gestion
foncière dans les villages intégrés aux villes,
particulièrement en Côte d'Ivoire après 2014. Or, du fait
de son extension spatiale remarquable, la ville de Daloa a
intégré les villages Sapia, Tagoura et Zakoua. Outre les
propriétaires terriens coutumiers, des intermédiaires qui
s'improvisent tantôt promoteurs, tantôt entrepreneurs interviennent
dans la production foncière dans ces villages intégrés. La
pression foncière qui est exercée sur les parcelles
coutumières débouche, par endroits, sur des litiges fonciers.
D'où l'intérêt de la présente étude.
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