Conclusion
L'étalement de la ville de Daloa à des impacts
sociaux sur la gestion foncière dans les villages intégrés
dont la fragilité de la cohésion sociale, la multiplication des
litiges fonciers, le non-respect des chefferies traditionnelles. Cette
intégration a également des impacts économiques qui sont
la spéculation foncière, le payement des impôts fonciers,
la reconversion économique des villageois etc.
84
CHAPITRE 6 : L'IMPACT SPATIO-ENVIRONNEMENTAL DE LA
DYNAMIQUE URBAINE DE DALOA SUR LA GESTION FONCIERE DANS LES VILLAGES
INTEGRES
Introduction
En Côte d'Ivoire, la maîtrise de
l'étalement urbain est une problématique majeure. Cet
étalement qui se réalise par la consommation du patrimoine
foncier des villages qui sont intégrés, a de multiples impacts
qui s'observent plus particulièrement au niveau spatio-environnemental.
L'intérêt de ce chapitre est d'analyser les impacts
spatiaux-environnementaux de l'étalement de la ville de Daloa sur la
gestion foncière dans les villages intégrés.
6.1. L'impact spatial de la dynamique urbaine sur la
gestion foncière dans les villages intégrés SAPIA, TAGOURA
et ZAKOUA
6.1.1. Dynamique d'occupation du sol dans les villages
intégrés L'intégration de Sapia, Tagoura et Zakoua
à Daloa accélère sa dynamique spatiale. Le tableau 16 nous
présente la répartition des lots réalisés par
village.
Tableau 16 : Répartition des lots
réalisés par village
Villages
|
Lotissements
|
Nombre de lots réalisés
|
Sapia
|
56
|
1 204
|
Tagoura
|
58
|
1 008
|
Zakoua
|
36
|
621
|
Total
|
150
|
2 833
|
Source : Notre enquête, 2019
Les lotissements réalisés à Sapia,
Tagoura et Zakoua contribuent à l'extension spatiale de la ville. En
effet, dans sa croissance spatiale, la ville de Daloa consomme les terroirs des
villages intégrés, repoussant ainsi les limites des champs de
plus en plus loin. Le rythme d'extension de Daloa est accentué sur ses
secteurs Est et Nord respectivement vers Sapia et Tagoura. Au total, 2 833 lots
sont produits dans les villages intégrés Sapia, Tagoura et
Zakoua.
6.1.2. La prépondérance des lotissements
irréguliers à Sapia, Tagoura et Zakoua
Les lotissements irréguliers sont
prépondérants dans les villages intégrés du fait de
la lourdeur de la procédure de lotissement. En effet, la
procédure de lotissement apparait longue, complexe et fortement
centralisé même si l'initiative revient aux communautés
85
villageoises et détenteur de droit coutumier foncier.
Le propriétaire terrien fait une demande de lotissement au guichet
unique de la direction régionale du Ministère de la Construction
et de l'Urbanisme. Le guichet envoye la demande à la direction centrale
à Abidjan qui répond en demandant une enquête de commodo et
incommodo, en vue de déterminer si la parcelle à lotir n'est pas
objet de conflit. Cette enquête est réalisée par la mairie
si la parcelle à lotir est dans le périmètre communal, ou
soit par la sous-préfecture si en dehors du périmètre
communal. Cette étape passée, le géomètre
procède à la polygonal qui revient à la
délimitation de la parcelle et l'urbaniste fait le projet de lotissement
qui consiste à morceler la parcelle en lots suivant le plan directeur de
la ville. Le projet de lotissement est à son tour acheminé
à la direction centrale du ministère à Abidjan où,
seul le ministre, signe l'arrêté d'approbation du lotissement.
L'arrêté d'approbation du lotissement marque l'existence
officielle des lots sur la parcelle. Le dossier de lotissement est
ramené à l'urbaniste qui confie le bornage au
géomètre. La figure 31 montre la répartition des
lotissements approuvés dans les villages intégrés.
Source : Notre enquête, 2019
Figure 31 : Répartition des lotissements
approuvés dans les villages intégrés
L'analyse de la figure montre la prééminence des
lotissements en attente d'approbation dans les trois villages (77%). Cette
réalité est manifeste dans chacun des villages avec 81% à
Sapia, 76% à Tagoura et 74% à Zakoua. Cette situation est due
à la lourdeur de la procédure de lotissement. En effet, tous les
dossiers de lotissement sont approuvés à Abidjan. Cela rend la
procédure lourde.
86
La lourdeur de la procédure de lotissement à
deux conséquences négatives : la production de lotissement
difficile à viabiliser et le développement du marché
foncier illégal. Les propriétaires terriens n'attendent pas
l'approbation du lotissement pour procéder au bornage et à la
vente des lots sur la parcelle. Le non-respect des normes d'urbanismes dû
à la concurrence des acteurs et au contournement des urbanistes est
à l'origine de la production de lotissements difficiles à
viabiliser. Le Directeur du CIADEL explique que : « les populations
sont autorisées par l'administration publique à initier des
opérations de lotissement. Cette mesure répond certainement
à une revendication. Mais, l'on constate que les populations ne
s'appuient pas toujours sur l'administration ou sur ses représentations
locales. Elles s'engagent dans une opération de lotissement. C'est
lorsqu'elles rencontrent des difficultés (par exemple, lors du partage
des lots) qu'elles se tournent vers l'administration ».
A Daloa, sur la centaine de lotissement que compte la ville,
quarante-cinq seulement sont approuvés en dépit de la
régularisation des lotissements appliqués fait par le ministre de
la construction en 2015. Un particulier affirme que : « le
marché foncier illégal existe parce qu'il y a une production
irrégulière des produits fonciers. Pour mettre fin à ce
marché foncier illégal, c'est le système de production
foncière urbaine qu'il faut examiner pour savoir les aspects à
changer ou à corriger ». Le marché foncier
illégal est une cause majeure de la multiplication des quartiers
précaires au sein des villes. Les nombreux volumes consacrés aux
villes africaines en général, et celles de Côte d'Ivoire en
particulier laissent entrevoir des villes résultant pour une large part
de lotissements produits dans le contournement des règles officielles.
Des artisans de ces lotissements, les propriétaires coutumiers
reviennent en permanence dans la littérature, indifféremment des
époques et des fronts d'évolution des villes
étudiées (BROU Emile, 2010). Les propriétaires coutumiers,
artisans et auteurs des lotissements n'ont pu s'engager dans ces
opérations de morcellements et de ventes de parcelles que devant
l'existence d'un marché et la pression de la demande de terrains
à bâtir (YAPI-DIAHOU, 1991). La centralisation extrême du
système de production du foncier urbain serait à examiner en vue
d'assainir le milieu et empêcher la prolifération de l'habitat
précaire et illégal.
|