De la justiciabilité des anciens premiers ministres et de la détermination de la juridiction compétente en droit congolaispar Justin TSHIENDA Université de Lubumbashi (UNILU) - Licence en Droit Public 2022 |
§3. Portée et étendue des immunités du premier ministreAu vu des dispositions constitutionnelles qui prévoient les immunités, il n'est nulle part accordé au premier ministre congolais les immunités ; ce dernier engage sa responsabilité, dans le respect de la loi. Et nous constatons que la constitution du 18 février 2006 comme nous l'avons précédemment évoqué, n'accorde au premier ministre que les privilèges de Juridiction, en faisant de ce dernier justiciable de la Cour Constitutionnelle. Cependant, la procédure de poursuite du premier ministre qui est prévue, est une procédure des personnes bénéficiaires des immunités. A cet effet, NYABIRUNGU MWENE SONGA estime que dans les systèmes qui consacrent l'inviolabilité de la personne du chef de l'Etat, on parle de l'immunité pénale du chef de l'Etat. Et que dans notre système, loin de l'immunité pénale du fond, le chef de l'Etat congolais et son premier ministre engagent leur responsabilité pénale. Les seules dispositions qui rappellent l'immunité relèvent de la procédure.58(*) Pour les infractions commises dans ou à l'occasion d'exercice de leurs fonctions, la procédure de poursuite et de mise en accusation du président de la République et du premier ministre soumise au vote du parlement prévue à l'article 166 de la constitution, est pour notre part beaucoup plus protectrice que celle relative aux poursuites des parlementaires bénéficiaires des immunités prévues à l'article 107 de la même constitution ; dans la mesure où, les deux chambres réunis en congrès peuvent ne pas s'accorder sur la décision de poursuite du premier ministre, au point ou lors de vote de la décision de poursuite ou de la mise en accusation selon le cas, que le quota de 2/3 des membres du congrès ne soit atteint. Dans le cas où les deux chambres réunis en congrès n'ont pas adopté la résolution de poursuite ou de mise en accusation, la haute personnalité faisant objet de cette procédure ne pourra alors pas être poursuivi ; et c'est le cas avec les députés et sénateurs auxquels les immunités sont prévues. Pour les infractions que commettrai le premier ministre congolais en dehors de l'exercice de ses fonctions, nous pouvons dire que la constitution du 18 février 2006 a prévu une immunité les couvrant pendant toute la période qu'il est en fonction. L'article 167 alinéa 2 dispose en ces termes : « Pour les infractions commises en dehors de l'exercice de leurs fonctions, les poursuites contre le président de la République et le Premier ministre sont suspendues jusqu'à l'expiration de leurs mandats. Pendant ce temps, la prescription est suspendue. »59(*) Cette position est également bien soutenue par la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, lorsqu'elle dispose en ces termes : Article 108 : « pour les infractions commises en dehors de leurs fonctions, les poursuites contre le Président de la République et le Premier Ministre sont suspendues jusqu'à l'expiration de leur mandat. La prescription de l'action publique est suspendue. La juridiction compétente est celle de droit commun. »60(*) Eu égard à ce qui précédé, il convient de souligner que ces dispositions octroient aux deux personnalités une sorte d'immunités, et Gabriel KILALA dit à ce propos, que la constitution à son article 167 a prévu une sorte d'immunité de poursuites temporaire en faveur de ces deux hautes personnalités, cela seulement pour les infractions qu'elles peuvent commettre en dehors de leurs fonctions. Dans ce cas, les poursuites ne peuvent jamais avoir lieu durant le mandat, seulement après celui-ci.61(*) Pour le président de la République, nous disons que cette sorte d'immunités est absolue, dans la mesure où, la loi du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de la République élus et fixant les avantagent aux anciens chefs des corps constitués octroi à ce dernier un statut particulier en lui attribuant la qualité de sénateur à vie, et en lui accordant un régime juridique particulier tel que : Article 7 : « Tout ancien président de la République élu jouit de l'immunité des poursuites pénales pour les actes posés dans l'exercice de ses fonctions. »62(*) Article 8 : « Pour les actes posés en dehors de l'exercice de ses fonctions, les poursuites contre tout ancien président de la République élu sont soumises au votées à la majorité de deux tiers des membres des deux chambres du parlement réunis en congrès suivant la procédure prévue par son règlement intérieur. Aucun fait nouveau ne peut être retenu à charge de l'ancien président élu. »63(*) A cet effet, nous nous rendons compte que le législateur congolais en érigeant cette dernière loi a voulu protéger l'ancien chef de l'Etat, le soustrayant ainsi de la procédure des poursuites judiciaires, et cela pour tous les actes commis à l'occasion ou pendant l'exercice de ses fonctions de chef de l'Etat. Et nous estimons que cette protection devient une cause d'impunité, et qu'en lieu et place d'être une simple exception au principe d'égalité de tous devant la loi, elle est la violation de celui-ci. Et concernant le premier ministre congolais, bien qu'occupant des fonctions aussi importantes qu'elles sont, ce dernier n'est que bénéficiaire des privilèges de poursuites et des privilèges de juridiction ; mais la procédure prévue pour sa mise en accusation et la décision des poursuites reste la même que celle de la levée des immunités. Cette procédure est double, dans la mesure où, il faut premièrement voté la décision de poursuites pour permettre au Procureur Général près la Cour Constitutionnelle de poser les actes de poursuite ou d'instruction, comme les enquêtes, l'audition et bien d'autres ; et après l'instruction, ce dernier doit encore revenir au près du parlement réuni en congrès pour sollicité la mise en accusation du délinquant premier ministre, comme cela est prévu par les articles 101 et 103 de la loi organique de 2013 qui stipulent : Article 101 : « Si le Procureur Général estime devoir poursuivre le Président de la République ou le Premier Ministre, il adresse au Président de l'Assemblée Nationale et au Président du Sénat une requête aux fins d'autorisation des poursuites. L'autorisation est donnée conformément à l'article 166 alinéa 1er de la constitution. »64(*) Article 103 : « A la clôture de l'instruction pré-juridictionnelle, le Procureur Général adresse un rapport au Président de l'Assemblée Nationale et au Président du Sénat, éventuellement accompagner d'une requête aux-fins de sollicité du Congrès la mise en accusation du Président de la République ou du Premier Ministre... »65(*) Pour clore, nous partageons le même avis avec NYABIRUNGU mwene SONGA lorsqu'il dit : nous considérons que le Président de la République Démocratique du Congo et son Premier Ministre méritent mieux pour le prestige, et l'éminence des fonctions qu'ils exercent, et qu'un régime pénal favorable et de nature à concourir à la grandeur de la nation, et à la reconnaissance que celle-ci doit aux meilleurs de ses serviteurs. * 58NYABIRUNGU mwene SONGA, traité de droit pénal Général congolais, 2e éd.EUA,2007, p.237 * 59Art.167, al 2 de la constitution congolaise. * 60Art. 108 de la loi organique n°13/026 * 61Gabriel KILALA PENE AMUNA, Op.cit. p.72 * 62Art. 7 de la loi du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs des corps constitués. * 63Art.8 de la loi du 26 juillet 2018. * 64Art. 101 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013. * 65Art. 103 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 |
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