Rivalité sino-américaine et son impact sur le nucléaire iranienpar William Lulonga Welongo Université de Lubumbashi - Licence en Relations Internationales 2021 |
§3. L'impact du retrait américain sur la pérennité de l'accord iranienConséquence immédiate de l'annonce du président américain, les sanctions américaines liées au nucléaire qui pesaient sur l'Iran avant la signature du JCPOA sont rétablies. Il s'agit notamment de restrictions portant sur l'achat de pétrole iranien, le commerce de métaux précieux et les transactions nancières avec le pays. Ces mesures restrictives, commerciales et nancières, visent à exercer une pression économique maximale sur le régime iranien dans le but d'en obtenir le plus de concessions possibles sur les questions ayant trait au nucléaire, au rôle régional de l'Iran, à son programme balistique ainsi qu'aux violations des droits de l'homme177(*). Si l'Iran s'est engagé à respecter les dispositions de l'accord malgré le retrait américain, le régime a toutefois annoncé qu'il renforcerait sa capacité d'enrichissement si les négociations avec les Européens, la Chine et la Russie ne produisaient pas les établissements escomptés. Les Iraniens ne souhaitent maintenir l'accord que s'ils en retirent les bénéfices économiques attendus du renoncement au programme nucléaire militaire. L'avenir de l'accord iranien semble alors fortement compromis en raison de la portée de la décision américaine. En effet, les sanctions américaines doivent être respectées non seulement par les entreprises américaines (US persons), mais également par les entreprises étrangères puisque la majorité des mesures rétablies sont des sanctions secondaires. Plusieurs groupes européens tels que Total et PSA ont d'ores et déjà annoncé se retirer du marché iranien sous peine de perdre l'accès au marché américain et de s'exposer à des poursuites judiciaires178(*). Même si les Européens souhaitent préserver l'accord, cela s'avère particulièrement difficile dans les faits en raison de ces sanctions secondaires. Suite à la réunion des chefs d'État ou de gouvernement des États membres de l'Union européenne (UE) qui s'est tenue à Soa, la Commission européenne a décidé d'agir sur quatre volets en désignant son engagement envers le Joint CompresiveProgram Of Action (JCPOA). Tout d'abord, elle a lancé le processus d'activation de la loi de blocage qui interdit aux entreprises européennes de se conformer aux établissements extraterritoriaux des sanctions américaines et leur ouvre le droit à une indemnisation en cas de poursuites. La Commission a également entrepris de lever les obstacles juridiques empêchant la Banque européenne d'investissement (BEI) de lancer des activités en Iran. Elle s'est aussi engagée à poursuivre et intensifier la coopération sectorielle avec l'Iran. Elle encourage les États membres à envisager de régler leurs transactions sur le pétrole iranien en euro via des transferts entre les banques centrales européennes et la banque centrale d'Iran179(*). La pérennité de l'accord iranien après le retrait américain dépend également de la réaction de la Chine et la Russie, autres signataires de l'accord et partenaires commerciaux privilégiés de l'Iran. Les entreprises chinoises et russes étant moins implantées sur le marché américain, elles ont moins à perdre que les entreprises européennes si elles maintiennent leurs relations économiques avec l'Iran. Elles peuvent ainsi tirer profit du retrait des entreprises américaines, et probablement européennes, pour renforcer davantage leur activité en Iran. De plus, les transactions entre lesentreprises iraniennes et chinoises ou russes pourraient être libellées dans les devises nationales, respectivement le yuan et le rouble, pour éviter tout risque de poursuites américaines et l'exclusion du système nancier mondial. Mécaniquement, les États-Unis contraignent l'Iran à se tourner vers la Chine et la Russie mais les bénéfices tirés du renforcement des relations commerciales avec ces deux pays risquent de ne pas être suffisants pour compenser les pertes liées au retrait des entreprises américaines et européennes du marché iranien180(*). Conclusion :ce dernier chapitre de notre travail était consacré à répondre à la question que nous nous sommes posés dans la problématique, et nous avons trouvé que la rivalité entre les deux camps est multi dimensionnelle, et elle a bel et bien un impact sur le nucléaire iranien qui est d'un côté les États-Unis tirent la corde pour bloquer ce programme, de l'autre côté la Chine encourage ce programme nucléaire. * 177 Le texte du JCPOA ne prévoyant aucune clause permettant le retrait de l'une des parties, il serait plus correct de parler d'un rétablissement des sanctions que d'un retrait de l'accord. Voir à ce propos la réaction du professeur Marcelo Kohen : « Nucléaire iranien : « Donald Trump viole un accord international », in Le Temps, 9 mai 2018, p.5. * 178YukiyaAmano, directeur de l'AIEA, l'Iran fait pourtant l'objet « du régime de vérification nucléaire le plus solide au monde », voir notamment sa déclaration du 9 mai2018, p.10. * 179 Alexandra de Hoop Scheer : « Les initiatives diplomatiques prises par Trump ont isolé les Etats-Unis », Le Monde.fr, 26 janvier 2018, p.5. * 180 « Note d'actualité : Causes et conséquences du retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien » in ThucyDoc n° 8, p.9. |
|