V-1 La forclusion vocale - Les hallucinations :
Pour Lacan : « Ce qui est forclos du champ symbolique
revient sous forme hallucinatoire dans le réel ».Celui qui n'aura
pas pu se structurer par l'intermédiaire du refoulement originaire, ce
point sourd, se verra envahi par la voix de l'autre, il y restera suspendu et
en souffrance. Lacan rapproche du râle de jouissance et de la mort du
père de la horde primitive la voix inarticulée et la voix de la
jouissance. La voix du père archaïque apparait comme obscène
et féroce. La voix de l'autre s'impose de façon surmoïque
par des injonctions « jouis ». L'autre s'adresse au sujet, mais le
sujet est incapable de faire quoi que ce soit de cette adresse. La voix
apparait comme fantomatique, comme réelle et menaçante. Freud
parlera de voix folles et hurlantes de la conscience dans Totem et Tabou. Il y
aurait donc forclusion primordiale à l'effet de la voix primordiale, qui
fait retour comme une perception interne. La voix archaïque a
été soustraite au pouvoir symbolisant et réapparait dans
le réelle dénuée de signifiant.
Pour Lacan l'hallucination est une manière d'être
au monde qui comme le délire n'est plus en adéquation en
congruence avec un environnement composé de repères constants
partagés par tous les représentants d'un groupe humain, un
ensemble de signifiants. Les hallucinations sont
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dites vraies lorsqu'elles sont perçues de façon
spatiale ou localisée et que le patient s'en défende en se
fabriquant une armure (coton dans les oreilles, fabrication d'armure
compliquée etc.) pour ne plus les percevoir.
La vocation psychotique venant tenter de suppléer ce
qui manque à l'appel constitue l'oubli de l'Autre. Apparaît alors
une voix hors-la-loi qui, telles les Erinyes poursuivant Oreste, ne le quitte
pas parce qu'elles sont en lui et où qu'il fuie, sont toujours avec lui.
C'est ce que nous montre dramatiquement la clinique de la psychose : des
patients qui errent dans les hôpitaux l'oreille vissée à un
transistor pour tenter de couvrir ses/ces voix. La loi permet donc à la
voix de rester à sa place, c'est-à-dire inaudible.
Clérambault (1872-1934) s'est attaché à
décrire les toutes premières étapes des processus
psychotiques, notamment dans les délires chroniques hallucinatoires. Ces
troubles inauguraux consistent en l'émergence au côté de
pensées que je sujet reconnaît comme siennes, de productions
mentales dépourvues de ce sentiment d'appartenance. Le sujet
éprouvant une impression de facticité (qui n'a pas de
contingences) les considère comme autonome par rapport à son
propre psychisme. Cette activité mentale est dépourvue
d'esthésie (sans sensation ni sensibilité) neutre au point de vue
affectif et athématique (n'exprimant pas l'essence d'un individu) sur le
plan idéique.
Pourtant bien que s'immiscent dans les cours de la
pensée, les productions anormales bien qu'étant
étrangères au sujet, n'en demeurent pas moins de l'ordre de la
pensée, puisqu'elles sont dans la tête dans l'esprit du patient.
Ces phénomènes parasites sont sans sensorialité ni
spatialisation, ni totalité particulière, ni
affectivité.
Par contre les voix venues de l'extérieur
attribuées à un ou plusieurs personnages tenant des propos
chargés de sens pour le patient déclencheront chez celui-ci une
réaction émotive plus ou moins vive, d'autant que ces
hallucination verbales, auditives peuvent être accompagnées
d'hallucination psychosensorielles olfactives, tactiles, etc.. Les impressions
d'étrangeté parce qu'extérieure conduiront le patient
à dire qu'il est sous l'influence ou la possession des voix qu'il
entend.
Jean Etienne Esquirol élabore la définition de
l'hallucination comme une perception sans objet, définition retenue
jusqu'à nos jour. «L'hallucination n'est pas seulement une
perception privée du stimulus externe correspondant, mais la conviction
intime d'une sensation actuellement
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perçue alors que nul objet extérieur
approprié propre à exciter cette sensation n'est à la
portée des sens «. 78
A la suite d'Esquirol, Falret, précisera que l'objet de
l'hallucination doit paraître présent et tandis que le sens comme
la, vue, ouïe, odorat et, goût, téguments, ne reçoit
aucune impression. Par contre Bleuer fera de l'hallucination une
représentation et non l'impression d'un objet, représentation
à laquelle le sujet attribue une valeur de perception. Pour Freud, toute
représentation inconsciente, doit pour devenir consciente, repasser par
la perception pour être perçue comme objet externe. Dans
l'hallucination, l'alternative dedans-dehors, représentation-perception,
n'a plus de sens. Avec sa métapsychologie du système de
perception-conscience, et avec sa théorie de la réalisation du
désir dans le rêve et dans l'hallucination ; la dimension
subjective sera définitivement instaurée, qu'on soit fou ou non
fou.
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