Aux detours de la voix et ses "en je"par Sylvie ROSI DETTO ROZZI Université Paul Valéry Montpellier III - Master II 2021 |
II -2 La voix surmoïque « du père »a) Le schofar, la voix du père : Le Schofar imite la voix rauque de l'homme, en opposition avec la voix féminine maternante qui possède des harmoniques aiguës et harmonieuse renvoyant à une voix angélique. Pour Wagner la suppression des scansions avait l'effet de lutter contre le symbole de l'autorité tyrannique du père incarnée par les consonnes. La voix consonantique du père rompt avec 44 Ibid. 45 Ibid p302 46 Armand Abécassis, « Les temps du partage », t. I, p. 38, https://gallica.bnf.fr/3364426t.texteImage 28 celle de la mère qui introduit le discontinu. La voix discontinue s'émancipe de la parole, son registre monte et devient pure voix, n'étant plus soumise aux limites de la discontinuité que la loi symbolique exige pour sortir de la jouissance de l'objet voix. Le rite de schofar marque bien cette scansion de la discontinuité de la voix imitant celle de l'autorité paternelle. Lacan avance que le préverbal et tout à fait modelé par le verbal, qu'Alain Didier Weil qualifie « d'hyper verbal » présent dans le « préverbal » qu'entend l'enfant avant qu'il n'accède au signifié, dont on peut reconnaitre qu'il est signifiant du nom du père.47 La voix du père permet d'éviter la transgression du trop jouir de la voix féminine en s'appuyant sur la gravité de la voix qui lui donne corps à l'effet des consonnes qui permet de découper les syllabes. b) Abraham de l'injonction au désir : Dieu demande à Abram d'instaurer pour lui-même et son peuple la circoncision, comme marque de l'alliance avec la promesse d'une descendance et lui promet de devenir le père d'une nation. Cette circoncision sera marquée par le changement d'Abram en Abraham.48 Un jour, Dieu demande à Abraham d'offrir Isaac en holocauste sur le Mont Moriah. Après trois jours de marche, il demande aux serviteurs de garder l'âne et charge Isaac des bûches. Sur la route, Isaac demande où est l'agneau qui sera brûlé. Abraham répond qu'il s'en remet à Dieu. Une fois arrivés, Abraham élève un autel, dispose les bûches et lie son fils au bûcher. Alors qu'il tend la main pour immoler Isaac, un ange, convaincu de la crainte qu'il place en Dieu, crie à Abraham d'épargner Isaac. Un bélier, qu'Abraham voit pris au piège dans un fourré, est sacrifié à sa place. L'ange bénit Abraham et s'engage à faire proliférer sa descendance, promettant que toutes les nations de la terre se béniront en elle.49 Il est intéressant de constater qu'à l'effet la circoncision d'Abram corresponde à son changement de NOM en Abraham. La circoncision fut la marque d'une évolution, un nouveau départ qui l'invita à cultiver sa propre terre avec une nation ayant affermit son autonomie. Pour cela il accepte d'être manquant et de faire le sacrifice de son prépuce. Sur le chemin du désir il faut toujours consentir à une perte. Selon la formule de Lacan : » Il n'y a pas d'Autre de l'Autre «. Le sujet est alors conçu comme un ensemble vide qui inclut dans la parole la castration fondant la loi de son désir. » 47Jean-Michel Vives (dir) Didier Weill « Les enjeux de la voix en psychanalyse dans et hors la cure »Ed.Presses Universitaires de Grenoble 48 Genèse 17 :8-9 49 Genèse 22 - 1 -19 29 Dieu immuable dont le nom est imprononçable représentant le père réel, le prépare à une mutation plus grande que celle que la circoncision a provoquée dans sa chair. Il le prépare à L'Akedah comme passage du registre du nom totémique au Nom-du-Père qui vient fonctionner de façon opposée au totem. L'image du père castrateur évolue pour faire place à l'imaginaire que représente l'image de Dieu50 Le totem est encore la descendance promise à Abraham identifié à un nom. Alors que l'Akedah qui signifie ligature connu sous le sacrifice d'Abraham, le soutient dans sa relation signifiante à Dieu. L'intervention de Dieu est faite par l'intermédiaire de l'Ange incarnant la parole divine par sa bénédiction et qui met fin à la fin à la lignée idéale du totem. A la place d'Isaac un Bélier représentant l'animalité du père primitif de la horde, la jouissance pure sera sacrifiée. Le couteau marque le renoncement à cette part de jouissance du père primitif. Le bras de l'ange qui arrête son geste sacrificateur avait pour but était d'éprouver sa crainte et sa foi. Mais en réalité que veut Dieu le père alors dans son ordre de sacrifier son fils Isaac ? Kierkegaard met en évidence la place de l'angoisse liée à cette question que nous pouvons traduire à la manière Lacanienne par « Che voi ? » face à l'effroi qu'a dû ressentir Abraham de tuer son propre fils Isaac. Abraham consent à être considéré comme un monstre pour sauver l'image de Dieu, image d'un père idéal. Il en fait un héros tragique sacrifiant ce qu'il a de plus intime à l'Autre. « Kierkegaard avait compris que dans l'angoisse, il s'agit de perte, soit de la crainte de castration, même si pour nous la castration, est l'inéliminable de qui est toujours signalé par l'angoisse. « 51 » Ce qui permet d'échapper à l'angoisse c'est le désir. C'est la corne du Bélier dont il reste du sacrifice qui servira se schofar comme rappel à l'instauration de loi. « L'instauration est en deux temps : Le premier est celui des lois du langage qui soustraient de la jouissance, c'est donc la loi de la castration qui nécessite un consentement ; dans un deuxième temps, la loi du père assume un retour dans le vivant de ce qui a été mortifié par le langage. »52 Le Nom-du-Père n'est pas la fonction qui soumet la vie à la loi mais c'est la fonction qui soustrait la loi à la mort. »53 Le père est le vecteur de désir dans la loi, s'effondre alors l'image au Père idéal cher au patriarche. Il n'y a pas eu mort d'Isaac mais mort d'une image, de la puissance phallique qu'Abraham attribue au père idéalisé et dans laquelle il abrite sa propre image, qui est sacrifiée. Ce sacrifice représente le renoncement 50 Lacan J., Le Séminaire, livre vii, L'éthique de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1986, 51 Isabelle Morin « La traversée de Loi » page 5-27 52 Ibid p.4 53 P.Bruno, « La passe », Toulouse PUM, 2004 p 244 30 minimum pour accéder au désir. « Le rapport du sujet à la mort, présent dans tout savoir objectif, ancre l'homme dans le réel de son histoire et contraint son imaginaire à composer avec le désir de l'Autre. Sans la voix comme témoin de ce désir et opératrice de structure, il n'y a ni réel, ni imaginaire : deux ordres hétérogènes qui ne peuvent donner à penser à partir d'elle, dans l'accès à l'ordre symbolique »54Abraham peut désormais transmettre son nom à son fils qu'il a reçu de son père. Nous ne sommes pas ici dans la même dialectique d'Hegel qui soumet l'esclave au maître lié à la demande de jouir de l'objet, mais d'un objet d'amour éternel du père. La voix de Dieu l'invoque l'appelle et le bénit, il » dit l'amour » il le met en acte laissant Abraham libre de sa propre réalisation incarnant l'esprit du père comme guide dans sa futur vie. 54 Denis Vasse « l'ombilic et la voix » op. Cité p. 203 31 |
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