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Aux detours de la voix et ses "en je"


par Sylvie ROSI DETTO ROZZI
Université Paul Valéry Montpellier III - Master II 2021
  

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VI-2 Le chant dans l'opéra :

Il est intéressant de savoir que dans les années 1920-1930 ce n'est autre qu'Herbert Graff, à savoir le « petit Hans» de Freud grande figure de la psychanalyse qui a réinventé la mise en scène dans l'opéra au XXème siècle.

Ce qui distingue l'opéra de la musique symphonique, ou de chambre est l'aspect théâtral avec un texte et une mise en scène. La différence entre le théâtre et l'opéra c'est que ce qui prime dans le théâtre c'est le texte et le langage dont les idées ou philosophie doivent être convaincantes grâce au jeu des acteurs et actrices. Dans l'opéra le livet et le texte sont soutenus par la musique qui permet de vibrer émotionnellement indépendamment du texte bien que la portée des mots à l'effet de la musique prenne une dimension plus importante car elle nourrit les mots de sa dramaturgie. Ainsi l'opéra est tiraillé entre deux potentialités concernant la voix entre corps et langage. Prima musica et poi le parole (d'abord la musique ensuite les mots). Il y a un dilemme entre l'aspect maternelle de la musique et l'aspect vocalique enveloppante douce heureuse et le père avec le récit consonantique qui provoque une barrière au charme envoutant du chant Pour exemple la musique endiablée dans Faust de Gounod, dd l'air de Méphistophélès « et Satan conduit le bal » qui pousse Faust à la jouissance absolue représentant son aspect obscène et tout puissant d'un Dieu noir qui pousse à jouir. C'est la voix la plus grave la plus noire qui représente le diable qui demandera de signer un pacte d'accès à la jouissance dont il devra payer le prix par le sacrifice du sang d'un être cher. Jean Michel Vives dit que L'opéra s'attache à donner une forme à cette absence de l'objet, à s'en approcher, à tourner autour, à le magnifier, parce que l'opéra permet de jouir sans trop de danger et que l'on s'aperçoit que derrière la voix sublimée se dissimule - à peine - le cri.

93 Paul-Laurent Assoun, « Le démon de midi », Editions de, 2008.Ed. de L'Olivier 2008

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Dans l'opéra chaque type de voix est adapté au rôle que le chanteur incarne. Le père sera plutôt basse ou baryton, le frère sera un baryton, l'amoureux un ténor, la jouvencelle une soprano légère ou coloratur, la femme mariée ou maitresse sera une soprano lyrique ou dramatique, la mère une mezzo ou mezzo-soprano.

Tout y est représenté dans l'opéra du drame familial, social, politique, la notion de pouvoir, passion amoureuse etc. C'est à l'époque romantique avec Verdi et Wagner que les voix contribuent à leur spécificité sexuelle et leur rôle dans le social et la famille, alors qu'à l'époque Baroque les Castrats chantaient indifféremment des hommes et des femmes. 94

Les musiciens doivent faire corps avec leur instrument prolongement d'eux-mêmes. Le chanteur fait un travail de corps à corps avec sa voix, le corps en tant qu'instrument et le corps biologique et psychique. Il faut beaucoup d'exigence pour atteindre la technique vocale, alliant aisance, souplesse et force. Il doit être attentif au moindres effets que produit la voyellisation, en lien avec le souffle, sans oublier l'énergie qu'il faut pour l'envoi de la voix, tout en protégeant l'appareil laryngé pour obtenir que la voix soit vibrante et tonique, sans oublier une musicalité impeccable avec une bonne connaissance solfégique. Le chanteur lyrique est un musicien accompli. Tout ce travail qui demande de longues années d'études, lui permet de tirer parti de l'expressivité de son corps en rapport avec ses propres émotions en lui donnant vie et mouvement. Par la prise de conscience de la voix liée au corps, le chanteur ne peut pas se perdre car il est accordé à la loi musicale.et la technique, sans oublier l'ancrage au sol, ce qui fait de lui un véritable arbre qui prend racine en terre. On pourrait comparer le chanteur à un le forgeron qui participe à la transformation par le savoir-faire « savoir fer ». Il se forge lui-même de sorte que « fort je » deviens.

La palatalisation permet grâce aux harmoniques des voyelles de rentrer en résonance avec les mots, par le contact avec les dents, les lèvres et le voile du palais et de retrouver cette instance orale des premiers instants et de la découverte des mots passant de l'oralité à l'auralité. Ces mots goûteux, qui font saliver convoquerait-il l'individu à des souvenirs de sensations buccales jadis oubliées ? A la manière de Wilfred BION qui évoque l'élément Bêta « pensée primitive »pouvant être transformée en élément Alpha (processus de symbolisation) le mot devient créatif et se met en mouvement grâce au texte chanté et demande des

94 Marie France Castarède « La voix et ses sortilèges » Ed. Les Belles lettres

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ressources intérieures insoupçonnées jusque-là ignorées du chanteur.

« On trouve [...] que les mots, les voyelles, les phonèmes sont autant de manières de chanter le monde et qu'ils sont destinés à représenter les objets, non pas, comme le croyait la théorie naïve des onomatopées, en raison d'une ressemblance objective, mais parce qu'ils en extraient et au sens propre du mot en expriment l'essence émotionnelle. »95

La voix est phallique grâce à la pulsion sous-glottique, on pourrait la comparer à une flèche qu'on lance et qui va percer quelque part dans le lointain. « Le sphincter glottique dont parle Ivan Fonagy illustrerait l'alternance d'expulsion vocale à la rétention par le sphincter glottique et régulerait le plaisir entre décharge du vagin laryngé et tenue du son comme s'il y avait rétention anale, ajoutant du plaisir à l'individu. Retrouver l'objet aimé-haï « la voix » au moyen de la sublimation permet de retrouver-créer réorienter ce même objet par la créativité et la sublimation de façon active. L'étonnement chez les patients au regard de leur voix retrouvée, proche du sublime semblerait se suppléer à leur agressivité. Cette fascination à l'égard de son expression vocale me paraissait proche de quelque chose de sexuelle. Le vagin laryngé paraissait se substituer à son vagin. Ceci aurait sans doute, avec le temps permis un déplacement suffisant pour être organisateur de plaisir suivi d'un réinvestissement narcissique. ». 96 Le chant et particulièrement l'opéra nous transporte dans le visuel et le spatial nous éloignant du charme hypnotique de la musique pure. Ce visuel même s'il est du côté de l'imaginaire, nous permet de nous tenir à distance de la jouissance. La représentation mentale des personnages et du décor tempère irreprésentable de la sonorité musicale. Nous sommes à la fois spectateurs, auditeurs et acteurs. L'opéra nous fait donc vivre le dilemme entre rêve et réalité, principe de plaisir et réalité. Le pouvoir cathartique de la musique provoque une décharge collective et individuelle salutaire pour le psychique de chacun.

VI - 3 La Voix du symptôme au et le sinthome :

« Freud nous dit que le symptôme serait indice et substitut d'une satisfaction qui n'a pas eu lieu.»97Pourtant en dépit du fait qu'il procure une satisfaction le sujet s'en plaint. La satisfaction est du côté de la jouissance qui n'est pas plaisir mais au-delà du principe de plaisir. Gillie-Guilbert dit que le sujet laisse une trace de son passage tels des déchets de sa

95 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 218.

96 Ivan Fonagy « la vive voix » ed. Payot 1983 op.cit.

97 Sigmund.Freud `inhibition, symptôme et angoisse (1926) Paris, Quadrige/PUF, 1993, p 7

98 Jacques Lacan « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » Ecrits, Paris, Le Seuil 1966

99 Ibid.

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desquamation vocale » laissant une écriture du corps en guise de signature vocale » On pourrait dire que la voix s'appelle, elle « ça pêle » La voix qui effrite le discours possède une écriture, comme une lettre en souffrance qui n'atteint pas son destinataire.

« L'inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge : c'est le chapitre censuré »98Le terme de mensonge est à entendre que c'est le fait qu'un signifiant vient à la place du signifié refoulé. « Mais la vérité peut être retrouvé, elle est inscrite ailleurs. »99Cette vérité on en garde la trace dans le corps. Avec le cas de Joyce Lacan a su remanier son point de vue sur la symptôme versus le synthome, grâce à l'écriture dont il jouit, il en use comme un musique et il la chante, c'est sa façon à lui de « vivre en acte ».

La souffrance se transformerait par la créativité et permettraient une réappropriation de ceux-ci. L'art deviendrait contenant en tant que direction agissante dont le sujet est partie prenante.

L'histoire vraie de Florence Foster Jenkins merveilleusement interprétée par Catherine FROT dans le rôle de Marguerite, est Née le 19 juillet 1868 à Wilkes-Barre.

Le premier obstacle que rencontre Florence Foster Jenkins, c'est son père, fortuné mais qui refuse de dépenser un centime pour que sa fille, prodige du piano, poursuive son apprentissage au sein des plus prestigieuses écoles de musique. Après la mort de son père elle décide

d'épouser un médecin, le docteur Jenkins, pour conserver son train de vie aisé. Malheureusement, ce dernier, infidèle, lui transmet la syphilis. L'arsenic utilisé pour traiter l'infection sexuellement transmissible à l'époque fait alors perdre ses cheveux à l'élégante, qui divorce finalement en 1902. Florence Foster Jenkins retombe sur ses pattes. Elle s'installe dans la ville des possibles nommée New York grâce et décroche un petit boulot de professeure de piano. Cependant, le plus gros obstacle à sa carrière de cantatrice, c'est que madame Foster Jenkins est incapable de tenir une note, elle chante faux A la mort de son père, elle hérite d'une immense fortune qui lui permet de lancer sa carrière de cantatrice, au grand dam de son mari. La soprano n'hésite pas à se comparer aux plus grandes chanteuses de son époque. Ses interprétations créent l'engouement auprès d'un public médusé par la médiocrité de cette voix inaudible. En 1976, à l'âge de 76 ans, elle se produit au Carnegie Hall. La presse s'y rend volontiers et les échos du lendemain sont désastreux et la renvoie à la réalité. Sous le choc de la réalité de cet accueil, Florence Foster Jenkins succombe d'une crise cardiaque deux jours plus tard.

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Ce qui est étonnant dans le cas de Florence Foster c'est qu'elle choix qu'elle fait de chanter plutôt que de faire ce pour quoi elle est douée le piano. Or Florence Foster ne peux vivre qu'au travers de l'art du chant, mais le problème c'est qu'elle chant faux et celle-ci ne l'entend pas. « Ni la mort ni le soleil ne peuvent se regarder en face » Ce déni de réalité pose question. C'est le principe de la voix en tant qu'elle est pulsionnelle et qui lui procure du plaisir et une jouissance immédiate qui sans doute la conduit à faire ce choix. Florence Foster se pare de vêtements extravagants se soumettant au regard obscène de l'autre pour en jouir, l'oeil et la voix participant de cette avidité orgasmique à se laisser se mettre à nu. La voix de Florence crie de dés-être, rien d'autre que la projection d'elle-même ne compte, se laissant prendre au mirage de sa voix Florence Foster est dans l'obsession du déni. Sa voix dénote et marque le vide de l'autre prise toute entière dans l'imaginaire. . Tout ça n'est que mensonge « ment songe » Cette voix délirante, hallucinée montre bien qu'il y a forclusion du Nom du Père et qu'il y a inaccessibilité à l'ordre symbolique. Et pourtant Florence Foster trouve asile par le chant, elle s'y réfugie, c'est la béquille qui la tient debout. Elle en joue de ce corps qui la présentifie et la met en acte. Mais elle n'interprète pas mais prête sa voix aux mots. La voix ne s'exprime ce de qui la prend au trippe, elle ne s'adresse pas à l'autre elle fait parler son image qu'elle s'est créé et dans laquelle elle se mire à l'effet de sa voix. Et malgré tout ça la tient debout. Dans le film de Marguerite le metteur en scène a bien compris le circuit de la pulsion invocante quand lorsque Marguerite voit son mari de la scène et s'adresse à lui, sa voix devient plus juste. Ça fait synthome. Le synthome est élevé au semblant devenu mannequin, voilé par les sublimations disponibles au magasin des accessoires » Dieu sait si elle en ajoute des accessoires. Tant qu'elle chante elle peut tenir, elle est vivante. Tout comme Joyce elle a trouvé dans le chant une suppléance pour se construire un égo, soit une idée d'elle comme corps.

Cependant le corps à ses limites et la jouissance aussi, confrontée à la butée du corps qui n'en peut plus. Ne pouvant accéder aux aigus elle provoque un forçage laryngée ce qui traumatise ses cordes vocales et elle fut obligée de s'arrêter à cause d'une hémorragie entrainant une hospitalisation d'urgence. Marguerite ne veut pas s'arrêter de chanter et est prête à recommencer dès lors qu'elle sera rétablie. Ceci la met en danger, c'est alors que les médecins décident dans le film de lui faire entendre sa voix avec un enregistrement. Le choc fut tel, et la sidération telle, que tout se brise et se dérobe sous ses pieds, elle tombe inanimée et meurt d'une crise cardiaque.

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Ce sera le but de l'analyste de recevoir cette pelure de voix en tant qu'adressé à lui. Il s'agit que son oreille soit comme une antenne qui entende cette voix « inouïe » parce que jamais entendue de l'autre, pour sortir le sujet son anonymat vocal. L'analyse entend ce qui est tombé dans l'oreille d'un sourd, et voilà que le sujet dit quelque chose par l'effet du transfert qui le sacralise en tant que sujet, en tant que locuteur. Une des manières de rencontrer l'inouï par la voix est le chant. Le chant libère le geste vocale, des exigences de la profération. C'est par la traversée du pulsionnel de la voix comme une promesse de jouissance s'écoutant chanter pur affect et puis parler découvrant peu à peu son identité vocalique. Alors le sujet ne parlera que si ça lui chante, car il ne donnera pas de la voix en vain, après avoir découvert l'être vocal de l'inconscient.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle