WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Aux detours de la voix et ses "en je"


par Sylvie ROSI DETTO ROZZI
Université Paul Valéry Montpellier III - Master II 2021
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

V-4 Le bruit :

La voix porte en elle de façon intrinsèque des représentations imaginaire. Aristote écrit : « Pour qu'il y ait voix, il faut que l'être qui produit le choc mette en oeuvre quelque représentation (meta phantasias), car la voix est assurément un son chargé de signification (sèmantikos) et non pas un bruit produit simplement par l'air inspiré, comme la toux »84

Les craquements qu'entend Schreiber au début de sa maladie, et qui épouvantent parfois les phobiques révèlent l'indifférenciation du bruit et de la voix. Il ne s'agit pas seulement du bruit de la pensée entendue, il est aussi le bruit de l'autre, et révèle aussi la présence de l'être, car il marque une présence. Même si nous ne voyons pas les fantômes par exemple, nous sentons leur présence en ne nous fiant par exemple qu'à des bruits. Avant le mot, l'entendu n'est que du bruit, avant que la voix ne donne une forme au mot, l'entendu n'est que du bruit. Oswald

84 Aristote De anima, 420b.

57

relève l'affaiblissement consonantique du discours des schizophrènes, les voyelles dominent largement. Il interprète ce phénomène comme une régression au stade pré-linguistique ramenant à l'absence de contrôle sphinctérien correspondant à une vocalisation pure proche de la cacophonie. 85

La voix pulsion invocante est la seule qui ait besoin de deux orifices l'oreille et la boucle audio phonatoire de la nôtre et de l'autre c'est pour cela qu'elle est prise dans le désir à l'autre. La voix est l'objet (a) soumis à la perte « Il faudra que la voix soit séparée de la jouissance et définitivement exclue du cri. Ce qui est exclu, c'est ce qui constitue les choses « sache » les petits bouts de voix, les hurlements, chus de la chose (das ding) de cette jouissance hors la loi instauratrice aboutissant au langage. Malgré tout dans la psychose le bruitage de l'autre de la jouissance, est en rapport avec le pulsionnel sonore faisant retour dans le réel des signifiants forclos. Cependant il reste une trace de plaisir ou de déplaisir. Pour devenir conscients, faits, traces mnésiques il faut passer par l'entendu. Dans la psychose l'intraduit est véhiculé par des représentations de mots. Ce sont des représentations de la chose qui est (das ding) reflet de quelque chose qui a été entendu. Il s'agit donc de la chose voix. »86 Les pensées sont perçues effectivement comme venant de l'extérieur et sont tenus pour vraies. Il y a confusion entre la chose voix et le mot entendu. La symbolique du mot n'est pas distincte de la chose-voix. C'est un souvenir cru, de mot articulé qui s'entend, souvenir que le sujet a reçu de l'Autre, mais qui est n'est plus lisible, il s'entend mais ne se lit pas. Halluciner c'est entendre des paroles véhiculant et du sens qui reviennent au sujet, sans lui apparaître comme siennes. Il y a une discordance entre le corps et le langage. La voix à déserté les mots hors sens de la vocalité. Hors sens, mais aussi hors lettre car il n'y a pas d'adresse. En fait ce qui compte, ce n'est pas ce que du dis c'est la voix. La voix devient donc pulsionnelle en discorde avec le signifiant. « Je m'entends parler avec la voix de ma mère, je m'entends parler de vive voix. Rien n'arrête cette voix, elle n'habite pas le corps. Toute signification a déserté l'énoncé par exemple : je suis platonique avec ma mère, /j'ai mis un bonnet pour retenir mes pensées. Si le signifiant est absent du langage, j'entends le signifié et j'y crois.

La voix s'entend dans le réel et souligne le caractère réel de l'énoncé. Elles peuvent arriver comme des injonctions par exemple : prend un couteau et tue- le. »87

85 Yan Fonagy « La vive voix » Ed. Payot

86 Solal Rabinovith « Les voix » Solal Rabinovitch » Ed. Eéres op cit.

87 Ibid

58

Lorsque la voix est dégagée du langage et de toutes significations, elle ne veut rien dire au lieu de « ne rien dire ». Ce rien dire c'est la jouissance qui se fait pur voix. Là où il y a discorde, c'est que la conscience est confondue avec la pulsion. La voix ne rencontre aucun obstacle, rien ne l'arrête. Il n'y a pas de limite corporelle ni limite du monde. Mais nourrie par la pulsion elle se fait conscient parce qu'entendue. Parce qu'elles ne sont pas matérielles les voies dans la psychose sont l'essence même de la voix.

C'est le délire qui opère une liaison entre la voix et les mots qui tentent de réparer la discorde. L'hallucinée entend ce qu'elle énonce dans le réel de façon abrupte, il y a une impossibilité de départager ce qui s'entend du sens.

Il y a donc discorde entre le mot et la voix. Pourtant de ce qui traduit du signifiant c'est le signifié. Forcément des phrases entendues sont une vérité qui se fait injonction. Comment l'analyste peut-il entendre la plainte disjointe du dire. Comment créer un lien avec la voix en tant que soudée au corps.

Alors comment pourrait-on faire pour que le langage devienne chaire ?

La voix de l'analyste comme du thérapeute est à la fois le réel de sa présence sexuée. La voix du thérapeute ou celle de l'analyse ne pourrait-elle pas représenter le sujet pour sa propre voix ? Je me souviens en HEPAD d'une dame mutique qui ne quittait pas du regard ma bouche comme si elle si elle était rivée à ma voix. Elle ouvrait sa bouche à l'effet de ma voix en émettant des petits sons de satisfaction avec un regard gratifiant. Cela ne rappelle-t-il pas de la période enchanteresse ou la mère chantonne des mélodies à son enfant ? Elle attendait les moments de l'atelier chant avec impatience et son corps paraissait s'accorder au mien comme si je lui servais de transfert vocal, créant du lien en elle et moi. Pourrait-on prêter notre voix en prenant à notre charge la demande vocale de l'autre empêché pour permettre une rencontre ? L'analyste ne pourrait-il pas se glisser entre le mot et la chose, entre la voix et le verbe ?

L'analyste ne marquerai-il pas par sa présence une adresse. L'analyste ne pourrait-il pas répondre par le transfert au vide du rapport à la voix de la mère en prenant conscience de l'effet de sa voix sur l'analysant. ? « Au commencement était la voix de la mère ! » Aussi la voix de l'analyste ou du thérapeute permettrait-il de concourir à l'évolution de la jouissance de la voix de la mère pour qu'elle puisse être irrémédiablement perdue ? Faire advenir la voix comme objet « a » à condition d'y advenir soi- même comme je. La voix chantée permettrait de rendre

59

plus lisible la voix et dans pacifier l'impact dans le réel, en laissant la place à l'image grâce à la modulation, la brillance et l'émotion du timbre. Jean Jean-Richard Freymann nous donne l'exemple d'une enfant anorexique qui donne de la voix et crie et parle constamment incapable de jouer de la présence et de l'absence par ses silences. Elle parle mais ne s'écoute pas, elle ne se préoccupe pas non plus de l'Autre. Ecouter sa voix du dedans c'est se prendre comme objet d'étude et objet de transfert. Après avoir entendu Callas elle se sent pousser des ailes de désir. Avec le chant elle peut jouer de la voix et respecter les silences musicaux. S'adressant à l'autre les mots peuvent trouver leur souffle en s'appuyant sur l'écriture des notes écrites sur la portée.»88

88 Richard Freymann « Les enjeux de la voix en psychanalyse dans et hors cure »Jean-Michel VIVVES (dir.) Presses Universitaires de Grenoble op.cit.

60

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus