INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le temps. Quelle notion ! « Qu'est-ce en effet que le
temps ? », se demande Saint Augustin (1964 : 396). Le temps
« n'est-il d'abord, et au moins, un mot ? », déclare
Etienne Klein.(2004 :67) « Qui serait capable de l'expliquer
facilement et brièvement ? Qui peut le concevoir, même en
pensée, assez nettement pour exprimer par des mots l'idée qu'il
s'en fait ? Est-il cependant notion plus familière et plus connue dont
nous usions en parlant ?», rétorque Saint Augustin
(1964 : 396).
Ces d'interrogations montrent bien la difficulté de
cerner cette notion, et que chaque tentative en vue d'en trouver une
définition claire, nette et précise semble être un coup
d'épée dans l'eau.
De prime abord, le concept de temps apparaît certes
intelligible et a l'air facile à cerner : « Si personne ne me
le demande, je le sais » soutient Saint Augustin (1964 :396),
mais ce n'est pas évident car la complexité s'impose dès
qu'on cherche à lui conférer une signification : « Si on
me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus. Pourtant, je
le déclare hardiment, je sais que si rien ne passait, il n'y aurait pas
de temps passé ; que si rien n'arrivait, il n'y aurait pas de temps
à venir ; que si rien n'était, il n'y aurait pas de temps
présent. Comment donc, ces deux temps, le passé et
l'avenir, sont-ils, puisque le passé n'est plus et que l'avenir n'est
pas encore ? Quant au présent, s'il était toujours
présent, s'il n'allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas
du temps, il serait l'éternité. Donc, si le présent, pour
être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvons-nous
déclarer qu'il est aussi lui qui ne peut être qu'en cessant
d'être ?», ajoute-t-il. (1964 : 396)
En effet, définir la nature du temps constitue l'un des
plus difficiles problèmes de la réflexion philosophique. Certes,
le concept est le même, mais les approches définitoires sontriches
et variées, et ce, selon le domaine et la visée de chercheur. Le
temps, cette sibylline notion quiparaît être composé
d'instants perpétuellement différents, garde toujours ses secrets
malgré toute tentative visant son élucidation. Chacun a
essayé de lui conférer une définition répondant
à ses recherches, visées et ambitions, mais aucune
définition n'a reçu jusqu'ici, chez les savants commechez les
philosophes, un acquiescement général.
Dans le présent travail, le point sera mis sur
l'étude de la temporalité, définie comme étant
« le temps vécu par la conscience, celui dont elle
fait l'expérience et qui déploie, à partir du
présent (seul moment que saisisse une attention opérante), un
passé qui est fait de rétentions comme acquis et comme
appoint pour l'action (mais c'est le présent qui somme et
interprète ce qui fut actuel et ne l'est plus) et un futur qui est fait
de protentions, c'est-à-dire de projets, de possibilités
nouvelles (mais c'est encore le présent qui anticipe l'avenir, en
fonction de ses souvenirs et de ses prises), et plus particulièrement
sur l'ordre temporel du récit.
Le roman est le lieu par excellence de l'épanouissement
et de la maîtrise du temps.
Constitué d'un récit caractérisé
par son double aspect temporel permettant ainsi l'existence des anachronies
narratives, et relatant une histoire selon un système de narration qui
lui est propre, l'auteur peut faire varier à sa guise la
représentation des événements et l'ordre dans lequel ils
se sont déroulés et ce, en mettant l'accent sur le temps du
récit.
De ce fait, la représentation du temps dans un
récit pose toujours de nombreux problèmes dus, selon Todorov,
à la dissemblance entre la temporalité de l'histoire et celle du
discours.
Pour mettre en évidence sa pensée, Todorov
(1966 :125) dit :
« Le temps du discours est, dans un certain sens,
un temps linéaire, alors que le temps de l'histoireest
pluridimensionnel. »De plus, il ajoute :
« Dans l'histoire, plusieurs
événements peuvent se dérouler en même temps ; mais
le discours doit obligatoirement les mettre à la suite l'un de l'autre ;
une figure complexe se trouve projetée sur une ligne droite. C'est de
là que vient la nécessité de rompre la succession
naturelle des événements même si l'auteur voulait la suivre
au plus près. » Mais l'auteur peut ne pas rompre
l'enchainement des événements et essaye de trouver cette
succession naturelle, mais bien « il utilise la déformation
temporelle à certaines fins esthétiques. »
Indépendamment de tout devoir de référer,
le récit de fiction ne dépend que de l'actenarratif qui
l'instaure en imposant l'affirmation d'un règne qui n'obéit
qu'à ses lois et sa proprelogique. De ce fait, le temps de
l'écriture et le temps des événements racontés ne
se superposent que rarement. Le narrateur se trouve en totale liberté de
choisir l'ordre de disposition des événements, et il peut manier
comme il lui plaira la temporalité de son histoire, cette
dernière qui constitue donc l'un des ressorts essentiels de
l'élaboration du récit.
Ainsi, la lecture du roman le crime parfaitne nous a
pas laissé indifférent au regard de la temporalité
narrative. Cette construction temporelle a prévalu au choix de cette
oeuvre comme corpus d'étude.
Étudier l'ordre temporel du Le crime parfait
d'Adama Amadé SIGUIRÉ, nousramène à analyser
le roman en le soumettant aux différents travaux et théories
portant sur la temporalité et plus principalement la théorie
narratologique de Gérard Genette afin de mieux comprendre le rapport de
temporalité.
Pour Genette (1972 :292), la notion d'ordre est capitale
dans le processus de la compréhension d'un quelconque récit, et
il la définit de la manière suivante : « C'est
étudier le rapport entre la suite des événements telle
qu'elle est présentée dans le récit (le texte) et l'ordre
dans lequel ces événements se sont produits dans le monde
raconté. »
Cette définition que donne Genette concernant cette
notion mène d'une manière logique vers une autre interrogation
d'importance qui est la suivante : quel rapport existe-t-il entre les
évènements racontés dans un roman et l'ordre dans lequel
ces évènements sont racontés ?
Les questions qui découlent de cette question
globalisante sont les suivantes :
Ø Comment se manifeste le temps dans le roman ?
Ø Quelle est la structure narrative du roman Le
crime parfait ?
Ø Quels sont les mouvements temporels dans le roman
?
Pour parvenir à répondre à ces
interrogations soulevées, nous émettons l'hypothèse de
recherche selon laquelle dans les productions littéraires, la
temporalité se manifeste de plusieurs manières. Chaque
écrivain décide de raconter l'histoire suivant une organisation
temporelle qui lui est propre.
Dès lors, les hypothèses secondaires sont les
suivantes :
Ø L'histoire est racontée suivant une structure
temporelle bien déterminée ;
Ø L'histoire est racontée suivant un ordre
temporel bien défini ;
Ø Cette structure et ce procédé temporel
auraient une valeur significative et répondraient aux principes
d'écriture du moment.
Une telle étude vise des objectifs d'ordre
général et spécifique. De façon
générale, l'objectif de cette étude temporelle est
depouvoir mener une analyse générale sur le temps dans le
récit afin d'identifier les interactionsentre les
évènements et leurs successions.
De manière spécifique il s'agit d'étudier
la temporalité narrative du roman et d'interpréter cette
configuration temporelle.
Pour ce faire, nous avons d'abord lu le document et fait des
recherches connexes sur le thème afin de pouvoir bâtir un travail
scientifique et utile pour d'autres études. C'est après cette
cueillette d'informations relatives au thème d'étude que nous
avons élaboré ce travail.A la seule fin de mettre en
évidence cet objectif, il convient de signaler que cette analyse se
divise en trois chapitres intitulés respectivement :Approche
théorique et conceptuelle,présentation et analyse du corpus,
interprétation des données de l'analyse.
Dans le premier chapitre, il s'agira de clarifier le concept
`'temps''selon différentes acceptions, puis la notion
d'ordre temporel.
Le deuxième chapitre de ce travail sera
consacré, d'une part, à la présentation de l'auteuret,
d'autre part, àl'analyse des données recueillis dans le corpus.
Quant au troisième chapitre, il sera question
d'analyser la portée de la structure narrative dans Lecrime
parfait.C'est d'ailleurs le plus important dans ce travail.
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