1.5.2. Considérations théoriques sur la mise
en oeuvre de la Gratuité de l'Enseignement en RDC
Comme nous venons d'indiquer, depuis des années, le
système éducatif congolais fait face aux multiples défis;
le plus criant était la prise en charge de l'école par les
ménages (parents d'élèves). Cette situation aurait
même porté coup dur à la qualité de l'enseignement
à tous les niveaux. Pour y arriver à appliquer la loi portant
gratuité de l'enseignement primaire voire éducation de base, il
fallait commencer par relever les défis en phare. Dans le cas contraire,
nous aurons une école gratuite qui ne rimera pas forcément avec
la qualité.
Arrivé au pouvoir, le 24/01/2019; samedi, le
02/03/2019, le chef de l'Etat Congolais, au cours d'un meeting ténu
à la place de l'échangeur-Kinshasa, fait plusieurs
déclarations politiques et « annonce les voeux de son programme
mandat (connu sous le nom du programme d'urgence ou programme de cent 100jours)
». Dans son allocution, il révèle ses priorités dans
dix (10) secteurs : santé, enseignement primaire, secondaire et
professionnel (EPSP), l'agriculture, le développement rural,
infrastructures et travaux publics, transports, Energie, Mines, industrie,
Formation professionnelle, Métiers et artisanat, Fonction
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publique, défense et service de sécurité,
justice et pouvoir judiciaire, et affaires étrangères. Sans pour
autant présenter un cadre programmatique dans lequel devrait s'inspirer
les participants pour faire le travail. A la foulée de ces
déclarations, il formule aussi le voeu de rendre gratuite
l'éducation de base.
Sans transition, en lieu et place, il intime l'ultimatum
d'appliquer la gratuité dans tous les établissements publics au
niveau primaire et secondaire général. Discours
controversé par un nombre d'écoles de Kinshasa qui s'attendaient
avant tout à la résolution des préalables. Car, en
réalité des faits, les chefs d'établissements
commençaient déjà à percevoir les acomptes de
paiement des frais scolaires n'étant pas sûr de
l'effectivité de la gigantesque réalisation du gouvernement. Ils
se souciaient aussi de rembourser aux parents les frais déjà
perçus.
La situation fait de la rentrée Scolaire 2019-2020 un
foyer des tensions, des manifestations de mécontentement et
déclenchement des mouvements de grève au point que le
gouvernement avait du mal à contenir. A ce titre, s'imposera en date du
22 au 24 Août 2019 une table ronde convoquée par le chef de
l'Etat, absent aux assises, et qui sera représenté par son
directeur de cabinet. Le conclave va charger un groupe d'expert pour
étudier les défis et en proposer les pistes. Une sous-commission
composée des experts de l'administration publique (Ministres de l'EPSP,
budget, du plan et des Finances), les conseillers du Président de la
République, et les organisations de la société civile. Les
praticiens de l'éducation n'ont pas été
intéressé.
Une nouvelle impulsion en éducation s'impose. Pour
prendre en charge la gratuité de l'enseignement de base, la
sous-commission EPSP, l'évalue à 2 905 906 965 USD : assurer le
fonctionnement de 51 574 écoles publiques et bureaux gestionnaires, la
prise en charge de 542 834 enseignants ; la suppression de frais de bulletins,
les frais des épreuves, etc. Suite à la modicité des
recettes de l'état, évalué à 4,9 milliards USD, les
membres de la sous-commission optent pour une
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mise en oeuvre progressive de la gratuité de
l'éducation de base tout en échelonnant les besoins pour une
période de trois ans (2020-2022). Sur le terrain, les parents sont
partagés entre l'espoir et la prudence.
Considérant les problèmes d'ordre
budgétaire, le Ministre du Budget annonce cinq actions principales pour
2020: la mise en oeuvre progressive de la gratuité de l'enseignement de
base ; la formation continue des enseignants ; l'extension en province de la
mutuelle de santé des enseignants ; l'acquisition et distribution des
manuels scolaires et des guides pédagogiques aux écoles primaires
; la rente, la pension et la mise à la retraite des enseignants.
Les participants sont allés loin en proposant
même le recours à une taxe de solidarité : la participation
de 10% des recettes perçues des secteurs miniers, d'hydrocarbure,
télécommunications, billet d'avion, péage, pollution de
l'environnement. Une proposition, qui devrait être approuvée par
le nouveau Gouvernement et votée par le Parlement.
1.5.2.1. L'absence de planification crée la
confusion
A une semaine de la rentrée scolaire, les discours
changent. Le Ministre intérimaire de l'enseignement primaire, secondaire
et professionnel, Emery Okundji, annonce la gratuité totale de
l'éducation de base. Sans une planification programmatique et
budgétaire cohérent, le 27 août 2019, le Secrétaire
Général à l'Est, Jean-Marie MANGOBE BOMUNGO, interdit la
perception par les écoles publiques des frais scolaires et de
motivation. Son courrier, adressé aux directeurs provinciaux, annonce
par ailleurs quelques mesures, notamment la mécanisation de 15 000
enseignants sur le stock de 132.613 non payés ; la prise en charge des
frais de fonctionnement dès le mois d'octobre 2019, sans préciser
le montant ; la restitution des frais perçus aux parents. Cependant,
certaines écoles publiques ont eu à restituer les frais
perçus aux parents et d'autres hésitaient encore
d'obtempérer à la décision du
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Ministère, pour n'avoir reçu aucune garantie en
ce qui concerne la prise en charge des enseignants et des frais de
fonctionnement par l'Etat.
Pourtant, lors des conférences budgétaires pour
l'exercice budgétaire 2020, organisées par le Ministère du
Budget du 5 au 16 août 2019, le Ministère de l'EPST avait
présenté les besoins de la gratuité de l'éducation
de base de manière échelonnée. Son plan triennal
(2020-2022) prévoyait l'augmentation du budget de l'EPST à 3,233
milliards USD soit 1,077 milliards USD l'année. En première
année, c'est-à-dire en 2020, le gouvernement devrait prendre en
charge les frais de bulletin, de Minerval et d'Identification, du Test National
de Sélection, et d'Orientation Scolaire Professionnelle (TENASOSP) de 13
579 065 élèves et suivi de leurs cursus scolaires; des frais
d'Examen National de fin d'études Primaires (ENAFEP) pour 1 500 000
élèves.
S'agissant du fonctionnement et de la mécanisation des
enseignants, le scénario projetait la prise en charge des frais de
fonctionnement de 30773 écoles, la mécanisation de 40.000
enseignants sur le stock de 132.613 enseignants non payés au cours de
l'exercice budgétaire 2020, alors que les syndicats des enseignants
affirment avoir déposé au mois d'avril 2019 à la
présidence de la République un mémorandum reprenant un
effectif de 240 000 enseignants, dont 104387 nouvelles unités.
Pour y parvenir, un crédit de 439 271 756 USD
était disponible dans le budget 2019. Et, qu'il suffisait de rechercher
637 728 244 USD pour lancer la gratuit progressive dès la rentrée
scolaire 2019-2020. Cependant, la proposition n'a pas été
acceptée par les politiques, qui ont proposé la gratuité
totale, sans tenir compte des préalables. Tout en rassurant les parents
de la capacité du pays à mobiliser le gap de 2,466 milliards USD
pour financer la gratuité de l'éducation de base. Pourtant,
l'application de la gratuité progressive telle qu'échelonner
par les experts devrait entraîner un allégement partielle et
progressive de la contribution des parents, jusqu'en 2022.
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