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Dématérialisation du service public. étude du lien entre médiation numérique et l’action sociale.


par Lauriane Debaque
Université Toulouse Jean Jaurès - Master 1 Sciences de l'Education et de la Formation 2019
  

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Chapitre 4. La médiation numérique : une réponse à la révolution numérique

Comme nous l'avons vu précédemment, les politiques publiques, avec leur souhait de transformation numérique du service public, poussent de plus en plus vers différents portails en ligne. Néanmoins, il ne faudrait pas que cela pousse vers la porte de l'exclusion.

L'e-inclusion, comme le rappelle la CNNum (Meyer, 2014, p. 126), désigne la manière dont les technologies de l'information et de la communication contribuent à développer la participation de tous à la société. Cette dernière devient un objectif qui reste marginal dans les politiques publiques : l'insertion par le numérique semble confiée aux mains des territoires locaux. C'est dans ce mouvement initié par la transition numérique que se situe la médiation numérique.

4.1. La médiation numérique : une pratique mise en place au travers de dispositifs

« La médiation numérique désigne la mise en capacité de comprendre et de maîtriser les technologies numériques, leurs enjeux et leurs usages, c'est-à-dire développer la culture numérique de tous pour pouvoir agir dans la société numérique. » (MedNum, 2015). En ce sens, elle est au service de l'inclusion numérique et met en avant la dynamique d'empowerment. La médiation numérique permettrait un apprentissage axée sur la pratique et les usages des TIC. Cet apprentissage augmenterait la capacité des citoyens à agir dans la société.

Dans son article, Gervais (2017, p. 29), médiateur numérique, nous précise que « l'utilisation en conscience des outils numériques devient une condition indispensable pour exercer sa citoyenneté et renforcer sa capacité d'agir. Il n'est plus seulement question de former des publics aux outils, aux usages et aux enjeux numériques, mais de les accompagner en tant que citoyens dans la société numérique. ». Précédemment, nous avons vu que l'empowerment des citoyens pouvait être réduit en raison d'un manque de connaissances et de compétences numériques. La médiation numérique apparait comme une réponse adaptée à ce nouveau besoin. Cette dernière se pratique au sein de lieux dédiés tel que les Espaces Public Numérique (EPN).

Les EPN sont nés en France au milieu des années 1990. Ils avaient pour objectif de rompre avec la fracture sociale du numérique. En effet, parmi les enjeux des années 90 se posait la question de l'accès aux technologies multimédias connectées. Le matériel était onéreux, d'une utilisation complexe et la connexion aussi rare que chère. L'idée des EPN était, avant tout, de rendre

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accessible le numérique et internet car leur accès n'était pas démocratisé. Cette fracture s'est en partie amplifiée en 2004 avec l'arrivée du Web 2.0 et son florilège d'outils et services web plus interactifs et collaboratifs. (TILIOS Initiatives, 2020). Entre temps, le PAGSI a permis d'aboutir à la charte des EPN qui a fait émerger des centaines d'espaces en France. Cette émergence a permis des recrutements soutenus par le dispositif « Emploi Jeunes » au détriment des acteurs en place, de leur reconnaissance et de leur professionnalisation.

En 2010, le taux important d'équipement numérique des ménages a requestionné l'existence des EPN. Au-delà des problématiques d'accès, il y a des problématiques d'usages et de pratiques. Dans leurs travaux, Meyer & Delahaye (2017, p. 11) indiquent que « les pratiques renvoient aux fonctionnalités idéelles des technologies numériques, à toutes les possibilités réelles ou potentielles qu'elles nous offrent mais dont nous utilisons souvent qu'une infime partie. En revanche les usages sont ce que la personne fait ou peut faire réellement de cette technologie, soit par choix et habitudes, soit par ignorance des autres. » Les besoins étant moins axés sur l'accès à internet que sur l'accompagnement des pratiques et des usages, les EPN ont transformé le "P" de Public en Pratiques : Espace de Pratiques Numériques. Ce dernier donne accès, à tous, à un équipement et un accompagnement aux usages numériques. Il met le projet au coeur du processus, et l'utilise comme prétexte à l'accompagnement au numérique. Il organise des ateliers autour de projets en exploitant les TIC. Le terme de médiation numérique prend alors tout son sens.

Bien que des lieux comme les EPN soient des lieux spécifiques pour la pratique de la médiation numérique, celle-ci prend forme au sein de différents lieux comme les médiathèques, les centres sociaux, les centres de formation, les associations, etc. Plus récemment et afin d'accompagner les citoyens face aux nouveaux besoin, l'Etat a mis en place un nouveau dispositif : les Maisons de Services au Public (MSAP).

Expérimentées de 2010 à 2013 sur certains territoires puis déployées par la suite, les MSAP sont des lieux de services de proximité : « les habitants peuvent être accompagnés dans leurs démarches administratives : emploi, retraite, famille, social, santé, logement, énergie, accès aux droits, ... » (Maison des services au public, 2018). Avec pour objectif d'éviter la multiplicité de guichets uniques, l'octroi du label MSAP permet d'unifier les points d'accueils.

Portées par une association, une collectivité ou bien par la Poste, les MSAP sont composées à minima de deux des six opérateurs partenaires de ce dispositif : Pôle Emploi, la CNAM, la CNAV, la CNAF, la CCMSA et La Poste (CGET, 2017). Néanmoins, « si chaque maison doit

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conventionner avec les opérateurs partenaires de la politique publique, une place importante est laissée aux partenariats annexes - avec d'autres acteurs institutionnels et associatifs locaux - afin de répondre au mieux au besoin des populations du territoire. » (Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales , 2019). Chaque MSAP s'adapte à son territoire et construit son « offre de services » en identifiant les besoins du territoire au sein duquel elle s'implante.

Les MSAP peuvent être vues comme un dispositif d'accompagnement mis en place en parallèle de la dématérialisation du service public. Les dispositifs étant « ce qu'une société met en oeuvre pour lutter contre ce qui, pour elle, fait problème » (Foucault, 1975, cité par Paul, 2016, p. 22). En effet, « une Maison de Services Au Public est un espace associant systématique présence humaine et accès aux outils numérique. Les agents des maisons de services au public sont formés - par les opérateurs ainsi que par l'Etat et ses partenaires - aux actions de médiation sociale et numérique, afin de lutter contre l'illectronisme et favoriser l'inclusion numérique. » (CGET, 2017).

Très récemment, visant une montée en gamme des MSAP, l'Etat a changé le label pour celui de « France Services ». En effet, l'hétérogénéité de l'offre de service des MSAP a peu à peu fait mûrir l'idée qu'une harmonisation des services permettrait au label une meilleure visibilité et éventuellement un meilleur impact. C'est pourquoi, « France Services permet de trouver dans chaque guichet polyvalent, un socle minimum de services garantis et un accueil identique. » (Bercy Info, 2020). Il sera possible de solliciter les services de, non pas deux minimum comme pour les MSAP mais bien, neuf opérateurs partenaires : la Direction générale des finances publiques, le ministères de l'Intérieur, le ministère de la Justice, la Poste, Pôle emploi, le Conservatoire National des Arts et Métiers, la Caisse Nationale des Allocations Familiales (CNAF), l'assurance retraite et la Mutualité Sociale Agricole (MSA) (Bercy Info). Au-delà de ce socle de services garantis, les collectivités peuvent déployer des offres de services complémentaires. De nouveaux partenariats sont prévus par l'État pour enrichir en continu l'offre de services.

Les guichets des espaces France Services ont pour missions (Bercy Info) d'apporter :

- une information de premier niveau ;

- un accompagnement au numérique pour en favoriser l'apprentissage et en développer les usages ;

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- une aide aux démarches en ligne ;

- des prestations de conseils pour la résolution des cas complexes en s'appuyant sur un correspondant au sein des réseaux partenaires.

« Chaque France Services devra disposer de deux personnes formées à l'accueil du public et capables d'apporter une réponse pour les démarches du quotidien. » (Gouvernement, 2019). Ces dispositifs créer des emplois d'agent-médiateur. Entre l'agent d'accueil et le médiateur numérique, il est intéressant se demander quelles sont les compétences attendues des professionnels recrutés sur ces espaces : une maitrise des droits sociaux alimentée par une formation des opérateurs partenaires, une maitrise des technologies de l'information et de la communication mais également un sens de l'accompagnement, de la pédagogie et de l'adaptabilité au regard de la pluralité des publics pouvant solliciter de l'aide ? En ce sens, ces professionnels ne seraient-ils pas un savant mélange de médiateur numérique et de travailleur social ?

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon