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Operationnalisation de la strategie nationale du contenu local dans le secteur des mines au Burkina Faso


par Dramane TRAORE
Université Thomas Sankara du Burkina Faso - Master II en Intelligence Economique et Développement International  2023
  

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CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE

La revue de littérature à travers des théories permet d'apporter certains éclairages pour décrire et comprendre des liens entre des concepts. Ce chapitre traite de quelques postulats théoriques en relation avec le contenu local de façon générale et plus précisément dans le secteur minier. Le cadre théorique de notre étude se reposera alors sur la théorie de « la malédiction des ressources naturelles » développée par un certain nombre d'auteurs et sur les politiques de contenu local et leur mécanisme de mise en oeuvre par certains Etats notamment au Burkina Faso.

I. La malédiction des ressources naturelles

L'Afrique connaît un boom du secteur extractif depuis les alentours de l'an 2000. La nette progression des prix des matières premières a eu pour conséquence de fortement stimuler la production de matières extractives et d'accroître l'intérêt des investisseurs pour les ressources naturelles abondantes de la région, dominées entre autres par les hydrocarbures que sont le pétrole et le gaz naturel et les minéraux que sont l'or, les diamants, le cuivre et le minerai de fer (Banque mondiale et AFD, 1997). Devarajan et Fengler (2013) concluent que l'extraction de ressources naturelles constitue une activité économique importante dans plusieurs pays du monde et plus précisément en Afrique.

Si ce boom des ressources naturelles a porté la croissance dans certains pays producteurs de matières premières de la région, la question de l'amélioration du niveau de vie des populations se pose dans plusieurs autres pays. En effet, les processus de libéralisation commencés au cours des années 1980 dans le cadre des ajustements structurels ont favorisé la mobilité des capitaux vers les secteurs miniers des pays du Sud. Au départ, l'accent était mis sur l'attractivité avec des codes miniers comportant une fiscalité avantageuse sans que les conditions ne soient réunies pour que les pays d'accueil de ces investissements directs étrangers (IDE) puissent tirer parti de ces ressources. Conséquence, l'exploitation minière dans les pays du Sud a souvent été marquée par ce qui est appelé la « malédiction des ressources naturelles » autrement dit, des effets négatifs sur la croissance et des conflits armés, indiquent plusieurs auteurs.

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Daron et Robinson (1992) estiment que les pays africains, en particulier ceux qui sont riches en ressources, deviennent souvent les victimes de ce que ce qu'ils ont appelé les « institutions extractives », organisations dont les politiques et les pratiques visent à accaparer la richesse et les ressources d'une société pour le compte d'une élite restreinte, mais politiquement puissante. Dans les faits, ce phénomène se traduit en particulier par des inégalités stupéfiantes dont les effets sont souvent masqués par des statistiques de croissance positives, expliquent les auteurs. Ferguson (2005) soutient que l'histoire économique a démontré que plusieurs États dotés d'abondantes ressources naturelles ont connu des difficultés à transformer cette abondance en opportunité de développement, un phénomène qualifié de « malédiction des ressources naturelles » ou « resource curse » en anglais. Cette théorie a été étayée dans les années 1990, par les économistes Sachs et Warner.

Ces deux points de vue reflètent tout au moins une réalité plus complexe qui les transcende et qui doit être appréhendée. En effet, plusieurs arguments, basés sur des évidences empiriques et théoriques, ont été développés pour expliquer l'hypothèse de la malédiction des ressources. Parmi ces postulats, nous pouvons citer: la volatilité du prix des matières premières (Moradbeigi et Law 2016) ; l'existence d'institutions oligarchiques, autocratiques ou dictatoriales (Soysa 2002), un épuisement rapide et non soutenable des ressources (Bhattacharyya et Collier 2014); l'émergence de guerres civiles (Collier et Hoeffler 2000), une expansion cyclique du secteur des biens non échangeables via l'existence du syndrome hollandais29 (Papyrakis et Raveh 2014); l'existence des rentes minières (Auty et Furlonge 2019) ou la captation de rente (Boucekkine et Bouklia-Hassane 2011).

I-1 Le « Syndrome hollandais »

Dans la littérature économique, l'explication de la malédiction des ressources s'appuie largement sur le « Syndrome hollandais », qui fait référence à deux effets majeurs consécutifs à un boom des ressources : premièrement, la hausse de la valeur réelle de la monnaie provoquée par une forte augmentation des exportations de produits de base; deuxièmement, la tendance pour un secteur de

29 Le Syndrome hollandais ou mal hollandais (en anglais Dutch Disease), terme utilisé pour la première fois par The Economist en 1977. URL : economist.com/the-economist-explains/2014/11/05/what-dutchdisease-is-and-why-its-bad

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ressources en plein essor à détourner le capital et la main-d'oeuvre loin des activités manufacturières agricoles, augmentant ainsi le coût de production dans ces secteurs et les rendant moins compétitifs (Papyrakis et Raveh, 2014). L'impact le plus néfaste du « Syndrome hollandais » est la désindustrialisation car la surévaluation de la monnaie expose l'économie au risque d'une réduction significative des activités industrielles en dehors du secteur des ressources minières (Palma, 2014). El Kadi (2020) soutien que cela ne réduit pas seulement la compétitivité dans le secteur manufacturier, mais rend également la transformation structurelle, c'est-à-dire le mouvement d'activités à faible productivité économique vers des activités à haute productivité, moins rentable et donc moins susceptible de se réaliser.

Certains auteurs lient la théorie de la malédiction des ressources à la mauvaise gouvernance. C'est le cas pour les Etats faibles où diverses factions luttent pour s'accaparer les ressources. Un phénomène appelé la « captation de la rente » qui peut aller jusqu'à la guerre civile. Mais il s'agit aussi d'une mauvaise gestion, principalement due aux mécanismes de l'économie rentière : corruption, absence de stratégies économiques de long-terme (Boucekkine, 2019).

Mahdavy (1970) évoque la théorie de l'état rentier pour tenter de donner des explications politiques sur le manque de diversification des exportations dans les pays riches en ressources. Selon cette théorie, lorsque les gouvernements tirent une part substantielle de leurs recettes nationales de rentes, ils sont libérés de la nécessité de prélever des taxes et deviennent ainsi plus autonomes vis-à-vis de la société. Les élites dirigeantes des États rentiers sont peu disposées à développer un secteur national productif car la légitimité politique de ces États repose sur une répartition ininterrompue des rentes et non sur la performance macroéconomique globale (Moor, 2004). Selon les tenants de cette théorie, des niveaux élevés de ressources naturelles produisent des résultats institutionnels spécifiques. Premièrement, en raison de leurs niveaux d'autonomie élevés, les États rentiers risquent de négliger les préférences de leur population, d'empêcher l'émergence de groupes sociaux indépendants et de se transformer en systèmes politiques autoritaires (Ross, 2004). Deuxièmement, les ressources rentières réduisent le besoin de taxation et ce faisant, la capacité d'extraction de l'État. Il en résulte un manque d'informations de la part du gouvernement qui entrave la formulation de stratégies judicieuses de diversification et de sophistication de l'économie. Troisièmement, la centralisation du pouvoir par le gouvernement, ajoutée à la nature distributive de l'économie, donne naissance à une bureaucratie démesurée et extrêmement

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inefficace (Lowi, 2009). De plus, les rentes extérieures élevées alimentent les pratiques néo-patrimoniales et la corruption car elles incitent davantage les individus à entrer en compétition pour « capturer » sur l'État (Bates ,1988, Van de Walle 2001).

Pour Collier et Hoeffler (2000), dans les pays à croissance économique et à revenu par habitant faibles, la présence de ressources naturelles augmente le risque de conflits armés. Les auteurs soulignent que du fait de la disponibilité des financements qu'elles entraînent, les ressources naturelles rendent un conflit armé probable et rentable : une large partie est appropriée par les vainqueurs et des agents qui sont dans une situation de privation se structureraient en rébellion pour accéder ou contrôler les ressources naturelles.

Ces études révèlent que la perception des revenus miniers ne s'accompagne pas forcement des effets escomptés. Les pays comme la Sierra Leone, la Zambie et la République démocratique du Congo (RDC) en sont des exemples éloquents. Dans les États à faible démocratie, l'élite politique s'approprie souvent la gestion du secteur minier et tire profit de ses revenus au détriment du reste de la population. En outre, il est fréquent que cet état de fait aboutisse à une mauvaise affectation de ces revenus. La Banque mondiale et AFD, (1997) révèlent que les indicateurs non monétaires de bien-être sont, après neutralisation de l'effet du revenu par habitant, significativement plus faibles dans les pays riches en ressources, tels que l'Angola, le Gabon, le Mozambique et le Nigeria.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld