I-2 La « malédiction du leadership et de la
gouvernance »
Ramdoo (2019) souligne que le statut de producteurs de
matières premières critiques de certains pays leurs donne un
pouvoir non-négligeable pour définir les règles du jeu.
Car ces pays peuvent faire valoir leur souveraineté sur les ressources
en conservant des parts importantes dans la participation dans les concessions
accordées aux investisseurs privés et en ayant un contrôle
sur les rentes. Toutefois, leur point faible demeure dans la capacité de
maitriser la chaine de valeur en aval et en particulier, les filières
industrielles car les matières premières n'ont une valeur
stratégique uniquement quand elles sont transformées en biens de
consommation. Mapon et Tsasa (2019) note par exemple que les principales
ressources pour le Seychelles sont la noix de coco, la cannelle, le poisson,
les porcs, le sel et le fer. Pour la Gambie, ce sont le millet, les arachides,
le poisson et les bovins. Ces deux pays ne recèlent donc pas de
minéraux importants ou d'autres ressources
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naturelles. En sus, leurs bases agricoles respectives sont
très limitées. Mais, entre 1960 et 2018, le revenu national brut
par tête a été, en moyenne, près de vingt fois plus
élevé au Seychelles (10 200 USD) qu'en Gambie (514 USD),
expliquent les auteurs. De même, les minerais et autres ressources
naturelles au Japon et au Népal sont très limités.
Cependant, entre 1960 et 2018, le RNB par tête a
été, en moyenne, près de soixante fois plus
élevé au Japon (36 611 USD) qu'au Népal (606 USD).
Parallèlement, certains pays comme le Botswana
constituent un contre-exemple édifiant à la malédiction
des ressources naturelles. C'est la troisième réserve mondiale de
diamant de la planète, et il a le taux de croissance du P11B le plus
élevé de la dernière décennie soit 5,4% en 2014
(Boucekkine, 2019). L'auteur part du postulat qu'une mauvaise gouvernance est
la principale cause de la « malédiction des ressources
naturelles ». Pourtant le Botswana, comme la Zambie, sont deux pays
qui n'ont pas connu de guerre civile ni de dictature. Mais la croissance de la
Zambie est loin derrière celle du Botswana. Ce dernier tire ses revenus
du diamant et l'autre, du cuivre. Si les cours du cuivre sont plus volatiles,
c'est surtout la structure politique qui importe. Alors qu'en Zambie, le parti
au pouvoir dispose d'un faible contrôle, le contraignant aux pratiques de
clientélisme, le Botsawana se caractérise par des institutions
fortes qui assurent l'application des politiques de développement
votées.
La République Démocratique du Congo (RDC) est le
deuxième plus grand pays d'Afrique après l'Algérie avec un
sous-sol regorgeant de matières premières importantes : 50% du
cobalt mondial, 60% du coltan mondial, quatrième réserve de
diamant, une biodiversité incroyable, des forêts, parcs,
réserve d'eau.... Or les conditions de vie sont déplorables avec
80% des habitants vivant avec moins d'un dollar par jour (Boucekkine, 2019). En
RDC, le Sud-Kivu est une des régions qui subit le plus cette
malédiction des ressources naturelles. Le coltan étant
indispensable à la fabrication de nouvelles technologies ou encore
d'équipements aéronautiques, la région est devenue un
vivier d'un commerce que les grandes firmes internationales s'arrachent.
L'Algérie possède un important gisement de
pétrole, de gaz et un sous-sol plein de minerais divers et
variés. La situation du pays est différente de celle que
connaît la RDC. L'Algérie ne fait pas face au délitement de
l'État ni à des conflits fonciers. Son P11B et ses exportations
sont fortement dépendants du secteur des hydrocarbures. Le pays tire 95%
de ses revenus de l'exportation.
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Ce contraste entre la RDC et l'Algérie montre que la
question de la gouvernance occupe une large place dans la gestion de ces
ressources et qu'elle détermine l'avenir économique des pays.
Mapon et Tsasa (2019) soutiennent que la malédiction des ressources
n'est pas une évidence empirique absolue, mais apparait davantage comme
une hypothèse, dont la validité théorique et empirique est
à la fois relative et conditionnelle, plutôt qu'une règle
inéluctable. Ils estiment que la malédiction des ressources n'est
pas absolue et est plutôt la résultante d'autres
malédictions, principalement la « malédiction des
institutions », et plus spécifiquement la «
malédiction du leadership et de la gouvernance ».
II. La relation entre secteur minier industriel et
développement économique
Le lien entre l'exploitation minière et les
problématiques de développement local relève de ce que
cette activité se déroule aussi souvent dans les milieux de vie
des populations sans que celles-ci n'en soient les bénéficiaires.
Dès lors, il devient important pour nous de tenter de faire ressortir
les différents rapports qui peuvent exister entre l'extraction
minière et le développement des communautés locales.
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