II-1 Une relation discutable et ambiguë
Frankel (2012) souligne que l'abondance des matières
premières n'entraîne pas forcément un développement
économique ou politique inférieur, mais qu'elle est perçue
comme une épée à double tranchant, avec à la fois
des avantages et des risques. Pour Bebbington et al. (2008), la relation entre
le secteur minier industriel et le développement est « discutable
et ambiguë : discutable parce que non seulement les impacts sont toujours
négatifs sur l'environnement et sur l'économie de la
majorité des populations, mais il n'a aussi procuré un gain
considérable qu'à une minorité ; ambiguë parce qu'on
n'est pas certains des effets durables ». Ces auteurs estiment que la
perception des revenus miniers ne s'accompagne pas forcement des effets
escomptés. Les pays comme la Sierra Leone, la Zambie et la
République démocratique du Congo (RDC) en sont des exemples
éloquents. Les auteurs soutiennent que dans les États à
faible démocratie, l'élite politique s'approprie souvent la
gestion du secteur minier et tire profit de ses revenus au détriment du
reste
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de la population. En outre, poursuivent-ils, il est
fréquent que cet état de fait aboutisse à une mauvaise
affectation de ces revenus.
C'est dans le même sens qu'Auty (1993) pense que la
principale difficulté est que les revenus issus des ressources
naturelles ont tendance à remplacer des revenus plus stables, ce qui
rend ces pays très dépendants des exportations de leurs
ressources. Pourtant, cette littérature sera remise en cause par une
autre plus optimiste qui estime que les investissements étrangers dans
le secteur minier peuvent avoir un effet positif sur le développement
local en créant des effets d'entraînement.
En effet, depuis les années 1990, on assiste à
un développement important du secteur minier en Afrique de l'Ouest, sous
l'impulsion d'une part, de politiques minières nationales attractives et
d'autre part d'un fort investissement du secteur privé étranger.
Ce développement voulu et encadré par les institutions
internationales, a permis l'ouverture d'un nombre important d'exploitations
minières et pétrolières et se traduit par un poids
important dans le Produit intérieur brut (PIB) et les recettes
d'exportation. Le secteur minier fut identifié dans un rapport de la
Banque mondiale en 1992 comme un secteur clé pour assurer la relance
économique (Campbell, 2008).
L'exploitation minière est un moteur économique
pour l'Afrique de l'Ouest qui produit environ 9% des approvisionnements
mondiaux de bauxite, et 8% de l'or mondial (Banque mondiale, 2012). Certains
gouvernements ont été capables de trouver des moyens de
réduire les conséquences économiques négatives
concernant l'extraction des ressources (Mailey, 2015). Par exemple, la
Norvège, qui produit en gros la même quantité de
pétrole que le Nigéria et l'Australie, est parvenue à
établir un système de correspondance solide entre les industries
extractives et l'économie dans son ensemble. Mailey (2015) souligne que
le Botswana, riche en diamants, qui a connu un fort taux de croissance
économique par habitant, pendant les quarante ans qui ont suivi son
indépendance, est parvenu à éviter d'être la victime
du sort que cette extraction de diamants a apporté au Sierra
Léone et ailleurs.
Pour y arriver, Gereffi, Humphrey et Sturgeon, (2005),
proposent une approche de « chaînes de valeur ». Elle
permet d'étudier comment les entreprises locales peuvent le mieux
s'intégrer tout au long de la chaîne, et capter une plus grande
partie de la valeur ajoutée. Ces auteurs sont rejoints par Morris,
Kaplinsky et Kaplan (2012) qui ont démontré qu'il existe des
possibilités inexploitées de
promotion du développement industriel grâce au
développement des liens - effets d'entraînement-à partir de
l'industrie minière.
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