III-1 L'émergence du contenu local
Le concept de contenu local, né en Grande Bretagne dans
les années 1970, s'est développé dans l'ensemble des
industries pétrolières, selon plusieurs auteurs. On note aussi
que son émergence est liée à l'évolution du
rôle des entreprises au sein des sociétés. En effet, au
cours du XXe siècle, les bénéficiaires de la valeur
créée par les entreprises ont évolué - passage des
propriétaires aux clients puis aux actionnaires -(Poissonnier, 2013). A
partir des années 2000, les firmes vont commencer à prendre en
compte les critères environnementaux, éthiques et sociaux dans
leurs actions. Ainsi le critère de la performance de l'entreprise n'est
plus uniquement financier ; l'entreprise est vue comme une structure
économique et sociale travaillant de manière organisée
pour fournir des biens et des services dans un environnement concurrentiel
(Dernis, 2019). C'est dans la même lancée que Schindler (2009)
décrit l'entreprise comme un système sociotechnique. Le terme
sociotechnique se réfère à l'interdépendance des
aspects sociaux et techniques d'une organisation ou de la société
dans son ensemble. Dans le même sens, les entreprises extractives
prennent conscience que pour faciliter leur installation dans les pays
hôtes, il leur faut s'aligner sur les besoins à long terme des
différentes parties prenantes locales. C'est ce que certains
économistes appellent la « licence sociale d'opérer
».
III-2 La chaine de valeur
Le concept anglophone de « value-chain »
qui veut dire « chaine de de valeur » en français a
été introduit dans les années 80 par Michael Porter, un
professeur de l'Université Harvard aux Etats-
14
Unis d'Amérique. Le concept est lié à
l'analyse des avantages compétitifs des entreprises. Selon Porter
(1985), il renvoie à la décomposition des étapes de
production d'une entreprise de manière à identifier les avantages
compétitifs possibles aux différents maillons de la chaine de
production. Ensign (2001) définit la chaîne de valeur comme
étant une façon de conceptualiser les activités
nécessaires afin de fournir un produit ou un service à un client.
Elle décrit la façon qu'un produit prend de la valeur tout au
long de sa progression sur le chemin du design, production, marketing,
livraison et service au client. McGuffog (1997) mentionne que l'essence
même de la gestion de la chaîne de valeur est l'amélioration
de la performance globale de l'entière chaîne à travers un
examen de chaque lien et processus avec une approche systématique afin
de voir que la vitesse globale, la certitude et l'efficience des coûts
peuvent être mises en valeur.
On comprend alors que beaucoup d'auteurs ont mené des
réflexions sur le concept. Mais dans l'ensemble, une chaine de valeur
peut être considérée comme un enchaînement des
opérations depuis l'approvisionnement en intrants spécifiques
jusqu'à la consommation finale en passant par la production, la
transformation et la commercialisation. Le processus de mise en valeur d'une
chaine de valeur fait intervenir divers acteurs (fournisseurs d'intrants
spécifiques, producteurs, prestataires de services, commerçants,
etc.) dont le rôle varie en fonction des maillons de la chaine. Il s'agit
d'un modèle économique qui combine le choix d'un produit final
des technologies appropriées avec l'organisation des acteurs et de leur
accès aux marchés.
Le schéma N°1 ci-dessous, représente la
chaîne de valeur ajoutée du cycle minier montrant la nature et la
chronologie des transactions possibles dans les phases de l'exploitation de la
mine. Celle-ci comprend les opérations allant de l'extraction du minerai
à la vente en passant par la transformation et le marketing. A chaque
étape du cycle minier correspond des opportunités liées
à la fourniture de biens et de services.
15
Figure 1: la Chaîne de valeur du cycle
minier
Source : Direction générale de la
promotion et de l'économie minières (DGPEM) III-3 Le
contenu économique
L'un des concepts inhérents au principe de contenu
local est le principe du « contenu économique »14.
Il fait référence aux intrants du projet dont les liens
verticaux, horizontaux et autres liens économiques, qui constituent
ensemble la valeur économique qu'une politique de contenu local est
censée produire. En effet, il s'agit pour les décideurs
politiques d'énoncer clairement les résultats économiques,
qui sont en mesure d'harmoniser les domaines prioritaires de la politique avec
les objectifs de développement à long terme. Le processus de
définition du contenu économique pose aussi les bases pour la
mise en oeuvre, le suivi de la performance et l'identification des lacunes
concernant les capacités en vue de bénéficier des
avantages définis dans les concepts de « local » et de «
contenu économique ». Aussi, la capacité de transformation
industrielle apparait-il donc, importante dans l'exploitation des chaînes
de valeur en tant que processus permettant d'ajouter considérablement de
la valeur à la ressource.
14 Guide pas à pas du CARN pour
l'élaboration et la mise en oeuvre de politiques de contenu local,
juillet 2016
16
Les pays comme la Chine, le Mexique, et la Corée qui
participent aux chaînes de valeur, en tant qu'importateurs d'intrants
étrangers et exportateurs de biens et services intermédiaires,
ont favorisé les activités de transformation industrielle
à travers des réformes de politiques économiques
nationales engagées par ces derniers pour créer des conditions
économiques favorables15. Partant de là, on comprend
pourquoi le Burkina Faso après les indépendances avait aussi
manifesté une volonté politique de développer son tissu
industriel, à travers des programmes de développement dans le but
de favoriser la transformation industrielle des produits locaux toute chose qui
favoriserait une bonne exploitation des chaînes de valeur. Mais on
observe que le pays a toujours une économie très peu
diversifiée et participe aux chaînes de valeur mondiales pour
l'essentiel à travers l'exportation de ses matières
premières brutes en tant que biens intermédiaires pour d'autres
pays.
Le Burkina Faso, malgré qu'il dispose des ressources
à valoriser se retrouve confronté à des problèmes
transversaux qui entravent le développement de son secteur industriel
indispensable à une bonne exploitation des chaînes de
valeur16. Les insuffisances des réformes en termes de
contribution du secteur extractif au développement et la pression de la
société civile, vont conduire les gouvernants de plusieurs pays
africains à aller vers une approche plus globale de la question des
bénéfices tirés de l'exploitation des ressources. Et
à partir de 2005, la résurgence du « nationalisme des
ressources » viendra accroître la pression imposée aux
multinationales du secteur et aux institutions internationales de financement
et d'aide au développement17.
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