INTRODUCTION GENERALE
Le déplacement des investissements miniers dans les
pays africains date de plusieurs dizaines d'années et a connu plusieurs
grandes périodes (Oman, 2000). De la période coloniale, qui se
caractérisait par un approvisionnement des métropoles en
substances minérales brutes par les colonies, en passant par les
années d'indépendances, le secteur minier africain a
évolué sous plusieurs formes. L'Afrique est le plus grand
producteur de nombreuses ressources importantes dans le monde. Cependant depuis
quelques années, l'extraction des matières premières,
notamment, l'industrie minière est la cible d'une critique soutenue dans
certains pays, à cause de la faible amélioration des conditions
économiques et sociales des pays riches en ressources minérales
(Bélèm, 2009).
En effet, la majorité des minerais du continent noir,
notamment en Afrique de l'Ouest sont exportés sous la forme de minerais
concentrés ou métalliques sans véritable valeur
ajoutée (Vision du Régime Minier de l'Afrique 2009).
Conséquence : la situation économique des pays de l'Afrique de
l'Ouest contraste le plus souvent avec leurs réserves en matières
premières, notamment minières. Ce paradoxe est à l'origine
d'une littérature académique alimentée par le débat
autour de la thèse de la « malédiction des ressources
naturelles ». A l'instar d'autres pays africains, le Burkina Faso est un
pays riche en minéraux particulièrement l'or. Celui-ci est devenu
le premier produit en termes de valeur d'exportation en 2009, supplantant ainsi
le coton qui était le produit d'exportation le plus important en termes
de valeur1.
Le secteur minier burkinabè est aujourd'hui,
considéré comme l'un des plus dynamiques de l'Afrique de l'Ouest,
en raison de ses performances au cours des dix dernières années.
D'une production de 5,6 tonnes d'or en 2008, le pays a fait un bond en
exportant 62,138 tonnes en 2020 (Ministère en charge des Mines, 2021).
Les recettes directes au budget de l'Etat, elles, sont passées de 276
milliards de F CFA en 2019 à 322 milliards de F CFA en 2020, soit une
augmentation de 46 milliards de F CFA en valeur absolue. Les recettes
d'exportation liées au secteur minier sont passées de 1686
milliards de F CFA en 2019 à environ 2578 milliards de F CFA en 2020
(Ministère en charge des Mines, 2021).
1 Food and Agricultural Organisation of the United
Nations, Agricultural Trade, http://faostat.fao.org/ site/342/default.aspx
2
Ces chiffres qui laissent voir un tableau reluisant du secteur
minier burkinabè cachent pourtant une autre réalité. En
effet, si des efforts sont faits pour une bonne gouvernance du secteur minier
et une répartition équitable des retombées issues de
l'exploitation des ressources minières, force est de constater que le
citoyen burkinabè ne perçoit pas les retombées
économiques dans l'amélioration de ses conditions de
vie.2
Il ressort qu'au-delà de sa contribution directe au
budget de l'Etat, l'existence de l'industrie minière ne semble pas
être, pour l'instant, une aubaine pour le développement d'une
économie locale dynamique au Burkina Faso. Pourtant, le
déploiement d'un secteur minier prospère est justifié par
sa capacité supposée à entraîner l'ensemble de
l'économie sur le chemin de la croissance, et donc du
développement économique (Campbell et al., 2004). Cela est
possible en opérant une montée en gamme dans la chaine de
transformation du métal brut/ou en s'appuyant sur des mécanismes
visant à accroître la quantité de biens et de services
achetés par les exploitations minières à des entrepreneurs
locaux.
? La problématique
Le boom minier des dernières années au Burkina
Faso n'a pas entrainé une réduction significative de la
pauvreté, car le peu de valeur ajoutée apportée par les
fournisseurs locaux des mines n'a pas eu d'effet d'entrainement notable sur
l'emploi ou la sous-traitance (Bohbot, 2017). La Chambre des Mines du Burkina
et le Ministère en charges des mines, ont réalisé à
cet effet, une étude conjointe en 2018, qui a conclu que « pour
l'ensemble des approvisionnements réalisées par les
sociétés minières, le Burkina Faso n'a pu capter que 15%
de ce montant qui est pourtant de plus de 400 milliards de F CFA par an
3». On note que le secteur minier n'a jusqu'ici pas
réussi à engendrer un effet d'entrainement positif en
établissant une relation entre les fournisseurs des intrants et les
activités réalisées dans le cadre des opérations du
secteur extractif ou entre les différents acteurs de la chaîne de
valeur.
2 Rapport de la commission d'enquête
parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité
sociale des entreprises minières.
3 Etude sur l'analyse de l'écart entre les
opportunités de fournitures locales aux sociétés
minières et la capacité
3
Pour apporter une réponse à cette situation, et
dans un souci de se conformer aux dispositions des articles 1014 et
1025 du code minier de 2015, les autorités burkinabè
ont entrepris depuis 2018 l'élaboration d'une stratégie du
contenu local dans le secteur minier. L'adoption de cette stratégie et
de son plan d'actions triennale a été consacrée par
l'arrêté conjoint n°2021-336/MEMC/MINEFID du 01
décembre 2021. Cette stratégie est axée principalement sur
l'amélioration de l'approvisionnement des industries extractives en
biens et services locaux, le développement du capital humain local dans
le secteur minier et la valorisation locale des produits miniers et promotion
des investisseurs nationaux dans le secteur minier.
Pour entamer la mise en oeuvre de la stratégie
nationale du contenu local, un accent particulier a été mis sur
la fourniture local des biens et service considérée comme un
outil pouvant servir à booster le développement
socio-économique en permettant aux Petites et Moyenne Entreprises (PME)
d'autres secteurs d'activité de saisir les opportunités
d'affaires induites par les mines. Les textes d'application sur la fourniture
locale sont entrés en vigueur depuis le 1er janvier 2022. L'adoption de
ces textes a été saluée d'une part par les acteurs
économiques nationaux que sont les fournisseurs de biens et services -
qui y voient une occasion de s'insérer dans la chaine des valeurs de
l'industrie minière. Toutefois les modalités de mise en oeuvre ne
sont pas maitrisées par tous les acteurs et des difficultés sont
constatées dans l'application des textes.
4Article 101 du code minier de 2015: Les titulaires
de titre minier ou d'autorisation ainsi que leurs sous-traitants accordent la
préférence aux entreprises burkinabè pour tout contrat de
prestations de services ou de fournitures de biens à des conditions
équivalentes de prix, de qualité et de délais. Il est
adopté une politique nationale assortie d'une stratégie de
développement et de promotion de la fourniture locale au profit du
secteur minier. Un décret pris en conseil des ministres fixe les
conditions de sa mise en oeuvre. Un cadre tripartite regroupant des
représentants de l'Etat, des sociétés minières et
des fournisseurs de biens et services miniers est mise en place pour le
développement et le suivi de la croissance de la fourniture locale au
profit du secteur minier.
5Article 102: Les titulaires de titre minier ou
d'autorisation se conforment aux normes du droit du travail. Ceux-ci, leurs
fournisseurs et leurs sous-traitants emploient en priorité, à des
qualifications égales et sans distinction de sexes, des cadres
burkinabè ayant les compétences requises pour la conduite
efficace des opérations minières. L'entreprise soumet à
l'Administration des mines un plan de formation des cadres locaux pour le
remplacement progressif du personnel expatrié. L'entreprise est tenue au
respect de quotas progressifs d'emplois locaux selon les différents
échelons de responsabilité. Un décret pris en Conseil des
ministres établit la nomenclature des postes et les quotas d'emplois
locaux requis suivant le cycle de vie de la mine. L'Autorité en charge
des mines reçoit un rapport annuel de l'état d'exécution
par les entreprises des exigences en matière de formation, d'emploi et
de promotion du personnel local. Les contrats de travail des travailleurs non
nationaux dans le secteur minier sont visés par l'Administration du
travail, dans les conditions précisées par arrêté
conjoint des ministres chargés du travail et des mines.
4
Ce sont ces faits qui nous ont amenés à nous
pencher à la présente recherche visant à améliorer
l'opérationnalisation de la stratégie nationale du contenu local
dans le secteur des mines au Burkina Faso, notamment dans son volet fourniture
locale.
Au vu des difficultés rencontrées dans
l'application des textes relatives à la fourniture locale au Burkina
Faso, la première question qui se pose est la suivante :
comment opérationnaliser la stratégie nationale du
contenu local dans le secteur des mines au Burkina Faso notamment dans son
volet fourniture locale ?
? Les objectifs de recherche :
L'objectif général de notre étude est de
contribuer à une meilleure opérationnalisation de la mise en
oeuvre de la stratégie nationale du contenu local dans le secteur des
mines au Burkina Faso notamment dans son volet fourniture locale des biens et
services.
De façon spécifique, notre étude vise,
d'une part, à comprendre l'incapacité des fournisseurs locaux
burkinabè à satisfaire aux besoins des sociétés
minières, et d'autre part, à apprécier le niveau
d'accès des entreprises locales burkinabè à l'information
relative aux achats des biens et services par les sociétés
minières.
Au terme de notre étude, ces objectifs
spécifiques pourront nous aider à proposer des recommandations
qui s'imposent, soit des solutions appropriées durables permettant une
mise en oeuvre efficace de la stratégie du contenu local dans le secteur
des mines.
? L'intérêt de l'étude
Le choix sur la recherche d'une meilleure approche pour
faciliter l'opérationnalisation de la stratégie nationale du
contenu local dans le secteur des mines au Burkina Faso est motivé par
le fait que l'économie burkinabè fonde l'espoir sur cette
nouvelle stratégie dans le secteur minier.
En effet, l'étude sur l'analyse de l'écart entre
les opportunités de fournitures locales aux sociétés
minières publiée en juin 2018, montre qu'au Burkina Faso, il y a
des niches prioritaires auxquelles devraient être attentifs le
gouvernement, les acteurs miniers, la société civile et les
opérateurs économiques dans leur ensemble pour l'accroissement de
la part de la fourniture locale des biens et services miniers. Ces niches dans
l'ordre prioritaire des enjeux financiers en particulier, sont les
hydrocarbures et lubrifiants, les produits alimentaires et agroalimentaires,
les équipements de
5
Protection Individuelle (EPI), le fret & transit, les
pièces de rechange courante/d'usure et les services de consultants et
d'expertises.
Notre étude revêt un intérêt capital
pour aider les autorités burkinabè à trouver l'approche
adaptée pour mettre en oeuvre sa stratégie nationale du contenu
local dans le secteur des mines.
? Les hypothèses de recherche
1- L'adhésion des sociétés
minières et leurs sous-traitants à la stratégie facilite
sa mise en oeuvre
2- Le faible niveau d'accès des entreprises locales
burkinabè aux informations relatives aux achats des biens et services
des compagnies minières est l'un des facteurs qui limitent leur
compétitivité
3- Les fournisseurs locaux sont confrontés à
des difficultés d'accès aux financements qui expliquent leur
faible capacité à satisfaire aux besoins des
sociétés minières.
Outre l'introduction, l'ossature de notre travail de recherche
se compose de deux (02) grandes parties.
La première partie subdivisée en deux chapitres,
porte sur les généralités conceptuelles et les aspects
théoriques. Le chapitre I est une initiation aux concepts de base qui
sont utilisés tout au long de cette étude, tandis qu'à
travers le chapitre II nous allons traiter des bases théoriques sur
lesquelles notre recherche s'est appuyée.
La seconde partie est relative à la
présentation, à l'analyse des données recueillies et la
vérification des hypothèses de recherche. Celle-ci se
présente également en deux chapitres. Le chapitre I sert à
présenter le contexte de notre recherche, en plus des aspects
méthodologiques de recherche. Le chapitre II va servir à la
présentation, à l'analyse des données recueillies et la
vérification des hypothèses de recherche.
PREMIERE PARTIE : GENERALITES CONCEPTUELLES ETCADRE
THEORIQUE DE L'ETUDE
|
6
|