IV-1 Des effets inverses à ceux
désirés par le décideur politique
Grossman (1981) a étudié la réallocation
des ressources induites par des exigences de contenu local. Il prend pour
hypothèse la possibilité d'approvisionnement de biens
intermédiaires à l'international ou localement. L'effet premier
du contenu local est d'augmenter la production locale en biens
intermédiaires. Néanmoins, à cause de prix plus
élevés des biens intermédiaires locaux, le prix du bien
final augmente. Avec une élasticité de la demande
négative, la quantité de biens finals vendue diminue logiquement.
Les effets du contenu local provoquent ainsi un transfert de surplus du
consommateur au producteur. Il conclut donc que les effets de mesures de
contenu local peuvent avoir des effets inverses à ceux
désirés par le décideur politique. Cela peut occasionner
des pertes sèches si les mesures sont trop contraignantes.
Davidson et al. (1985) utilisent un modèle de duopole
(une entreprise locale en concurrence avec une filiale d'une entreprise
étrangère) et étudient les effets du contenu local sur le
bien-être (surplus total), la production et l'emploi. Les auteurs
soulignent que les contraintes de contenu local ont pour effet de
réduire de façon marginale la production et le bien-être
mondial (somme des surplus des consommateurs et des entreprises locale et
étrangère). La production locale augmente, néanmoins une
perte de surplus du consommateur est effective. Les effets du contenu local
sont donc ambigus sur le bien-être du pays hôte (somme des surplus
des consommateurs et de l'entreprise du pays hôte). Imposer un contenu
local minimal peut avoir un effet positif dans une certaine mesure, selon ces
auteurs.
IV-2 La corruption comme obstacle
Stone et al. (2014) utilisent un modèle
d'équilibre général calculable dans un contexte de
production de moteurs soumis à des exigences de contenu local.
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Ils mettent en évidence que les règles de
contenu local induisent une hausse des parts de marché des
sous-traitants locaux et une hausse des coûts intermédiaires.
Cela induit des effets négatifs sur l'économie
du pays hôte par la hausse des prix intérieurs et la chute des
exportations (perte de compétitivité-prix). Un autre argument qui
s'oppose au contenu local, c'est celui de la corruption. Selon Ross (2015), les
pays riches en ressources naturelles sont soumis au risque de corruption, et
les mesures de contenu local ont tendance à accroître celui-ci
(Hufbauer et Schott 2013). Ainsi, le risque que les fonctionnaires ou
politiciens en abusent de leur pouvoir pour en tirer un avantage personnel est
élevé. Comme le souligne Delavallade (2007), le manque de
transparence et la corruption endémique de l'État
Burkinabè jouent aussi un rôle prépondérant dans les
conflits entre communautés locales, orpailleurs et mines
industrielles.
L'attribution opaque des marchés publics à de
grandes entreprises étrangères est perçue par la
population comme largement défavorable à leurs
intérêts. C'est dans le même sens que « toutes les
formes de corruption ne sont pas efficaces. Certaines peuvent même
être à l'origine d'externalités très
négatives, notamment lorsqu'elles se combinent avec des actes
d'extorsion, c'est-à-dire à un détournement du monopole
public de la force - ou de la menace d'y recourir » (Robert, p.
191).
En tout état de cause, les firmes évoluant dans
les industries extractives peuvent voir le contenu local comme une
opportunité pour des projets nouveaux, selon Dernis (2019) qui cite deux
principales variables. La première concerne le coût : les salaires
des expatriés sont généralement élevés par
les risques et les coûts de mobilisation/démobilisation. Ainsi,
pour certains postes, malgré une qualification ou une
productivité moindre, les écarts de salaires peuvent justifier
économiquement que certains travaux soient réalisés par du
personnel local. De cette manière, le développement du contenu
local peut être perçu comme une opportunité
d'économies dans les projets (Warner, 2011). La seconde est le temps :
la possibilité de développer un fournisseur local peut permettre
d'avoir accès à certaines ressources matérielles ou
humaines de manière immédiate et ainsi réduire des
délais d'approvisionnement (Warner, 2011).
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