CHAPITRE III : PARTIS POLITIQUES DANS LE PROCESSUS
DEMOCRATIQUE
EN RD CONGO
1. Les partis politiques en RDC
Ce chapitre fait penser à la question de savoir
à quoi servent les partis politiques dans une démocratie ? Plus
particulièrement dans la démocratie Congolaise. Puisque cette
préoccupation constitue le socle de ce chapitre, il est évident
de signaler, ici comme Schattschneder :"les partis politiques ont
créé la démocratie et la démocratie moderne est
impensable sans les partis"83 ; ainsi, prenant en compte
l'importance des partis politiques dans une démocratie et les liens
d'interdépendance qui existent entre partis et démocratie, il
ressort qu'il est capital à ce niveau de placer le décor
même de la sphère politique congolaise en étudiant à
cet effet l'apport des partis politiques dans une jeune démocratie comme
la république démocratique du Congo qui, à la date du 11
Novembre 2011, était à sa seconde expérience
électorale, en organisant pour la deuxième fois de son histoire
les élections dites libres, démocratiques et transparentes pour
la présidentielle et législative.
Quand nous faisons un pas en arrière, nous allons sans
doute nous rappeler que pour le présent travail, nous avons choisi la
méthode systématique, qui nous a paru la mieux placée pour
expliquer l'interdépendance permanente entre partis politiques et
démocratie.
En effet, les partis politiques, tels que mentionnés
plus haut, n'ont d'autres raisons d'existence que la conquête du pouvoir
par les élections pour concrétiser leur projet de
société et leur programme. Cependant cette démarche n'est
possible que si l'environnement dans lequel lesdits partis évoluent
permet leur existence, c'est-à-dire qu'il est démocratique, dans
le cas opposé on ne parlera ni de partis politiques, ni de
démocratie.
Ainsi, la République Démocratique du Congo
étant un cadre dit démocratique où oeuvrent plus de 599
partis politiques, nous allons dans ce chapitre, conformément aux
données de terrain, donner ou présenter l'apport de ces partis au
processus démocratique, sans toutefois passer sous silence le rôle
marquant des élections.
Pour parvenir à cette fin, nous allons apprécier
les partis par rapport à certaines de leurs fonctions d'une part et par
rapport à certaines valeurs de la démocratie, d'autre part, tout
en prenant soin de préciser ce que font les partis de la majorité
et ceux de l'opposition afin de promouvoir la démocratie ; mais ces deux
critères ne sont pas en eux seuls suffisants pour rendre effectivement
compte de l'apport des partis politiques dans le processus démocratique
congolais ; à ce point il devient bienséant de compenser cette
insuffisance par d'autres points d'analyse qui ne peuvent être
expliqués ni en se référant aux fonctions des partis
politiques, ni en faisant allusion aux indicateurs de la démocratie
(principes démocratiques), d'où l'impérieuse
nécessité de prendre en considération quelques notions
comme celle de l'analphabétisme de la population et du manque de
démocratie dans les partis, pour la simple raison que ces notions vont
nous permettre de rendre notre analyse quelque peu complète.
83 SCHATTSCHNEDER E., Party governement, New
York, éd. Farrar Rinehart, 1942, p.61
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Ainsi, nous étudierons concrètement l'apport des
partis politiques au processus démocratique en mettant en exergue les
fonctions des partis politiques que sont la clarification des choix
électoraux, la sélection des candidats aux fonctions
électives et intégration sociale, et les valeurs
démocratiques dont la participation de la population à la vie
politique et la bonne gouvernance.
Dans l'ultime souci d'être un peu plus clair dans nos
propos, nous allons considérer la période allant de 2006 à
2011, car c'est pendant cette période que deux échéances
électorales ont été organisées, respectivement en
2006 et en 2011, mais aussi et surtout parce que ces deux
échéances électorales sont, de toutes celles
organisées depuis indépendance, dites libres,
démocratiques et transparentes.
1.1. Aperçu historique des partis politiques
Congolais
Jusqu'à l'organisation des consultations de
décembre 1957, conformément au décret du 26 Mars 1957, les
congolais n'avaient pas connu de vie partisane. Mais lorsque l'autorité
coloniale décida d'organiser des consultations en vue de la constitution
des conseils communaux dans les trois premières villes du Congo que sont
Kinshasa, Lubumbashi, Likasi, les tentatives de créer
précipitamment des partis politiques congolais échouèrent
en faveur de la mutation des associations tribales (ethniques) ou des syndicats
ou des cercles d'évolués ou encore des associations d'anciens
élèves en partis politiques. Les plus importants partis
politiques nés de la mutation des anciennes associations tribales sont
notamment l'ABAKO des Bakongo, L'UNIMO des MONGO, le BALUKAT des Baluba du
Katanga, le Lulua frères de Lulua,...
Il convient de noter qu'en 1958, l'expérience des
consultations fut étendue à quatre villes du Congo (Mbandaka,
Kisangani, Bukavu et Kananga).
Dans la perspective du régime parlementaire que le
pouvoir colonial entendait mettre en place l'indépendance du pays aux
termes de la loi fondamentale, les élections législatives furent
organisées en Mai 1960. A cette occasion, d'autres partis politiques
furent créés en asseyant de se constituer sur base
idéologique à l'instar des partis métropolitains
naguère réservés aux seuls blancs. Dans cette entreprise,
les congolais tentèrent de calquer les partis belges en formulant leurs
projets de société ainsi que leur idéologie sur un
alignement métropolitain. D'autant plus que beaucoup de Belges avaient
choisi de militer au travers des partis politiques crées par les
congolais.84
Après le renversement du régime parlementaire du
fait du coup d'Etat du Général Joseph Désiré MOBUTU
le 24 Novembre 1965, un régime présidentiel fut mis sur pied. La
constitution de Luluabourg du 01 Août fut supprimée et les partis
politiques suspendus. Dans la nouvelle constitution dite révolutionnaire
du 24 Juin 1967, l'article 4 consacre la possibilité de créer
deux partis politiques au Congo. Cette possibilité sera supprimée
lors de la révision constitutionnelle du 23 Décembre 1970 pour ne
laisser au pays qu'un seul parti politique, le MPR, par la même occasion
institutionnalisée. Et plus tard, une autre révision
84 CRAWFORD YOUNG, op.cit., p.163.
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constitutionnelle du 15 Août 1974 va en son article 32
proclamer simplement le MPR "Unique Institution Politique de la
république".85
Avec le vent du changement démocratique venu de
l'Europe de l'Est, le président MOBUTU prononce un discours le 24 Avril
1990 et décide d'élargir la vie partisane à trois partis
politiques, avant d'instaurer un multipartisme intégral à la
suite des pressions exercées par l'opposition politique.
Il s'ensuivra une prolifération des partis politiques
divisés en deux tendances : celle du changement politique exigeant le
départ du pouvoir du président MOBUTU et celle du statut quo qui
prône le maintien au pouvoir du chef de l'Etat. Durant cette
période c'est la loi n°90-009 du 18 décembre 1990 qui
organise les activités des partis politiques.86
Lorsque les troupes de l'alliance des forces
démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) prennent
militairement Kinshasa le 17 Mai 1997, la déclaration de prise de
pouvoir que Laurent Désiré Kabila fait ce même jour
à partir de Lubumbashi en sa double qualité de président
et de porte-parole de l'AFDL, annonce "la suspension de tous les actes
pseudo-constitutionnels existant ainsi que les institutions qu'ils
organisent".
Le nouveau pouvoir va suspendre les activités des
partis politiques trouvés sur place et ne les autorise que deux
années plus tard aux conditions fixées par le décret-loi
n°194 du 29 Janvier 1999 relatif aux partis et regroupements
politiques.
Sous le régime du décret-loi n°194 du 29
janvier 1999, quatre partis politiques vont être agréés et
donc autorisés à s'afficher publiquement : L'union de la Gauche
Congolaise (UGC) de Delphin BANZA (agréée le 03 Février
2000), le Mouvement pour la Démocratie et le Développement (MDD)
de KISOMBE KIA KUMWISI (agrée le 18 Mai 2000), le parti des
socio-démocrates (PSD) de Laurent Denis KABUKA (agrée le 10 Juin
2000) et Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) de
Frederick KIBASA (agrée le 23 septembre 2000). A côté de
ces quatre partis agrées officiellement une trentaine des formations
politiques étaient en instance d'agréation lorsque le
décret-loi n°194 du 29 Janvier 1999 fut agrégé. De
nombreux acteurs politiques vont refuser de se conformer au décret-loi
n°194, accusé d'ailleurs de liberticide.87
Il a fallu attendre la loi n°001/2001 du 17 Mai 2001
portant organisation et fonctionnement des partis et regroupements politiques
pour voir de nouveau les partis politiques en RDC. La nouvelle loi était
en fait élaborée au terme d'une commission paritaire
composée pour partie des membres du pouvoir et pour partie des membres
issus de l'opposition politique. La loi n°001/2001 du 17 Mai 2001 est
conforme dans l'esprit à la loi n°90-009 du 18 décembre 1990
qui organisait les partis politiques pendant la période de transition
démocratique.
85 BOISSONADE E., Le mal zaïrois,
éd. Hermet Mouvance, paris, 1990, p.66.
86 MUTAMBA MAKOMBO, Du Congo-belge à
l'indépendance des évolués et genèse du
Nationalisme, éd. Copyright, IFEP, Kin, 1998, p.129.
87 WAMU OYATAMBE, De Mobutu à Kabila.
Avatars d'une passation inopinée, Harmattan, 1999, p.56.
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Après le Dialogue Inter congolais et
conformément à la constitution de la transition, une nouvelle loi
a été promulguée. Il s'agit de la loi n°04/02 du 15
Mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques. La
nouvelle loi ne reconnait plus les regroupements politiques qu'elle
considère comme des associations ou coalitions momentanées
formées ou gré de la conjoncture, parfois sur la base d'un simple
protocole d'accord.
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