4.3.2. De 2006 à 2011
Après la promulgation de la constitution du 18
Février 2006, une commission chargée de superviser les
élections a été mise sur pied de mener à bon port
l'échéance électorale conformément à la loi
n°06/006 du 09 Mars 2006 portant organisation des élections
présidentielle, législatives, provinciales, urbaines municipales
et locales.
Pour ce qui est de l'élection présidentielle,
elle se déroule par une campagne lancée le 17 Avril 2006,
campagne ouverte entre les 33 candidats retenus par la commission Electorale
Indépendante (CEI). De tous les candidats en course pour la
présidentielle, deux seulement ont émergé lors du premier
tour :
- Le Président sortant Joseph KABILA KABANGE avec
43,08%
- Le Vice-Président sortant Jean Pierre BEMBA NGOMBO avec
20,03%
Du fait qu'aucun des candidats n'ayant remporté la
majorité absolue (50% + 1 voix), le second tour devrait opposer les deux
candidats ayant fait un plus grand score au premier tour.
Mais l'annonce des résultats du premier tour le 20
Août 2006 a été suivie des violences entre les militaires
de la garde du président sortant Joseph KABILA et ceux de la garde du
Vice-Président Jean Pierre BEMBA dans les rues de Kinshasa, la capitale
de la RDC. "Ces Affrontements qui ont duré trois jours ont fait 23 morts
et 43 blessés selon le ministère de l'intérieur.
Commission Electorale Indépendante (CEI) a maintenu la
date du 29 Octobre 2006 après que la cour suprême de justice par
son arrêt rendu le 15 septembre 2006 ait prolongé l'organisation
du second tour de la présidentielle de 50 Jours. Ainsi, à la date
prévue le second tour de la présidentielle se tient entre les
deux candidats sus mentionnés et Joseph KABILA est proclamé
vainqueur par la CEI avec 9.436.776 de voix contre 6.819.822 voix de
65 NDAYWELL E NZIEM I., op.cit., p.633.
Page | 30
Jean-Pierre BEMBA GOMBO quant aux élections
législatives, "elles ont connu près de 1000 candidats qui avaient
pour 500 sièges au parlement national.66
Les élections provinciales ont également eu lieu
pour permettre aux institutions provinciales d'avoir des animateurs issus des
urnes. Cependant, les élections urbaines, municipales et locales
prévues par la loi n°06/006 du 09 Mars 2006 n'ont jamais eu
lieu.
Il sied aussi de mentionner que, ces élections, dans
leur globalité, ont été financées par la
communauté internationale avec un montant évalué à
370 millions d'Euros. Elles ont connu en outre la participation de plus de 25,6
millions d'électeurs ainsi qu'en témoigne le rapport de la CEI
sur les élections de 2006.
Le mandat du président issu des élections de
2006 arrivant à échéance le 6 décembre 2011, il
fallait organiser une nouvelle élection en vue d'assurer la
continuité de l'Etat, c'est ainsi qu'une élection
présidentielle couplée des législatives fut tenue le 28
Novembre 2011.
A cette élection, le président sortant se
présente comme candidat unique à sa propre succession dans sa
famille politique, en course avec 10 autres candidats issus de l'opposition
politique.
Pour permettre aux 11 candidats à se faire
connaître, "la campagne électorale fut officiellement
lancée le 28 Octobre 2011 et des violences furent depuis lors
observées dans le pays.67
Conformément à la constitution de 2006,
l'élection présidentielle devait se dérouler en deux
tours, en l'occurrence le 27 novembre 2011 (second tour).68
Cependant, une loi promulguée le 25 Juin 2011 vint réduire le
nombre de tour au scrutin présidentiel. Ainsi, le 30 Avril 2011 la CENI
annonça finalement que l'unique tour du scrutin présidentiel se
tiendrait le Lundi 28 novembre 2011, en même temps que les
élections législatives (députés nationaux).
Prévu initialement pour le 06 décembre 2011,
finalement le résultat provisoire fut publié le vendredi 9
décembre proclamant Joseph KABILA KABENGE vainqueur avec 8.880.944 voix,
contre seulement 5.864.775 voix de l'opposant Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA.
Ces résultats ont été rejetés par l'opposition
"principalement par Etienne TSHIKEDI, lequel s'est autoproclamé
président élu".69 Et ce n'est que dans la
soirée du 16 décembre 2011 que "La cour suprême de justice,
rendra son verdict, rejetant la demande d'annulation du scrutin introduite par
Vital KAMERHE et proclama, en avance sur le calendrier prévu et en toute
discrétion, Joseph KABILA élu président de la
République Démocratique du Congo.70
66 Rapport de la CEI sur le premier tour de l'Election
présidentielle de 2006.
67 Rapport de la CASE publié le 18 Mars
2012.
68 Journal officiel de la RDC, Constitution...,
op.cit.
69 MAYINDOMBE P., "TSHISEKEDI se dévoile" in
le potentiel n°25 du 29 décembre 2011. p.18.
70 Idem.
Page | 31
Pour les élections législatives, les
résultats furent publiés le 13 Janvier 2012. Ces
élections, ont connu un taux de participation évalué
à au moins 60% des électeurs et un financement près de 80%
par le gouvernement de la République Démocratique du Congo.
4.3.2.1. Observation et acceptation des
résultats
La RDC a adhéré aux principes de gestion, de
surveillance et d'observation des élections dans les pays de la SADEC.
Ainsi a-t-elle prévu dans la loi organique de la CEI et dans la loi
électorale, une diversité d'acteurs pour observer et surveiller
les opérations électorales. Parmi ces acteurs, il sied de
mentionner notamment les candidats eux-mêmes et/ou les mandataires, les
électeurs qui se constituent en observateurs et témoins des
partis, témoins de l'administration, etc. aux termes de la loi
électorale du 09 mars 2006, les observateurs nationaux et internationaux
dûment mandatés par les organisations nationales ou
internationales et accrédités par la CEI, assistent à
toutes les opérations électorales. Ils sont libres accès
à tous les lieux où se déroulent les opérations
électorales. Les témoins des partis politiques assistent à
toutes les opérations de vote, dépouillement de bulletins de
compilation et de décompte des voix. Ils ont le droit d'exiger la
mention de toute observation, réclamation et contestation touchant
à la régularité des opérations électorales
dans les procès-verbaux des opérations électorales,
accompagnent les urnes jusqu'au bureau de liaison et au bureau provincial de la
CEI et assistent à toutes les opérations.
Chaque parti politique ou regroupement politique, chaque
candidat indépendant avait le droit de désigner un témoin
et son suppléant pour suivre les opérations électorales
dans un bureau de vote de dépouillement déterminé.
Le nombre de témoins par candidat, parti politique ou
regroupement politique et par bureau de vote ou de dépouillement est
fixé à un. Quoi que ne faisant pas partie du bureau de vote ou de
dépouillement, le témoin avait néanmoins droit d'exiger la
mention de toute observation, réclamation et contestation touchant la
régularité des opérations électorales dans le
procès-verbal avant que celui-ci ne soit déplacé sous pli
scellé. Sur invitation du président du bureau de vote et de
dépouillement, le témoin qui le désirait aurait le pouvoir
de contresigner le procès-verbal des opérations
électorales et accompagner les urnes jusqu'au BL et au BRP de la CEI et
assister à la centralisation des résultats électoraux.
L'absence des témoins dans le bureau de vote et de dépouillement
ne consiste pas un motif d'invalidation du scrutin sauf si elle est
provoquée de manière intentionnelle et en violation des
dispositions de la loi électorale.
Selon les données communiquées par la CEI, plus
de 111.000 accréditations71ont été
distribuées à l'occasion des scrutins du 29 Octobre. Regroupant
24 réseaux d'observations, le cadre de concertation de la
société civile pour l'observation des élections, a fourni
les effectifs les plus nombreux, avec près de 57.000 observateurs
nationaux à travers le pays. Ces réseaux issus de la
société civile et des confessions religieuses ont souvent
mené un travail de formation important. Certains réseaux
bénéficiant d'un partenariat international (IFES, NDI, EISA) se
sont généralement distingués par une certaine
maîtrise des outils
71 Rapport de la CEI sur les accréditations des
témoins, Kinshasa, 2011.
Page | 32
méthodologiques de l'observation électorale la
présence des observateurs nationaux a été
particulièrement forte lors des opérations de
dépouillement. Par manque de moyens matériels, le
déploiement des observateurs nationaux a été
généralement concentré dans les principaux centres urbains
et s'est essentiellement limité aux jours des scrutins. Un nombre
restreint de réseaux d'observation nationale a pu maintenir une
présence continue durant les opérations de compilation des
résultats dans les centres locaux de compilation des résultats
(CLCR). L'accès des observateurs nationaux à l'assemble des
étapes de la compilation a par ailleurs été
occasionnellement rendu plus difficile par la résistance de certains
membres CLCR. Certaines initiatives développées par le cadre de
concertation de la société civile, comme la mise en commun des
relevés des résultats recueillis lors du dépouillement
pour assurer un contrôle des résultats officiels, pourraient
être menées à terme publiquement.
4.3.2.2. Contentieux électoraux
Entre le 25 et le 28 Août, la CSJ a reçu huit
requêtes en contestation des résultats de l'élection
présidentielle du premier tour. Outre, un recours rejeté pour
incompétence de la cour, cinq ont été jugés
irrecevables pour défaut de qualité au défaut
d'intérêt du requérant, et deux recevables mais non
fondés pour absence de preuves des griefs soulevés. On notera que
le recours le plus détaillé et documenté, introduit par
Azarias RUBERWA pour le RCD, a été jugé irrecevable en
raison de l'absence dans le dossier d'un mandat par le comité
exécutif de
son parti, seul habilité à introduire un recours
d'après les statuts du RCD.72
4.3.2.2.1. Procédure contentieuse
Les compétences des cours et tribunaux en
matière de contentieux électoral sont établies dans la loi
électorale du 09 Mars 2006. Les dispositions du code d'organisation
judiciaire hérité de la deuxième République ont
été appliquées et sont complétées par les
quelques éléments de procédures contenus dans la loi
électorale. L'ensemble des textes applicables aux élections
attribue un large champ de compétence à la Cour Suprême de
Justice (CSJ) et aux cours d'Appel. Le règlement des contentieux du
référendum et des consultations électorales est
confié à titre principal aux organes juridictionnels.
En attendant la mise en place effective de la Cour
Constitutionnelle instituée par l'article 157 de la nouvelle
constitution du 18 février 2006 et aux termes de l'article 150 de la
constitution de la transition, de l'article 161 alinéa 2 de la
constitution de la troisième République et de l'article 75 de la
loi électorale du 9 mars 2006, la Cour Suprême de justice est juge
du contentieux des élections présidentielle, législatives
ainsi que du référendum. La cour d'Appel quant à elle, est
juge du contentieux des élections provinciales, le tribunal de grande
instance juge du contentieux des élections urbaines et municipale et le
tribunal de paix juge du contentieux des élections locales.73
Les décisions doivent être rendues avec
célérité : trois jours après la saisine, pour le
référendum ; quarante-huit heures pour le contentieux de la
campagne électorale, sept pour les autres contentieux. La proclamation
des résultats définitifs du référendum et des
élections relève de la compétence exclusive des
juridictions. En cas de
72 NGOMA BINDA et Ali, RDC : Démocratie et
participation. Une évolution des premiers pas dans la 3e
République, AFRIMARP, Southen Africa, Novembre, 2010, p.124.
73 Loi organique n°004/2004 du 26
février 2004 portant organisation des élections
présidentielle et législative.
Page | 33
recours contre les résultats provisoires
annoncés par la CEI, cette proclamation ne peut intervenir
qu'après l'examen desdits recours par les juridictions
compétentes.74 Qu'il s'agisse de l'établissement des
listes électorales, de la présentation des candidatures, de la
compagne ou des opérations référendaires, les juridictions
statuent en dernier ressort.
Des recours peuvent être introduits en contestation
à plusieurs stades du processus et sur de nombreux aspects :
établissement des listes électorales enregistrement des
candidatures, irrégularités intervenus avant ou pendant les
scrutins, établissement des résultats. Des recours de nature
pénale, notamment pour des infractions inclues dans la loi
électorale, sont également possibles. La loi électorale en
revanche restreint les requérant autorisés à saisir la CSJ
aux candidats indépendant et aux formations politiques ayant
présenté des candidats, alors que la loi
référendaire étendait ce droit aux électeurs
congolais. Même si la compétence attribuée à la cour
de proclamer les résultats définitifs des scrutins peut
être considérée comme donnant implicitement une
possibilité d'auto saisine, la loi électorale ne le
prévoit pas explicitement. Au titre des dispositions sur le contentieux
électorales, elle organise le traitement du contentieux, puis l'annonce
des résultats définitifs si les recours sont jugés
irrecevables ou non fondés. Selon cette lecture, la cour peut rectifier
les résultats pour erreur matérielle ou décider d'annuler
le scrutin en tout ou en partie iniquement si elle est saisie d'une
contestation en matière. Les délais alloués aux candidats,
partis politiques ou regroupements de partis politiques pour former des recours
a été fixé à 3 jours, après avoir
été initialement établi à 48 heures.
Dans le cadre du scrutin présidentielle, la CSJ
disposait de sept jours à compte de sa saisine pour statuer. Pour les
scrutins législatifs et provinciaux, la CSJ et les cours d'Appel avaient
deux mois pour statuer. Les nouvelles assemblées sont mises en place sur
base des résultats provisoires annoncés par la CET, et les
recours n'ont pas valeur suspensive.
Dans le cadre des élections législatives, la CSJ
a mis en place un dispositif organisant la réception des recours en
contestation des résultats visant à permettre aux
requérants de les introduire dans le délai légal de trois
jours. Les greffiers des cours d'Appel étaient habilités à
recevoir les requêtes et à les transmettre à la CSJ pour
courrier express, avec l'appui du PNUD. Dans le souci de rendre la justice
accessible à tous candidat se sentant lésé, le
législateur avait simplifié les voies de recours permettant aux
candidats indépendants ainsi que ceux désignés par les
partis et regroupement politiques ou leurs mandataires de saisir les
juridictions compétentes.75 A cela s'ajoutait le fait que la
cour suprême de justice statuait sans frais sur les contestations qui
étaient soumises.
4.3.2.2.2. Contentieux
post-référendum
En sa qualité de juge du contentieux
référendaire, la cour suprême de justice a reçu au
total 13 requêtes contestant les résultats du
référendum entre le 20 Décembre 2005 et le 19 Janvier
2006. Ces requêtes ont été introduites par 7
requérants distincts, dont 3 partis à titre individuel, 3
regroupements de plusieurs partis, et une personne physique. La phase
74 KONRAD ADENAUER, op.cit.
75 Idem.
Page | 34
juridictionnelle de l'établissement du
référendum, à l'instar du déroulement même du
scrutin, n'a pas bénéficié d'une mobilisation forte de la
part des partis politiques.
Sur le fond, les recours demandaient tous l'annulation des
opérations ou des résultats du référendum pour
violation de la loi référendaire. Dans leurs plaidoiries,
certains partis ont demandé à la cours de procéder
à la vérification des résultats du scrutin. Les faits
soulevés étaient :
- L'insuffisance de la compagne de vulgarisation ainsi que les
refus de la HAM de garantir aux acteurs prônant le boycott un
accès aux médias comparable à celui assuré aux
tenant du oui et du non, influençant ainsi de façon significative
des résultats du scrutin.
- La publication de plusieurs versions de la constitution ;
- La violation de la période de silence par les
déclarations de responsables politiques de jour du scrutin sur le choix
qu'ils venaient d'exprimer.
- La violation du secret du vote par l'opposition d'empreintes
digitales sur le bulletin - La prolongation des scrutins au-delà de la
durée légale,
- Les irrégularités dans le
dépouillement.76
Certaines requêtes soulevaient également des
exceptions préliminaires, notamment mettant en cause de la
constitutionnalité de la loi sur l'enrôlement de la loi portant
organisation, attribution, et fonctionnement de la CEI, de la loi
référendaire.
Toutes les requêtes ont été
rejetées, soit pour prématurité, soit pour défaut
de qualité dans le chef des représentants des requérants
soit pour inexistence juridique de ces dernières, ou encore pour non
fondement, et n'ont généralement pas permis à la cour de
se prononcer sur le fond.
Dans l'ensemble la procédure s'est
déroulé conformément aux textes régissant le
traitement du contentieux par la cour suprême de justice. La cour a
statué dans le délai légal de 15 jours à compter de
sa saisine. Toutefois, les requérants ont dénoncé des
délais de convocation trop courts. La CET a dit ne pas avoir
été convoquée à temps pour l'une des audiences et a
estimé que les droits de la défense avaient été
violés. Certains requérants n'ont par ailleurs pas
souhaité comparaître lors de plusieurs audiences, ce qui portait
atteinte au principe du contradictoire.
4.3.2.2.3. Contentieux des résultats
élection présidentielle
Après le second tour, la cour suprême de justice
a enrôlé 8 recours contre les résultats de
l'élection présidentielle publiés par la commission
électorale indépendante le 15 Novembre 2006.77 Parmi
ces recours figurent celui du mouvement de libération du Congo (MLC)
introduit le 18 novembre 2006 par lequel ce parti sollicitait l'annulation,
pour fraudes
76 Rapport de la CASE, op.cit.
77 NGOMA BINDA et Ali, op.cit., p.126.
Page | 35
et irrégularités du scrutin dans certains
centres et bureaux de vote ainsi que la proclamation de son candidat vainqueur
de la susdite élection.78
Interrompue par la prise d'assaut et l'incendie de la CSJ par
les militants du MLC, l'instance s'est déroulée dans un climat
extrêmement tendu. La requête du MLC abordait certains points
pertinents, tels que l'exclusion de témoins du MLC des bureaux de vote
et l'utilisation abusive des listes de dérogation, sans toutefois
avancer une argumentation solide (manque de précision des faits
allégués, utilisation de quelques cas d'exemples pour
dénoncer des fraudes supposées massives, références
à des chiffres non explicités et manifestation
exagérés, absence d'explication à l'audience). Evoquant la
planification d'une fraude systématique et massive par
l'établissement des listes des omis et listes spéciales dont elle
avait pourtant officiellement avalisé le principe, la formation de Jean
Pierre BEMBA a avancé le nombre surprenant de "2.194.469
électeurs fictifs ayant exprimé leur suffrage frauduleusement au
détriment du candidat du MLC". Dans sa requête, le MLC demandait
en autre à la CSJ, non de décider de l'annulation du scrutin,
mais de proclamer Jean Pierre BEMBA élu président de
République sans expliciter l'éventuelle incidence des fraudes
évoquées sur le nombre de voix attribuées aux deux
candidats.
Au terme d'une instruction contestée, la cour
suprême de justice a rendu deux arrêts, le 27 novembre dans la
soirée, l'un portant sur la requête en contestation des
résultats, l'autre proclamant les résultats définitifs de
l'élection présidentielle. La CSJ a rejeté l'ensemble des
griefs soulevés, avec un raisonnement conforme à sa
jurisprudence, statuant sur les pièces fournies par les
requérants sans nécessairement approfondir l'examen sur le fond
par des mesures d'instruction. Elle n'a en outre que partiellement
répondu à la question de l'utilisation des listes des omis et
registres de dérogation, en s'appuyant sur la régularité
de leur établissement pour en déduire l'absence d'incidence sur
le scrutin sans égard pour les abus effectivement constatés dans
leur utilisation.79
78 NGOMA BINDA et Ali, op.cit., p.126.
79 Idem
Page | 36
4.3.2.2.4. Contentieux des résultats de
l'élection législative
1. Nationale
La cour suprême de justice a également
été saisie des recours contre les résultats des
élections législatives. Après l'annonce des
résultats provisoires des élections législatives, le 7
septembre 2006, 414 recours ont été enregistrés au greffe
de la CSJ, qui a par la suite rendu 208 arrêts d'irrecevabilité,
18 de désistement, 79 de non fondement, 6 d'incompétence, et 30
de fondement. Elle a opéré diverse rectification
matérielles et procédé aux redressements des
décomptes des voix nécessaires voire procédé
à l'annulation des élections dans la circonscription
électorale de BEFALE, située dans la province de l'Equateur. Dans
l'examen de ces différents recours, la cour suprême de justice est
arrivée à invalider l'élection de certains
députés préalablement proclamés élus par la
commission électorale indépendante.80
Comme le montre le tableau, la majorité des
requêtes soumises à la CSJ ont été rejetées
pour irrecevabilité. La cour suprême a donc adopté une
interprétation trop mécanique des règles de forme qu'elle
a appliqué au pied de la lettre, même si cela devait porter
atteinte à l'intégrité des élections et à la
vérité des urnes, en laissant subsister des résultats qui
auraient pu être invalidé si les recours avaient été
examinés au fond. Parmi les motifs de rejet des recours les plus
fréquents il faut mentionner le fait qu'un nombre important de
requérants n'avaient pas qualité à agir. Car ils avaient
introduit des recours en leur nom et non par l'intermédiaire de leurs
partis politiques, dûment mandatés à cet effet, sur le
fond, les recours présentés étaient en
général faiblement étayés un élément
de preuve. Ce qui a conduit au rejet de la plupart des requêtes. A ce
titre, le délai particulièrement court de 3 jours à
compter de la publication des résultats provisoires par la CEI a
certainement pénalisé les candidats et leurs conseils surtout,
l`absence des résultats détaillés par bureau de vote a
rendu difficile la préparation de recours documentés.
L'impossibilité de déposer les témoins dans la
totalité des bureaux de vote, rendait alors impossible toute
contestation précise des scores publiés par la circonscription,
sauf si les Procès-verbaux récoltés suffisaient à
démontrer un score supérieur au total des voix obtenues.
Certains candidats élus, ont d'ailleurs
découvert leur défaite seulement au moment de l'annonce de la
liste des députés élus, après les rectificatifs
effectués par le centre national de compilation des résultats
(CNCR) dans le cadre de son contrôle de cohérence.
Tableau n°I: Contentieux des résultats des
élections législatives nationales et
sénatoriales
N°
|
Désignation
|
Elections législatives
|
Députés nationaux
|
Sénateurs
|
1.
|
Affaires jugées
|
343
|
17
|
2.
|
Affaires non jugées
|
71
|
-
|
3.
|
Affaires jugées irrecevables
|
208
|
12
|
4.
|
Affaires jugées non fondées
|
79
|
5
|
5.
|
Affaires jugées fondées
|
30
|
-
|
|
80 CENI, Rapport final des scrutins de 2006, Kinshasa,
2007
Page | 37
6.
|
Affaires jugées sans objet
|
2
|
-
|
7.
|
Affaires ayant abouti au désistement
|
18
|
-
|
8.
|
Invalidation
|
18
|
-
|
9.
|
Affaires pour lesquelles la Cour s'est
déclarée incompétente
|
6
|
-
|
10.
|
Tierces oppositions
|
49
|
-
|
11.
|
Autres recours
|
|
Interprétation et rectification d'erreurs
|
3
|
-
|
Surséance ou suppression d'exécution
|
1
|
-
|
Révision d'arrêt
|
3
|
-
|
Intervention volontaire
|
1
|
-
|
Total affaires enregistrées
|
414
|
17
|
Source : J.M Katuala Kaba kashala , Kinshasa, 2007, p. 429
2. Provinciale
Enfin, la cour a été sollicitée comme
juridiction d'Appel non seulement contre les résultats des
élections provinciales mais aussi à propos des litiges portant
sur des questions de nationalité des candidats. Il en est ainsi de ceux
qui ont surgi à deux jours des élections des gouverneurs à
la suite d'une lettre de la CEI adressé au MLC et tendant à la
disqualification des candidats Dominique KANKU KABENGE, candidat au poste de
gouverneur dans la province de Kasaï oriental et Alexandre KANDE MUSAMPA
candidat au poste de gouverneur dans la province du Kasaï Occidental, tous
deux présentés sur la liste de l'Union pour la Nation au motif
qu'ils possédaient une double nationalité.81
Les cours d'Appel de MBUJI MAYI et de Kananga se sont
prononcés en faveur des candidats. Les appels relevés par la CEI
contre ces arrêts ont été déclarés
irrecevables par la cour suprême de justice pour défaut de
qualité. Dès lors, les candidats ont pu se présenter aux
élections des gouverneurs.82
Dans l'ensemble, la cour suprême de justice et les Cours
d'Appel ont joué un rôle important tant en matière
d'interprétation de la loi électorale que durant le contentieux
des élections générales organisées entre 2006 et
2007 par la Commission Electorale Indépendante. Par exemple, la cour
suprême de justice a réussi notamment à obtenir un
prolongement des délais légaux compte tenu du volume des recours
au sujet desquels elle était appelée à statuer et tout
cela dans le but de préserver la démocratie. Mais la cour
suprême de justice et les cours d'Appel sont confrontés à
un grave manque de moyens matériels et humains à la
caducité du système juridique congolais. L'indépendance
des juges a en outre été mise en cause de façon
récurrente, de façon plus prégnante encore dans le cas de
la CSJ, dont certaines décisions ont mis à mal la perception
d'impartialité.
81 Rapport de la CASE, op.cit.
82 Idem.
Page | 38
|