B. L'EVALUATION DE PROJET/ PROGRAMME
Il est pertinent de tracer ici un bref historique du
développement de l'évaluation de projet et
programme.
Selon Weiss (1998), c'est à partir de 1850 qu'est
arrivé le besoin systématique d'évaluer les effets d'une
intervention. En effet, c'est à cette période que les politiques
gouvernementales américaines concernant les conditions sociales de la
population sont mesurées pour la première fois. En mesurant la
différence entre les objectifs et leurs résultats en pratique,
les statisticiens ont été les premiers à effectuer des
évaluations de programme qui ont réellement influencé les
décisions politiques.
C'est toutefois le contexte des années 60 qui permet
à l'évaluation de programme de prendre un réel essor. En
effet, selon Madaus et Stufflebeam, (2004), alors que plusieurs programmes sont
mis en place par l'Etat américain pour contrer la pauvreté
suivant la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement investit en masse
pour l'évaluation de l'efficacité et du rendement des
organisations dépendantes des fonds publics.
Pour ce qui concerne l'évaluation de programme au sein
du domaine de l'éducation, son rôle est primordial. En effet, les
plus grands programmes éducatifs tels que les programmes de formation de
l'école québécoise du niveau primaire et secondaire, sont
évalués lors de leurs différentes phases d'implantation
pour guider leurs grandes orientations. L'évaluation produit ainsi une
rétroaction périodique concernant les différents aspects
du programme (implantation, efficacité, effets non
désirés, etc.) utilisée pour effectuer des choix quant
à l'avenir de ces programmes.
5 `'Une société
sans école `' Ivan Illich volume 1. 2005 p311
12
1. La controverse qui existe au sein de
l'évaluation de programme
Même si l'évaluation de programme a acquis ses
lettres de noblesse grâce à de nombreux apports lui étant
spécifiques, il semble se dégager une évidence selon
laquelle elle est confrontée, et ce, depuis son origine, à un
paradoxe indéniable. En effet, alors que cette activité est en
constante demande compte tenu de sa pertinence pour la prise de
décision, il n'en demeure pas moins qu'elle est périodiquement
remise en question par les utilisateurs concernant sa capacité à
remplir ses fonctions premières, soit produire des jugements
suffisamment crédibles pour être acceptés des clients et
ainsi, guider les grandes orientations des programmes.
Ainsi, suite à une étude des évaluations
de programme en Colombie Britannique, Mc David (2001) conclut que
l'évaluation de programme n'arrive toujours pas à émettre
des jugements suffisamment fondés pour éclairer la prise de
décision. Cette étude a été confirmée par
celle réalisée par le Secrétariat du Conseil du
Trésor du Canada en 2004.En effet, cette étude, qui porte sur
l'analyse de rapports d'évaluation (115) commandés par
différents ministères, révèle que 32% des rapports
présentent un raisonnement inadéquat pour appuyer leur jugement.
En France, l'étude de Toulemonde (2005), sur l'utilisation des
évaluations de programme dans la région du Limousin, stipule
qu'il y a relativement peu de clients qui utilisent les jugements qu'elle
produit pour orienter l'avenir de leur programme. Finalement, selon les
analyses de Virtanen et Uusikyla (2002) qui ont réfléchi sur la
complexité des programmes sociaux, la pratique actuelle de
l'évaluation de programme ne permet pas, pour le moment, de poser un
jugement qui prend en considération toute la complexité des
programmes.
|