II. Analyse de la féminisation de la langue dans
le discours politique contemporain
Le corpus de ce mémoire regroupe un ensemble de
discours politiques, en d'autres termes, des textes écrits en vue
d'être prononcés oralement devant un public. Nous allons les
décrire, les présenter et les analyser, en particulier sous
l'aspect de l'écriture inclusive.
Cette partie de notre travail visera à analyser
quelques discours politiques des présidents Emmanuel Macron,
François Hollande, et Jacques Chirac,
Initialement, nous avions choisi d'étudier les trois
derniers présidents de la République, à savoir Emmanuel
Macron, François Hollande et Nicolas Sarkozy. Nous avons finalement
choisi d'écarter Nicolas Sarkozy au profit de Jacques Chirac, car
après analyse, l'étude des discours de Nicolas Sarkozy ne nous
semblait pas pertinente. En effet, ce dernier n'est pas connu pour être
un défenseur de l'égalité des sexes. Comme le souligne
Brigaudeau (2012) « il n'est pas dit un mot de la parité ou de
l'égalité des droits hommes-femmes dans le bilan du quinquennat.
Pas une mention dans le dossier consacré à
l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations
». Au vu du recul de l'égalité homme-femme
observé à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, il est
logique qu'il n'ait pas souhaité s'appesantir sur le sujet. Pourquoi un
tel recul ? En premier lieu, cela s'explique par un
désintérêt du président pour le sujet.
Désintérêt assumé dès sa candidature
puisqu'il n'a pas répondu à l'appel d'associations
féministes l'invitant à exposer son programme en matière
d'égalité des sexes. Seule l'égalité salariale
semble avoir retenu son attention sans pour autant avoir conduit le projet
à terme en prenant des mesures concrètes. Dès lors,
« Cinq ans plus tard, les femmes touchent au total un salaire
inférieur de 27% à celui des hommes selon l'Observatoire des
inégalités » (Brigaudeau, 2012). En second lieu, deux
décisions politiques ont conduit à un recul de
l'égalité des sexes : « la réforme des retraites,
dont on sait qu'elle pénalise particulièrement les femmes ;
d'autre part la réforme de l'hôpital public, qui a provoqué
la fermeture de dizaines de centres IVG, ce qui fait de la France un pays
où le droit à l'avortement est menacé »
(Beatrcegamba, 2012).
Tous ces éléments nous ont conduit à
retirer Nicolas Sarkozy de notre panel d'étude. Nous avons choisi
Jacques Chirac, choix qui nous semblait intéressant car il nous
permettait d'aborder l'impact des différences
générationnelles sur les discours présidentiels. La
19
présidence de Jacques Chirac, de 1995 à 2007, se
situe à une époque où la place de la femme dans la
société était moins « polémique »
qu'à notre époque contemporaine.
On va analyser quelques discours de ces présidents afin
de montrer l'importance et l'influence de ce type de discours sur les
individus. « Le discours politique s'est très souvent
prêté à l'analyse de discours, car c'est un domaine de
construction de sens qui se fonde sur un certain équilibre entre une
structuration visant à produire un discours d'influence et des
conditions de production généralement bien définies.
» (Delmas, 2012, p.104). Pour rejoindre les propos de Virginie Delmas, on
peut ajouter que la parole est omniprésente dans notre
société actuelle, et le pouvoir des mots continue de fasciner. Le
discours tient sa force dans la situation d'énonciation : voix, regard,
rythme, posture, dont l'objectif à produire des effets persuasifs sur
ses destinataires. La structuration des arguments est faite de manière
rapide et directe. La parole étant accessible à tout le monde, le
discours est un moyen d'agir rapidement. De plus, préparé ou non,
il donne un sentiment de spontanéité qui confère à
l'orateur une certaine sincérité. Selon la définition
d'Aristote, « la rhétorique repose sur trois outils : le pathos
(les émotions), le logos (la logique, les arguments rationnels) et
l'ethos (la crédibilité de l'orateur) ? l'auditoire se sent
concerné : variété et force d'émotions
suscitées par la mise en scène de la parole (rire, larme, inciter
à la haine). (...) Il lui donne le sentiment et la vérité.
» (Thuillier, 2014).
Dans une société où les médias ont
une place prépondérante, la parole est un outil de communication
primordial. Pour convaincre un auditoire, les hommes politiques en ont
parfaitement assimilé l'importance. Face à l'impact
indéniable de la langue sur l'interlocuteur, nombreux sont les hommes
politiques à avoir vu l'intérêt que peut représenter
l'écriture inclusive dans leurs discours. Ce fut le cas du
Général de Gaulle avec son célèbre «
Françaises, français ! » dans son discours du 22
avril 1961. Le discours de « l'émetteur » face à un
public mixte, femmes et hommes, doit pouvoir être entendu par « ses
récepteurs » ; de cette manière, le locuteur pourra plus
facilement faire entendre et exprimer ses intentions et ses choix. Dans ce
même sens, l'objectif d'Arlette Laguiller par ses discours
commençant par « Travailleuses, Travailleurs » est de
s'adresser aux femmes et aux hommes, sans exception. Mais le fait
d'intégrer le sexe féminin dans un discours peut être sujet
de discorde. L'épisode à l'Assemblé National du
député Julien Robert qui refusera de dire « Madame la
présidente » en s'adressant à la présidente de
séance la députée Sandrine Mazetier, est un exemple
concret du malaise encore présent dans la sphère politique. Le
député Julien Robert se défendra en disant «
madame le président moi j'applique les règles de
l'Académie
20
Française ». Malaise d'autant plus
important quand il s'agit de féminiser le nom d'une fonction.
2.1. Les
caractéristiques d'un discours politique
2.1.1. Discours de la compétence et de
l'autorité
Il est destiné à convaincre et persuader
l'interlocuteur en employant des mots « savants, sages et raisonnables
» traitants de sujets sérieux et annonçant des
problèmes graves pour proposer par la suite des solutions
compétentes qui attirent un électorat éventuel. L'objectif
du locuteur étant d'avoir une influence sur le destinataire. «
Le regard et la parole sont cliniques et disposent de la
légitimité de l'autorité officielle. Il s'agit d'un
discours de pouvoir mais surtout de pouvoir responsable il dénonce les
dangers et annonce aussitôt son action immédiate. »
(Gobin, 2011, p.3).
|