Quelle adoption de l’écriture inclusive dans la langue française et les discours politiques contemporains ?par Manel Khalifa née Ben Salah Université Sorbonne Paris 4 - Master sciences du langage parcours linguistique française et générale 2020 |
1.2.2. Les règles non inclusives qui font débat« En latin et en grec ancien, l'adjectif se rapportant à des noms de genres différents ne se mettait pas systématiquement au masculin, comme c'est le cas aujourd'hui en français. Il s'accordait avec le nom le plus proche. Cet usage dominait en ancien français et encore au Moyen Age. Au XVIIe et XVIII, il prévalait toujours » (Roubin, 2017, p. 5). Aussi, en Ancien français et au Moyen âge l'accord de l'adjectif et du participe passé se fait avec le nom le plus proche, comme dans les phrases suivantes : 16 - Mon frère et ma soeur sont belles. - Ma soeur et mon frère sont beaux. - Les étudiants et les étudiantes sont présentes. Dans la langue française, la règle de proximité a toujours été remise en question. Aujourd'hui, cette règle n'est pas appliquée. Ainsi, l'adjectif ou le participe s'accorde toujours avec le masculin. Ainsi, nous écrivons : Mon fils et ma fille sont mignons. 1.2.3. Les propositions de neutralisation des genres - règle « épicène »L'écriture inclusive demeure un sujet complexe, acceptée par certains et rejetée par d'autres. Le recourt à l'écriture épicène et à la neutralisation est une proposition qui pourrait éventuellement éviter les obstacles pour désigner le genre. Ce type d'écriture est constitué de différentes « méthodes ». Pour identifier les deux genres, nous pouvons notamment trouver dans les règles épicènes, la formulation collective (terme générique ou neutre), la forme plurielle, les formes contractées (trait d'union, point médian ou parenthèse). On retrouve les trois formes précédemment énumérées dans les exemples suivants : - Le personnel de l'hôtel est en réunion. - Notre service a pour objectif de satisfaire la clientèle. - Plusieurs personnes de notre quartier sont en difficulté. - Les propriétaires de logement doivent assister à l'Assemblée Générale ordinaire - Les candidat-e-s doivent préparer leur discours pour le débat télévisé. - Un.e enseignant.e sera présent.e pendant l'intercours. - Les étudiant(e)s doivent participer aux élections des délégué(e)s de classe L'écriture épicène a ses limites. L'utilisation de ses différentes formes n'est pas toujours simple, et encore faut-il que le contexte s'y prête. Un des obstacles est, par exemple la forme contractée qui consiste à mettre un point médian ou un trait d'union au sein du mot pour désigner à la fois les deux sexes. « Cette forme s'emploie quand on veut alléger le texte en évitant les répétitions et/ou lorsqu'on a affaire à des mots dont les variantes féminine et masculine ne diffèrent que légèrement » (Têtue, 2016). En revanche cette forme peut nuire à la lisibilité d'un texte car elle ne se prête pas à une lecture à haute voix. Pour signifier leur 17 non-adhésion à ces méthodes et montrer les limites de l'exercice, certains poètes comme Jean Grosjean propose de réécrire le poème « l'Albatros de Baudelaire en langage épicène. « Souvent, pour s'amuser, les femmes ou hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiselles.seaux des mers, Qui suivent, indolent.e.s compagn.e.on.s de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. À peine les ont-ils déposé.e.s sur les planches, Que ces reines ou rois de l'azur, maladroit.e.s et honteu.se.s.x, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux. Ce.tte voyageu.se.r ailé.e, comme elle ou il est gauche et veule ! Elle ou lui, naguère si belle ou beau, qu'elle ou il est comique et laid.e ! L'une ou l'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, la personne à mobilité réduite qui volait ! La poétesse ou le Poète est semblable à la princesse ou au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'arche.è.r.e ; Exilé.e sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant.e l'empêchent de marcher ». (Grosjean, 2018) 18 |
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