WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Quelle adoption de l’écriture inclusive dans la langue française et les discours politiques contemporains ?


par Manel Khalifa née Ben Salah
Université Sorbonne Paris 4 - Master sciences du langage parcours linguistique française et générale 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I. Cinq siècles après sa disparition : le grand retour de l'écriture inclusive dans la langue française

L'histoire de la féminisation de la langue est étroitement liée à la désignation de la femme par des noms qui l'identifie et qui la sépare de l'homme. C'est au XVIIe siècle que l'idée de désigner les femmes par des noms communs masculins apparaît et c'est donc ainsi que le débat sur l'écriture inclusive naquit.

La représentation graphique de la féminisation de la langue se base sur trois grands principes1: ? le fait d'accorder les fonctions, métiers, grades et titres, en fonction du genre : on parlera ainsi de chroniqueuse, chercheuse...

? l'utilisation à la fois du féminin ET du masculin quand on parle d'un groupe de personnes, soit par l'utilisation de ce qu'on appelle la double flexion - « les candidates et candidats » -, soit par le recours au « point milieu » - « les candidat·e·s » -, soit enfin par une reformulation épicène - « les personnes candidates ».

? on tente enfin d'éviter le recours aux termes « Femme » et « Homme » avec une majuscule de prestige et on préfère des termes plus neutres, comme « droits humains » plutôt que « droits de l'homme ».

Notre analyse de l'écriture inclusive dans cette partie du mémoire abordera les questions de la féminisation de noms de métiers en France en étudiant le « recul » de la linguistique française à partir du 17e siècle.

1 Source : Edouard Philippe décide de bannir l'écriture inclusive des textes officiels (2017). Site Le Monde (en ligne sur : https://www.lemonde.fr/politique/article/2017/11/21/le-premier-ministre-edouard-philippe-decide-de-bannir-l-ecriture-inclusive-des-textes-officiels_5218122_823448.html. Consultée le 3/12/2019.)

8

1.1. La féminisation des noms de métier

Nous verrons dans cette partie du mémoire l'évolution de l'expression linguistique des identités du genre pour les noms de métiers en France et au Québec. L'accent sera mis sur l'histoire de la féminisation lexicale en France.

1.1.1. Les règles de féminisation des noms de métier jusqu'au XVIIe siècle

? En France

Jusqu'au XVIIe siècle, le français, comme le latin dont il est issu, distinguait féminin et masculin. La question de genre n'était pas évoquée. On trouvait par exemple miresse pour désigner une femme médecin (Mathieu, 1999, p.45-63) ou encore « académicienne, agente, ambassadrice, autrice, avocate, chancelière, chercheuse, chevalière, chirurgienne, clergesse, colonelle, commandeuse, conseillère, contrôleuse, défenseuse, doctoresse (...) » (Viennot, 2018, p. 72).

Afin de féminiser les noms de métiers, certaines règles ont été établies. Pour commencer, il faut rappeler que, pour désigner le genre d'un référent, il suffit de l'identifier au moyen d'un déterminant nominal, d'un article défini ou d'un article indéfini (le/la ; un/une). Il est également possible de recourir à un déterminant démonstratif (ce/cet/cette). Ainsi, pour désigner par exemple une femme députée, il est possible de dire la députée ou cette députée.

Ajoutons à cette règle les différentes variations de morphème à la fin du nom pour déterminer le féminin. En effet, il y avait la forme trice, qui consistait à remplacer un masculin finissant par le morphème eur par un nom identique dont le morphème devient trice.

Nous pouvons citer pour exemples directeur/ directrice, ambassadeur/ambassadrice, conservateur/conservatrice, etc.

Cette dérivation du masculin eur a une autre variante au féminin : en lieu et place de trice, la forme féminine devient soit euse comme dans chercheuse, entraineuse ou programmeuse soit eure comme dans professeure, gouverneure ou entrepreneure. Cette règle s'accompagne de l'apparition de noms se caractérisant par le doublement de la dernière consonne comme dans chirurgienne, électricienne ou informaticienne (Mathieu et al., 2009). Certains noms sont également féminisés à l'aide du suffixe esse comme maitresse, poétesse ou philosophesse.

9

Nous pouvons finalement citer la règle de la forme épicène qui désigne un ensemble de « mots dont la forme ne varie pas entre le masculin et le féminin » (Haddad, 2016) comme pour gendarme, ministre, maire ou juge.

Bien que ces règles n'aient pas cessé d'évoluer, si nous nous concentrons sur le XVIIIe siècle, nous pouvons en voir quelques formes dans le tableau ci-dessous :

Tableau : règles d'écriture inclusive

e

esse

trice

euse

ienne

Forme dite
épicène

Médecine

Poétesse

Autrice

Graveuse

chirurgienne, doyenne, mécanicienne, pharmacienne

Artiste

Peintre

Philosophesse

Actrice

Professeuse

rhétoricienne

Architecte

Auteure

Peinteresse

Compositrice

Chercheuse

 

Comptable

Avocate

traductrice

Inventrice

Controleuse

 

Ministre

Artisane

libraresse

Ambassadrice

Toiletteuse

 

mannequin

Ecrivaine

Capitainesse

rédactrice

Metteuse en scène

 
 

philosophe

Doctoresse

 
 
 
 

Source : Viennot, 2017, p 46-62

? Au Québec

Suite à la réforme de 1980 qui « reconnaissait officiellement l'utilisation des titres féminins pour désigner les femmes (...)», différentes règles ont été établies pour féminiser les noms de métiers2. Ces règles sont employées tout en conservant quelques anciens principes et acquis de la langue française. En effet, au Québec, de nombreux noms de métiers, titres et fonctions existaient préalablement. C'est pourquoi il a fallu les conserver sans inventer des nouvelles formes. En d'autres termes, aux règles existantes s'ajoutent celles visant à féminiser les noms qui n'étaient utilisés qu'au masculin. Aussi, le féminin de directeur devient directrice et non directeure.

2 Pour plus de détails voir les 24 articles disponibles sur le site de l'Office Québécois de la Langue Française : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=1&Th_id=358&niveau=.

10

Les règles de féminisation des noms de métiers au Québec étant diverses, nous allons commencer par présenter les noms composés féminins qui prennent plusieurs formes comme l'indique le tableau ci-dessous :

Tableau : règles de féminisation des noms composés féminins

 

Masculin

Féminin

Juxtaposer deux noms en les liant par un trait d'union

un mécanicien-
électronicien

une mécanicienne-
électronicienne

Le deuxième nom (épithète) caractérise le premier à la manière d'un adjectif

un conseiller cadre

une conseillère cadre

Deux noms sont joints par une préposition

un technicien en
radiologie

une technicienne en
radiologie

Un nom et un adjectif

un grand pilote

une grande pilote

Plusieurs combinaisons

un président-directeur
général

une présidente-
directrice générale

D'autres règles s'ajoutent à ces dernières :

- telles que celles relatives aux noms français polysémiques, comme cuisinière qui désigne à la fois une personne et un appareil électroménager. Il est concevable au Québec d'inventer et d'intégrer un autre emploi au nom.

- On peut aussi aborder les noms de métiers au masculin qui se terminent par la lettre c. Ces derniers, une fois féminisés, prennent un que en fin de mot comme par exemple un syndic/ une syndique.

- Si le masculin se termine par é, la règle appliquée sera l'ajout d'un e muet au féminin. Comme député/ députée ; employé/ employée.

- Deux possibilités s'offrent aux masculins se terminant par eur. Ils prennent un e au féminin, donnant soit eure comme dans professeur/professeure ou ingénieur/ingénieure, soit euse comme dans chercheur/ chercheuse ou chauffeur/ chauffeuse.

- Pour les noms masculins qui se terminent par teur, ils se féminisent en trice comme directeur/directrice, ou inspecteur/inspectrice.

11

La forme de l'écriture épicène existant au Québec comme en France, à savoir les noms qui se terminent par e au masculin n'ont pas de forme féminine. On conserve donc le même nom quel que soit le sexe. Parmi les noms de métiers épicène nous pouvons citer diplomate, juge ou encore pilote.

Pour finir, en français québécois, l'ajout du mot femme aux noms de métier masculin, comme une femme médecin, n'est pas conseillé. En effet, le recours à cet ajout empêche l'emploi d'une forme féminine proprement dite : il est aisé de féminiser professeur en professeure, plutôt que d'utiliser femme professeure.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote