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Quelle adoption de l’écriture inclusive dans la langue française et les discours politiques contemporains ?


par Manel Khalifa née Ben Salah
Université Sorbonne Paris 4 - Master sciences du langage parcours linguistique française et générale 2020
  

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Conclusion

« De tous les liens qui nouent les hommes dans la cité, le lien de la langue est le plus fort, parce qu'il fonde le sentiment d'appartenance à une communauté » (North, 2007, p. 2). Ce lien qui unie les hommes est certainement aussi vieux que l'humanité, mais ses origines, son fonctionnement et ses finalités demeurent hypothétiques.

La langue est un vecteur de communication ; c'est la transcription écrite du langage parlé. Le propre d'une langue est d'être vivante. Aussi, elle s'adapte aux évolutions historiques et sociétales et ses adaptations s'imprègnent dans le verbe, dans les mots et concepts ! Si une majorité des usagers d'une langue intègre telle ou telle forme dans leur parlé, alors, cette forme doit être acceptée, même si elle va à l'encontre des dogmes linguistiques car « Tous les moyens de l'esprit sont enfermés dans le langage, et qui n'a point réfléchi sur le langage n'a point réfléchi du tout. » (Alain, 1932).

La féminisation de certains vocables relèverait de l'évolution de la langue dans une société en perpétuelle mutation. Jusqu'au XVIIe siècle, le français, comme le latin dont il est issu, distinguait féminin et masculin. La question de genre n'était pas évoquée et l'usage de la règle de proximité n'imposait pas au féminin de « s'incliner » devant le masculin lors de l'accord des genres. La période du classicisme, dont l'impact sera spectaculaire par les changements sociétaux qui en découleront, marquera un tournant dans le monde politique, culturel, littéraire, et de manière plus générale, dans la société de l'époque - et jusqu'à ce jour certains ajouteront. Il en découlera peu à peu une masculinisation de la langue, et une prévalence du masculin sur le féminin : l'accord de proximité disparaît peu à peu entre le XVIIe et le XIXe siècle au profit du genre masculin qualifié de genre noble (Nameche, 2018). Le masculin considéré comme neutre l'emporte au pluriel, et beaucoup de mots utilisés au féminin, comme par exemple peinteresse, sont condamnés (Viennot, 2014, p.46). Bien que certains philosophes et écrivains luttent pour la féminisation de la langue dès le XVIIIe siècle, les grammairiens continuent à préconiser l'emploi du masculin, considéré comme genre le plus noble. Ainsi, « dans l'édition de 1847, Bescherelle précisera avec fierté que la langue française s'est mise en opposition avec toutes les autres langues, en laissant au masculin tous ces noms auteur, docteur, géomètre, général, graveur, professeur, philosophe, poète etc, lors même que ces noms désignent des femmes » (Viennot, 2018, p. 52).

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Il aura fallu cinq siècles à l'Académie française, qui refusa le recours à l'écriture inclusive et la féminisation des noms de métiers dès 1689, pour adopter le 28 février 2019 « à une large majorité un rapport sur la féminisation des noms de métiers, soulignant qu'il n'existait aucun obstacle de principe à la féminisation des noms de métiers et de professions » (Perrin, 2019, p. 1).

La seconde partie de notre mémoire visait l'étude de l'adoption de l'écriture inclusive dans les discours politiques contemporains. Nous avons analysé les discours des trois présidents de la Ve République suivants : Emmanuel Macron, François Hollande et Jacques Chirac. L'analyse des discours de l'actuel Président de la République laisse transparaître un homme au féminisme convaincu. Bien que seul son discours de l'automne 2017 soit très inclusif (du fait du thème, mais également des manifestations féministes de cette année) ; ses engagements en faveurs des femmes transparaissent dans ses actions. Tout comme Emmanuel Macron, François Hollande revendique son féminisme. Il ira jusqu'à déclarer « Parce que je suis féministe, je m'inscris dans ce mouvement de progrès ». Ce féminisme n'apparait pas de manière constante dans ses discours politiques car l'écriture inclusive y est parfois absente. En effet, sorti des discours de circonstance, son choix se porte plus vers l'utilisation de termes génériques. François Hollande demeure néanmoins très impliqué dans la lutte contre l'inégalité des sexes et l'amélioration des droits de la femme. Quant à Jacques Chirac (époque oblige ?), ses discours laissent peu de place à l'écriture inclusive. Tout comme ses discours, ses actes seront ambivalents : tantôt en faveur d'une émancipation franche de la femme tantôt enclin à la renvoyer derrière les fourneaux. Il n'en demeure pas moins le premier Président à avoir encouragé la parité au sein de son gouvernement et ce, dès les années 70.

Ce mémoire nous a permis de démontrer que les discours évoluent avec la société et contribuent à l'actualisation de la langue. Les discours semblent néanmoins évoluer moins vite que la société comme l'indique le faible degré de féminisation des discours de Présidents qui clament haut et fort leur féminisme. Ce mémoire traduit également l'importance du choix des mots dans un discours car « ne pas reproduire dans le langage la non-mixité des dominants, c'est rendre possible une plus grande mixité sur place en évitant que seuls des hommes se sentent légitimes à être présents. Il s'agit d'amorcer une prise de conscience sur le fait que le soi-disant universalisme de notre langue (mais pas que, et pas que sur le plan du genre) laisse de côté une partie de l'humanité » (Pourquoi féminiser notre langage est important, 2017).

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Et s'il n'y avait pas que les mots... Quand l'iniquité se trouve aussi dans une tenue jugée trop féminine ! Comment accepter de légiférer sur la féminisation des mots quand dans l'enceinte même de l'Assemblée Nationale, lieux dominé par les hommes, certains députés hommes s'appuyaient sur un règlement intérieur (rédigé par des hommes) pour contester les vêtements portés par une femme - vêtements jugés trop féminins pour l'hémicycle ! Au final on demande aux femmes de s'habiller comme les hommes, tout comme on demande à la langue qu'un mot féminin soit écrit au masculin. Rappelons-nous la mémorable passe d'armes de juillet 2012 entre Cécile Duflot, ministre de l'Ecologie et un groupe de députés hostiles qui moquaient les fleurs sur sa robe un peu courte. Gageons qui si elle avait porté un tailleur sobre et sombre, comme celui porté par les hommes, l'incident n'aurait pas eu lieu. Malheureusement le combat qui consiste à reconnaître l'identité féminine ne se situe pas que dans les mots. On comprend que le combat s'annonce difficile et que légiférer dans une Assemblée dominée par des hommes n'est pas gagné d'avance, et que le discours politique qui introduit l'écriture inclusive ainsi que toutes formes langagières féminisées risque de ne pas avoir que des adeptes. La féminisation des mots est aussi et surtout une question de pouvoir. Et pourtant cela n'a aucun sens d'un point de vue juridique ou grammatical, mais cela montre que l'état est masculin, et par extension que le français est une langue de pouvoir.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe