2.2.3 Jacques Chirac
Jacques Chirac, cinquième président
français de la Ve République, a gouverné la France pendant
douze ans de 1995 à 2007. Homme politique de la première heure il
a, avant de devenir président, partagé à de nombreuses
occasions sa vision de la femme. En 1978 il déclarera « Pour
moi, la femme idéale, c'est la femme corrézienne, celle de
l'ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne
s'assied jamais avec eux et ne parle pas ». On constate ici qu'il
limite largement le rôle de la femme : elle doit tenir son foyer et
être au service de l'homme. Il semble donc considérer qu'il existe
une hiérarchie entre les sexes. Il est toutefois intéressant de
noter qu'il précise que ces femmes là font partie de «
l'ancien temps » indiquant en cela qu'il est conscient que la condition de
la femme a changé. Preuve en est, alors premier ministre, il est
confronté par Margaret Thatcher, première ministre du Royaume
Unis, au sujet du remboursement d'une partie de la contribution anglaise au
budget de l'Union Européenne. Cette rencontre donnera lieu à une
des gaffes politiques les plus
48
célèbre : pensant que son micro est
éteint Jacques Chirac s'exclamera « Mais qu'est-ce qu'elle me
veut de plus cette ménagère15 ? Mes couilles sur un
plateau ?».( Bouys, 2019)
L'emploi du terme mégère, qui
désigne une femme acariâtre et méchante, n'est pas anodin.
En effet, les femmes puissantes sont souvent stéréotypées
et victimes de clichés parmi lesquels le fait qu'une femme de pouvoir
est forcément dures et intransigeantes. Il est intéressant de
constater que, même Président, Jacques Chirac n'a jamais
caché sa vision « vieillotte » de la femme. Allant parfois
jusqu'à taquiner le sexe féminin comme en 2008 lorsqu'il dira
à une amie « Je vous confie Bernadette et ce que j'ai de plus
précieux : mon chien Sumo ». Certains de ses propos doivent
toutefois être modérés car il ne faut pas oublier que
Jacques Chirac était réputé pour son humour
franchouillard.
Dans cette partie du mémoire nous analyserons les
discours politiques de Jacques Chirac sous l'angle de l'écriture
inclusive. Cette analyse nous permettra de voir si ses discours
reflètent sa vision de la femme et si cette dernière a
évolué au cours de ses mandats.
Pour répondre à ces questions nous avons
sélectionné trois discours situés à des moments
différents de ses mandats. Nous entamons notre étude par le
discours de 16 juillet 1995.
? Discours du 16 juillet 1995
1995 est la première année de présidence
pour Jacques Chirac. Analyser un discours prononcé à cette
période est donc intéressant car nous pourrons ainsi en
déduire à la fin de notre étude le concernant, si ses
années de présidence vont impacter ses discours en termes de
féminisation.
Pour l'heure, Jacques Chirac est loin de féminiser ses
discours. Le substantif « monsieur » est employé
quatre fois pour désigner les métiers de maire, président,
ambassadeur et rabbin ; à l'inverse, le substantif « madame
» n'est pas du tout employé. Cela prouve que la
majorité des postes sont occupés par des hommes. Cela
dénote également que les rares femmes présentes à
ses côtés sont gardées dans l'ombre. En ce qui a trait au
nom de métier, Jacques Chirac ne les féminise pas comme l'indique
l'utilisation par deux fois du terme « policiers » en lieu et place
de « policiers et policières ». Cette non-intégration
des femmes dans le domaine professionnel renvoie possiblement la femme à
la place qui lui revient selon le Président : son foyer.
15 Ou mégère selon les sources
49
Le terme « les français » est
employé sept fois, tandis que « les françaises
» n'est pas du tout utilisé. En s'adressant au peuple
français, le Président ne considère pas la femme comme
destinataire de ses propos. Cette idée est renforcée par le fait
qu'il évite d'employer des termes génériques comme «
peuple, population, personnes... ». Le discours est masculinisé et
Jacques Chirac multiplie le recours au pronom personnel « nous »
(répété sept fois) pour s'inclure dans le discours et
mettre en exergue le fait qu'il est un homme parmi les hommes.
La femme n'étant pas considérée comme
réceptrice principale de l'information, cette élocution n'est pas
riche en termes de féminisation. Néanmoins, l'ancien chef d'Etat
évoque les femmes en recourant deux fois aux possessifs «
celles » et une fois aux mots « femme » et
« mesdames », seul réelle occurrence d'implication de
la femme comme destinataire.
La lecture de ce premier discours nous permet de conclure que
le Président n'était pas très impliqué dans des
considérations féministes au début de sa
présidence. Son discours est majoritairement tourné vers un
public masculin comme le souligne le tableau ci-dessous qui récapitule
la non féminisation de ce discours de 16 juillet 1995.
Tableau : comparatif des mots féminins/masculins
dans le discours du 16 juillet 1995
Féminins
|
Nb de fois
|
Masculin
|
Nb de fois
|
Mesdames
|
1
|
Messieurs
|
1
|
Citoyennes
|
0
|
Citoyens
|
0
|
Françaises
|
0
|
Français
|
7
|
Femmes
|
1
|
Hommes
|
1
|
Elles
|
0
|
Ils
|
0
|
Celles
|
2
|
Ceux
|
2
|
Madame
|
0
|
Monsieur
|
7
|
Toutes
|
0
|
Tous
|
0
|
Jeunesse
|
1
|
|
|
Féminisme
|
0
|
|
|
Parité
|
0
|
|
|
Égalité
|
0
|
|
|
50
? Discours 16 avril 1999
Dans ce discours du 16 avril 1999, Jacques Chirac participe
à la troisième conférence européenne
consacrée à la participation équilibrée des femmes
et des hommes dans les prises de décision. Ces conférences, dont
la première a eu lieu à Athènes en 1992 et la seconde
à Rome en 1996, ont permis de développer la notion de
mixité en Europe. L'ancien chef d'Etat, y aborde « la
nécessité de promouvoir le partage des responsabilités
entre hommes et femmes au sein de l'environnement familial, professionnel et
politique et sur le projet de révision constitutionnel pour
l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions
électives ». Ce discours qui fait clairement appel à
l'égalité des sexes est un discours adressé aux deux sexes
et nous pouvons le qualifier de féministe.
L'ancien président commence son discours par «
Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les
Parlementaires, Mesdames, Messieurs » montrant un revirement par
rapport à son discours de 16 juillet 1995 qui commençait,
rappelons-le, par « « Monsieur le Maire, Monsieur le
Président, Monsieur l'Ambassadeur, Monsieur le Grand Rabbin, Mesdames,
Messieurs, ». Ici, le sexe féminin est clairement inclus dans
son discours et les postes de pouvoir occupés par les femmes ne sont pas
éludés.
Le pronom personnel à la première personne du
singulier « je » est répété quatorze fois. Cette
insistance semble indiquer que l'ancien président souhaite prouver son
implication pour ce sujet de première importance qu'est
l'égalité femme homme. L'emploi du « je » le place au
coeur du débat et démontre son engagement féministe. Le
pronom personnel à la première personne de pluriel « nous
» est, quant à lui, répété sept fois pour
montrer que cet engagement doit être partagé par la
société civile. Cet engagement est très visible à
travers le recours insistant du substantif « femme » qui est
répété quarante-deux fois (contre quatorze pour le
substantif « homme »). La femme est donc valorisée dans ce
discours visant à défendre ses droits.
L'utilisation des deux mots manifeste une volonté de
changement : le terme « féminisme » est
utilisé à deux reprises et le terme « féminin
» à cinq. Jacques Chirac encourage l'avènement d'une
société plus égalitaire, ce qui implique une
évolution des conditions de vie de la femme. Il partage alors une liste
de propositions visant à faire évoluer les mentalités. Les
premières propositions touchent la sphère familiale comme le
souligne la citation suivante « le partage équilibré des
responsabilités entre parents ne se fait toujours pas correctement dans
nos sociétés ». L'ancien président propose donc
un partage plus équitable des tâches pour éviter
51
que la femme n'assume seule cette responsabilité,
limitant ainsi ses possibilités d'évolutions dans d'autres
sphères de la société. Les secondes propositions touchent
la sphère professionnelle. Ainsi, Jacques Chirac plaide pour
l'intégration de la femme au monde du travail : « le changement
vient de l'engagement des femmes dans la vie professionnelle » ; «
j'ai déjà souligné l'importance de l'engagement des femmes
dans la vie professionnelle. ». Ces deux déclarations montrent
que le discours est bien réfléchi : les mots sont choisis avec
soin et des termes clés sont répétés pour renforcer
le propos. Le mot « égalité » est
répété deux fois et « mixité »
quatorze fois ce qui indique que l'égalité passe par la
mixité, donc la présence égalitaire des deux sexes dans
les différentes activités de la société civile.
Cette idée est renforcée par la répétition de
l'expression « engagement des femmes dans la vie politique »
qui insiste sur les valeurs d'égalité des sexes que Jacques
Chirac souhaite transmettre.
En 1999, alors que les mentalités sont toujours
masculines, Jacques Chirac décide donc de « corriger les
inégalités » pour viser une sorte d'idéal
sociétal, souligné par le recours à
l'énumération : « Une démocratie
féminisée, une démocratie rénovée,
renouvelée, permettra d'ouvrir plus largement la voie à d'autres
changements, qui modifieront la vie professionnelle et familiale des
Françaises et des Français. ». Pour appuyer cette
volonté d'une démocratie équilibrée, le
président répètera ce terme quatre fois et utilisera les
mots « mesdames » et « messieurs » de manière
égale.
Cette notion d'idéal à atteindre est une fois de
plus perceptible à la fin de son discours lorsqu'il qualifie la
mixité de la façon suivante : « Mesdames et Messieurs,
la mixité n'est pas une mode. Beaucoup plus qu'une simple revendication
». Pour Jacques Chirac, la démocratie ne peut que sortir
grandie d'un essor de la mixité qui implique un plus grand respect des
droits de l'Homme.
Bien qu'il soit « essentiel d'installer la
mixité au coeur de nos démocraties », Jacques Chirac
reconnait l'existence d'un plafond de verre. Ainsi, ce n'est pas parce que les
femmes font des études qu'elles disposent des mêmes chances que
les hommes, mais cela « donne des raisons d'espérer de nouveaux
progrès ». Pour prétendre à une
société égalitaire le chemin sera donc long et
nécessitera une lutte contre la marginalisation féminine ainsi
qu'un accompagnement de leur développement : « Elles doivent
être mieux acceptées, mieux préparées et mieux
organisées pour que les femmes ne soient pas pénalisées.
». Ce n'est qu'à ce prix qu'elles pourront un jour
prétendre aux mêmes chances que les hommes.
52
Cette évolution sociétale implique
également que le monde politique montre l'exemple. Jacques Chirac
appelle donc à une plus grande intégration de la femme dans la
vie politique : « L'égal accès des hommes et des femmes
à la vie politique s'inscrit dans cette perspective » ; « Il y
a quatre ans, j'avais indiqué aux Français que je faisais mien
l'objectif de la parité pour la représentation des femmes en
politique ». Cette volonté paritaire s'exprime à
travers la répétition du terme « parité
», utilisé à six reprises dans ce discours.
Pour terminer l'analyse de ce discours en faveur des droits
des femmes, nous devons signaler que, malgré ses efforts, certains
aspects de son discours ne sont pas inclusifs. Ainsi, il répète
deux fois « les français » et une seule fois « les
françaises ». Même constat pour l'indéfini «
chacun » qui est répété deux fois, tandis que «
chacune » n'est utilisé qu'une seule fois. Enfin, « toute
» n'est pas utilisé contrairement à « tous » qui
est employé quatre fois. Il n'en demeure pas moins que ce discours est
un véritable appel à la lutte pour l'égalité des
sexes.
Tableau : comparatif des mots féminins/masculins
dans le discours du 16 juillet 1995
Féminins
|
Nb de fois
|
Masculin
|
Nb de fois
|
Mesdames
|
4
|
Messieurs
|
4
|
Toutes
|
0
|
Tous
|
2
|
Françaises
|
1
|
Français
|
2
|
Femmes
|
42
|
Hommes
|
14
|
Elles
|
10
|
Ils
|
1
|
Chacune
|
1
|
Chacun
|
2
|
Mixité
|
14
|
|
|
Celles
|
1
|
Ceux
|
2
|
Engagement
|
4
|
|
|
Féminisme
|
2
|
|
|
Féminin
|
5
|
Masculin
|
4
|
Parité
|
6
|
|
|
Egalité
|
2
|
|
|
? Discours 14 novembre 2005
Comme nous venons de le voir, le discours de Jacques Chirac de
1999 montre un tournant dans la mentalité du Président. Mais ce
nouvel élan vers plus d'égalité homme/femme se
maintient-il dans le temps ? Pour répondre à cette question, nous
analyserons le discours du
53
14 novembre 2005 ; discours que nous pouvons qualifier de
discours de fin de carrière, car il fut prononcé deux ans avant
la fin du second mandat de Jacques Chirac.
La neutralité du discours se remarque dès la
première lecture. L'ancien chef d'Etat évite de s'adresser
à une catégorie spécifique d'individus. Il utilise donc
des expressions générales comme « la
société française ; la communauté française
» ou encore « nos compatriotes » qu'il
répète quatre fois ainsi que « les personnes »
qu'il répète deux fois. Il n'emploi pas une fois les substantifs
« femme » et « homme ».
Il a néanmoins recours à des mots de forme
masculine : il emploi l'indéfini « chacun » huit fois
et une seule fois « chacune » ; constat identique pour
l'indéfini « tous » qui est employé quatre
fois pour désigner soit les hommes soit toute la population
française ; l'indéfini « toute(s) » n'est pas
utilisé. Quand aux pronoms personnels, « ils »,
celui-ci est employé huit fois, tandis que « elles »
est absent du discours. Enfin, le démonstratif « ceux
» est répété trois contre zéro fois pour
le démonstratif « celles ». Ce discours élude
donc la présence des femmes et marque un retour en arrière en
termes d'écriture inclusive.
Bien que les notions d'« engagement » de
« valeurs » et d' « égalité »
soient citées, cela n'est pas gage de son féminisme ou de
son engagement. Preuve en est, comparativement à son discours de 1999,
lors duquel l'ancien chef d'Etat a féminisé les noms de
métiers, ceux-ci sont ici uniquement présentés sous leurs
formes masculines « Et je veux rendre hommage aux forces de l'ordre,
aux policiers, aux gendarmes, aux pompiers, aux maires et aux élus, aux
magistrats, aux travailleurs sociaux, aux enseignants ». Aucune
profession n'est féminisée, la femme semble de nouveau exclue de
la langue et de la société de Jacques Chirac.
54
Tableau : comparatif des mots féminins/masculins
dans le discours du 14 novembre 2005
Féminins
|
Nb de fois
|
Masculin
|
Nb de fois
|
Mesdames
|
0
|
Messieurs
|
0
|
Citoyennes
|
0
|
Citoyens
|
1
|
Françaises
|
1
|
Français
|
2
|
Certaines
|
0
|
Certains
|
1
|
Femmes
|
0
|
Hommes
|
0
|
Elles
|
0
|
Ils
|
8
|
Celles
|
0
|
Ceux
|
3
|
Chacune
|
1
|
Chacun
|
8
|
Toutes
|
0
|
Tous
|
4
|
Filles
|
1
|
Fils
|
1
|
Féminisme
|
0
|
|
|
Valeurs
|
2
|
|
|
Égalité
|
1
|
|
|
Engagement
|
2
|
|
|
La société française
|
1
|
Les jeunes
|
2
|
La communauté française
|
1
|
|
|
Compatriotes
|
4
|
|
|
Les personnes
|
2
|
|
|
Travailleuses
|
0
|
Travailleurs
|
1
|
Pompières
|
0
|
Pompiers
|
1
|
Enseignante
|
0
|
Enseignants
|
1
|
Policières
|
0
|
Policiers
|
1
|
Elues
|
0
|
Elus
|
1
|
? Les raisons de l'ambivalence du président quant
à la condition féminine
L'étude des trois discours ne permet pas de
déterminer l'orientation féministe de Jacques Chirac dans la
mesure où l'ancien Président n'est pas clair dans ses
engagements. Nous constatons un élan féministe en 1999,
élan qui s'amenuise à mesure que passe son mandat. Alors quelles
raisons peuvent expliquer ce féminisme exacerbé de 1999 ? La
première étant que l'année 1999 fut marquée par la
tenue de la troisième Conférence Européenne
consacrée à la participation équilibrée des femmes
et des hommes à la prise de décision. Et la seconde raison
s'explique par l'adoption le 08 juillet 1999, par le gouvernement Jospin, de la
Loi relative à l'égalité entre les femmes et les hommes
qui « favorise l'égal accès des femmes et
55
des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives » (les grandes étapes de la parité en
politique, 2000). Pour mieux comprendre l'ambivalence de l'ancien
Président quant à la place de la femme dans la
société, nous allons l'étudier sous différents
angles pouvant expliquer ses choix.
Commençons par analyser le rôle joué par
la famille et l'entourage dans la personnalité de Jacques Chirac. Nous
allons nous attarder sur les femmes qui sont entrées dans sa vie et
l'ont influencé. Elles sont nombreuses car il était de
notoriété publique que Jacques Chirac était « un
amoureux des femmes très séducteur » (Deliere, 2019).
En premier lieu nous pouvons citer celle qui l'a accompagné pendant 63
ans, sa femme Bernadette Chirac. Elle a vécu toutes ses aventures
politiques et personnelles et l'a toujours soutenu comme elle le confirmera
d'ailleurs elle-même : « Il sait qu'il peut compter mon appui et
mon militantisme » (Guinhut, 2019). Cette même femme, source de
force pour l'ancien président, fit preuve dans sa vie conjugale de
beaucoup de résilience. Alors même qu'elle avait connaissance des
relations extraconjugales de son mari, elle n'envisagea jamais de le quitter
: « elle en a toujours été consciente et a fait en sorte
de vivre avec » (Deliere, 2019). Cette forme de soumission a pu
renforcer chez Jacques Chirac l'idée selon laquelle la femme n'est pas
l'égale de l'homme et a pour mission principale de s'occuper de sa
famille et de lui être fidèle coûte que coûte. Du
propre aveu de Bernadette Chirac, son mari ne la considérait pas
à sa juste valeur : « Vous savez mon mari, il n'est pas commode
tous les jours. Quand il déjeune avec moi, même maintenant qu'il a
pris sa retraite (...), il me dit : "Bah, qu'est-ce que vous avez fait ce matin
?" Il n'attend pas la réponse et il me dit : "Rien ! Comme d'habitude"
» (Guinhut, 2019). Il est difficile d'attendre d'un homme qui ne
respecte pas sa propre femme qu'il défende la cause féminine.
A l'inverse, sa fille Claude Chirac a joué un
rôle primordial dans sa carrière politique comme le souligne
Deliere (2019) : « elle travaille comme conseillère en
communication et occupe également le siège de présidente
de la fondation Chirac ». La propre fille de Jacques Chirac
était donc un exemple de femme active, travailleuse et moderne. Elle
l'aide même à gagner les élections présidentielles,
et lui montre ainsi qu'une femme peut être l'égale d'un homme
même dans un milieu réputé masculin. Elle se charge de la
gestion de son image en 1988 puis devient responsable de sa stratégie de
communication avant de prendre le poste de conseillère en communication
après son élection de 1995 (Namias, 2009). Cette relation
père/fille explique certainement que Jacques Chirac est loin
d'être réfractaire à l'évolution de la condition
féminine.
56
L'étude de la psychologie de Jacques Chirac permet
d'établir qu'il s'agit d'une personne équilibrée qui
accorde beaucoup d'importance à l'avis des autres et cherche le
compromis. Ce trait de caractère est loué par Charles Pasqua dans
Le Figaro : « Jacques Chirac n'est pas notre chef, il est
notre leader. Un chef commode et les autres obéissent. Un leader
propose, écoute, et en fonction de ce qu'il croit être la bonne
voie, arrête sa position. On peut discuter avec un leader et pas avec un
chef » (Collovald, 1990, p. 880). Jacques Chirac était
également connu pour sa franchise. Cela ne le dérangeait pas de
se livrer quoi qu'en pense les autres, comme le souligne Namias en 2009 dans
l'ouvrage Perles de Chirac : « c'est l'aspect le plus
surprenant de son livre, Jacques Chirac n'hésite pas à aborder
des sujets plus personnel » (Namias F, 2009). Si Jacques Chirac ne
craint pas les critiques nous pouvons en conclure que ses discours
reflètent purement et simplement son positionnement eu égard
à la condition féminine. Nous ne pouvons pas qualifier Jacques
Chirac de féministe ni dire de lui qu'il s'opposait à
l'égalité homme/femme. Nous sommes en accord avec les propos de
Le Vern (2019) qui dit de lui que « ce n'était pas une figure
sexualisée mais une figure familiale marquée par la
neutralité, pas menaçante pour le sujet. »
? Un féminisme
différentialiste
Jacques Chirac peut être qualifié de
féministe différentialiste, c'est-à-dire de
féministe qui « cherchent à valoriser le corps
féminin et les vertus qui en découlent, notamment celles
amenées par le cycle menstruel et la maternité »
(Denayrouse et Grosjean, 2019). Ce féminisme explique qu'il ait
proposé d'instaurer un salaire maternel correspondant à une
rémunération des mères au foyer par l'Etat.
Il est intéressant de constater que, tout en valorisant
la place de la femme au foyer au sein de la société, il encourage
un mouvement de féminisation politique dès son élection en
tant que premier ministre : « le gouvernement Chirac, constitué
le 27 mai 1974, comprend trois femmes, dont une ministre à part
entière, établissant ainsi un double record. Tandis que Simone
Veil est ministre de la Santé, Annie Lesur et Hélène
Dorlhac de Borne sont secrétaires d'État, la première
à l'Enseignement préscolaire, la seconde à la Condition
pénitentiaire. Un mois et demi plus tard, la nomination de
Françoise Giroud à la tête du secrétariat
d'État à la Condition féminine, porte à quatre le
nombre de femmes dans l'équipe (10,8 %). » (Sineau, 2020).
Jacques Chirac ne cessera d'encourager la parité. Son
gouvernement passera de 10,8% de femmes en 1974 à 26% lors de son
premier mandat présidentiel et 38% lors du second. C'est
57
un bon énorme en comparaison du gouvernement Mitterrand
de 1993-1995 qui ne comptait que 3 femmes sur les 30 postes à pourvoir.
De plus, quatre femmes seront élues à la tête de
ministères : Élisabeth Hubert sera ministre de la Santé
publique et de l'Assurance maladie, Colette Codaccioni sera ministre de la
Solidarité entre les générations, Corinne Lepage prendra
la tête du ministère de l'Environnement et enfin Françoise
de Panafieu dirigera le Tourisme.
Tableau : les femmes au gouvernement de Jacques Chirac
Période
|
Effectif total
|
Nombre de femmes
|
% de femmes
|
1995 - 1997
|
46
|
12
|
26
|
1997 - 2001
|
44
|
14
|
38
|
58
|