* Bernard CHARLOT18, dans son
livre, Le rapport au savoir en milieu populaire, définit le
rapport au savoir comme l'ensemble (organisé) de relations qu'un sujet
humain (donc singulier et social) entretient avec tout ce qui relève de
`'l'apprendre» et du `'savoir» : objet, contenu de pensée,
activité ; relation personnelle, lieu, personne, situation, occasion,
obligation, etc., liés en quelques façons à l'apprendre et
au savoir.
Il montre par cette définition que le rapport au
savoir ne se réduit pas aux relations que nous entretenons avec des
apprentissages ou avec des savoirs, mais Il se construit également
à travers nos projets d'avenir, nos aspirations professionnelles et
sociales, nos réponses à des sollicitations de l'entourages.
Cette analyse nous amène à aborder dans un premier temps
l'expérience scolaire des parents Babongo avant que d'aborder le rapport
au savoir chez les enfants Babongo de Matagamatsengue.
* Jacky BEILLEROT19, quand
à lui dans son livre Pour une clinique du rapport au savoir,
parvient à montrer que le rapport au savoir est avant tout un
processus jamais figé, qui évolue tout le long de la vie, le
rapport au savoir est à la fois un rapport de sens et relation de
valeur, c'est-à-dire qu'une personne valorise ce qui a du sens pour
elle, et à l'inverse, elle donne du sens à ce qui
représente de la valeur pour elle.
Selon Jacky Beillerot, la réussite scolaire d'un
élève dépend du sens que celui-ci donne à ses
études. Cette analyse nous intéresse en ce quelle place
l'élève (l'individu) au centre de sa réussite ou de son
échec scolaire.
* François DUBET20, dans
son livre sur l'expérience sociologique, s'efforce de montrer
comment la sociologie se pose sans cesse les mêmes questions, construit
des réponses qui relèvent autant de choix théoriques que
de la nature des conflits, des débats et des expériences que la
sociologie doit dégager des routines sociales de la vie. La sociologie
y
18 Bernard Charlot, (1999), Le rapport au savoir
en milieu populaire. Une recherche dans les lycées professionnels de
banlieue. Paris, Edition Economica.
19 Jacky Beillerot, (1996), Pour une clinique du
rapport au savoir, Paris, L' harmattan.
20 François Dubet (2007),
L'expérience sociologique, Paris, la Découverte.
18
apparait moins comme une doctrine, que comme une aventure
intellectuelle et une manière de définir l'action sociale par des
choix de méthodes.
Selon Dubet, « si l'on part de l'hypothèse que
les acteurs sont des acteurs et qu'ils possèdent donc des
capacités d'actions et de réflexions, se
sont-elles que le chercheur doit mobiliser plutôt que se conférer
un monopole du sens qui ne risque guère de lui être
contesté par ceux qu'il étudie, car il est rare qu'ils lisent ces
ouvrages ou ces articles ».
Cette approche de Dubet propose que ce soit en observant les
acteurs que l'on peut comprendre dans quelle société nous vivons,
plutôt que d'inférer mécaniquement le sens d'une action du
contexte où elle se forme. En outre, le principe d'autonomie conduit les
acteurs à ne pas se considérer comme des victimes (jouet de
destin final), mais comme acteurs de la construction de leur propre vie.
L'approche que développe Dubet ici, nous parait
très pertinente pour notre étude car elle met en avant l'acteur
capable d'agir, de réagir et parfois d'inventer des réponses.
*Marie DURU-BELLAT, contrairement à
Dubet, met l'accent sur l'effet-établissement. Pour
elle, les causes de l'inégalité des chances scolaires doivent
être recherchées au sein de l'établissement car chaque
établissement, ayant un mode particulier de fonctionnement et
d'organisation (spécificité de management), influence fortement
le rendement scolaire des élèves.
Ici, l'idée qui se dégage est celle des
contextes scolaires variés et inégaux, qui favorisent une
inégalité de réussite au profit des familles qui usent de
stratégies en inscrivant leurs enfants dans des contextes plus
favorables à la réussite.
Cette perspective est pertinente pour notre étude en
ce qu'elle relève la diversité des contextes scolaires qui est
aussi plus ou moins observable au Gabon entre les «
établissements du centre et ceux de la périphérie
» 21ou encore entre ceux des zones urbaines et ceux des
zones rurales.
21Orphée Martial Soumaho Mavioga et Dany
Daniel Békale, (2017) « Offre scolaire au Gabon et
problématique de l'inégalité des chances dans
l'enseignement primaire », Romaric Franck Quentin de Mongaryas (dir.)
refonder l'école gabonaise : enjeux et perspectives, Saint
Denis, Publibook.
19
20
Notre étude se déroule en zone rurale, et
à l'épreuve des observations de terrain, il se lit une forte
disparité scolaire qui se traduit en termes de structures scolaires,
d'enseignants et d'outils pédagogiques. L'environnement scolaire dans
cette zone rurale pose des limites dans la réussite scolaire des
apprenants.
* Pierre MERLE22, pour sa part,
envisage de comprendre les phénomènes de mobilisation et de
découragement scolaire à partir de l'expérience subjective
des élèves. Selon lui, ce qui pourrait être à la
base de l'inégalité de chance scolaire d'après les
élèves eux-mêmes est l'effet maître,
c'est-à-dire l'interaction entre maître et
élève.
Dans son étude, il montre que les élèves
ne sont poussés à travailler que dans la mesure où les
compétences rationnelles et didactiques des professeurs ont une
influence positive sur les élèves. Dans ce cas, le maître a
une part de responsabilité de bons ou de mauvais résultats des
élèves. En d'autres termes, il est à l'origine de la
performance de ces derniers.
Par ailleurs, la précarité qui touche les
maîtres dans les zones rurales ne motive pas celui-ci à
s'intéresser à la réussite scolaire des
élèves. Tout au plus, ils vont veiller à leur donner
l'essentiel des savoirs à acquérir pour un niveau
donné.
* Pierre BOURDIEU et Jean-Claude
PASSERON23 s'intéressent aux logiques de la
reproduction sociale par le biais de l'héritage culturel. Leur
hypothèse centrale était que l'école reproduit les
inégalités sociales à travers les méthodes et les
contenus d'enseignement qui privilégient de manière implicite une
forme de culture propre aux classes dominantes, ce qui désavantage les
élèves issus des classes dominées.
Selon eux, l'école remplit une fonction de
légitimation en transformant les inégalités sociales en
inégalités présentées comme naturelles (d'aptitude,
de goûts, etc.). Pour rendre compte de ce processus qui lie la
performance scolaire au milieu social, ils ont développé la
notion de « capital culturel ». Toujours selon eux, plus le niveau
culturel de la famille est
22 Pierre Merle, (2004), « Mobilisation et
découragement scolaires : l'expérience subjective des
élèves », Education et Société,
n°13. pp.193-208
23 M. Cacouault et F. Oeuvrard, (1995),
Sociologie de l'éducation, 4éme éd, Paris, (`'la
découverte» coll. « Repères »).
élevé, plus l'enfant a des chances de
réussir à l'école du moment où c'est ce capital qui
est valorisé à l'école. Cela revient à dire que le
système éducatif est destiné aux enfants qui dès le
départ possèdent un capital qui leur permet de s'orienter plus
aisément dans le milieu scolaire et de le transformer en diplôme.
Cependant, les enfants issus des milieux défavorisés ont un
capital culturel qui est opposé à la culture valorisée par
l'école dans ces valeurs et son langage, ce qui implique de leur part un
plus grand effort.
Cette approche est très intéressante. Mais sa
principale limite provient du fait qu'elle ne présente que l'implication
de la famille et de l'école sur l'échec qui affecte les
populations d'élèves. Ce qui laisse entendre que les
inégalités de réussite des élèves ne
s'expliquent que par les inégalités de distribution du capital
culturel que médiatisent les dispositions individuelles socialement
déterminées (l'habitus) et donc écarte la
responsabilité de l'élève lui-même.
* Viau ROLLAND24, pour sa part
montre que la « motivation » en contexte scolaire,
est un état dynamique qui a ses origines dans la perception que
l'élève a de lui-même et de son environnement, et l'incite
à choisir une activité, à s'y engager et à
persévérer dans son accomplissement afin d'atteindre un but :
« si un élève ne donne du sens aux activités
scolaires, il ne peut travailler fort ».
Cette étude nous paraît pertinente en ce qu'elle
rejoint, peu ou prou, notre préoccupation dont l'objectif est de
comprendre la persévérance scolaire individuelle
d'élèves appartenant massivement aux mêmes
catégories sociales.