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Rapport au savoir chez les enfants Ba-Bongo du village Matagamatsegue. Enquête sociologique en milieu rural au Gabon.


par Guy Laroche Mombo
Université Omar Bongo - Master II en sociologie 2019
  

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Section 2 : Elaboration de la problématique

Lors d'une investigation de type scientifique, et de sociologie en particulier, la problématique est présentée comme une étape fondamentale entre la rupture et la construction de l'objet. Si l'on se réfère à QUIVY et CAMPENHOUDT, cette phase désigne : « l'approche ou la perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. Elle est l'angle par lequel les phénomènes vont être étudiés, la manière dont on va les interroger »17. L'élaboration de la problématique se réalise en deux grandes étapes. Dans un premier temps le chercheur doit faire le point sur les problématiques antérieur : Celle-ci consiste donc pour nous à recensé les travaux des prédécesseurs et à faire des comparaisons, avant d'expliquer sa propre problématique dans un second temps : adopter un cadre théorique dont on est à mesure de maitriser.

2.1. La revue de la littérature

Dans le but de répondre à la question de savoir d'où surviennent les inégalités scolaires, différentes approches ont été développées par les sociologues. Il est en effet nécessaire de faire une revue de la littérature en ce que cette thématique (d'inégalité scolaire) suppose d'être observée avec distanciation, objectivité et toujours en contexte.

17 Luc Van Campenhoudt et Raymond Quivy, (2011) Op.cit, p 16

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Ainsi, nous vous ferons un bref aperçu de quelques travaux sur cette question dans la sociologie de l'éducation en général, et en référence au contexte gabonais.

2.1.1. Dans la littérature sociologique

* Bernard CHARLOT18, dans son livre, Le rapport au savoir en milieu populaire, définit le rapport au savoir comme l'ensemble (organisé) de relations qu'un sujet humain (donc singulier et social) entretient avec tout ce qui relève de `'l'apprendre» et du `'savoir» : objet, contenu de pensée, activité ; relation personnelle, lieu, personne, situation, occasion, obligation, etc., liés en quelques façons à l'apprendre et au savoir.

Il montre par cette définition que le rapport au savoir ne se réduit pas aux relations que nous entretenons avec des apprentissages ou avec des savoirs, mais Il se construit également à travers nos projets d'avenir, nos aspirations professionnelles et sociales, nos réponses à des sollicitations de l'entourages. Cette analyse nous amène à aborder dans un premier temps l'expérience scolaire des parents Babongo avant que d'aborder le rapport au savoir chez les enfants Babongo de Matagamatsengue.

* Jacky BEILLEROT19, quand à lui dans son livre Pour une clinique du rapport au savoir, parvient à montrer que le rapport au savoir est avant tout un processus jamais figé, qui évolue tout le long de la vie, le rapport au savoir est à la fois un rapport de sens et relation de valeur, c'est-à-dire qu'une personne valorise ce qui a du sens pour elle, et à l'inverse, elle donne du sens à ce qui représente de la valeur pour elle.

Selon Jacky Beillerot, la réussite scolaire d'un élève dépend du sens que celui-ci donne à ses études. Cette analyse nous intéresse en ce quelle place l'élève (l'individu) au centre de sa réussite ou de son échec scolaire.

* François DUBET20, dans son livre sur l'expérience sociologique, s'efforce de montrer comment la sociologie se pose sans cesse les mêmes questions, construit des réponses qui relèvent autant de choix théoriques que de la nature des conflits, des débats et des expériences que la sociologie doit dégager des routines sociales de la vie. La sociologie y

18 Bernard Charlot, (1999), Le rapport au savoir en milieu populaire. Une recherche dans les lycées professionnels de banlieue. Paris, Edition Economica.

19 Jacky Beillerot, (1996), Pour une clinique du rapport au savoir, Paris, L' harmattan.

20 François Dubet (2007), L'expérience sociologique, Paris, la Découverte.

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apparait moins comme une doctrine, que comme une aventure intellectuelle et une manière de définir l'action sociale par des choix de méthodes.

Selon Dubet, « si l'on part de l'hypothèse que les acteurs sont des acteurs et qu'ils possèdent donc des capacités d'actions et de réflexions, se sont-elles que le chercheur doit mobiliser plutôt que se conférer un monopole du sens qui ne risque guère de lui être contesté par ceux qu'il étudie, car il est rare qu'ils lisent ces ouvrages ou ces articles ».

Cette approche de Dubet propose que ce soit en observant les acteurs que l'on peut comprendre dans quelle société nous vivons, plutôt que d'inférer mécaniquement le sens d'une action du contexte où elle se forme. En outre, le principe d'autonomie conduit les acteurs à ne pas se considérer comme des victimes (jouet de destin final), mais comme acteurs de la construction de leur propre vie.

L'approche que développe Dubet ici, nous parait très pertinente pour notre étude car elle met en avant l'acteur capable d'agir, de réagir et parfois d'inventer des réponses.

*Marie DURU-BELLAT, contrairement à Dubet, met l'accent sur l'effet-établissement. Pour elle, les causes de l'inégalité des chances scolaires doivent être recherchées au sein de l'établissement car chaque établissement, ayant un mode particulier de fonctionnement et d'organisation (spécificité de management), influence fortement le rendement scolaire des élèves.

Ici, l'idée qui se dégage est celle des contextes scolaires variés et inégaux, qui favorisent une inégalité de réussite au profit des familles qui usent de stratégies en inscrivant leurs enfants dans des contextes plus favorables à la réussite.

Cette perspective est pertinente pour notre étude en ce qu'elle relève la diversité des contextes scolaires qui est aussi plus ou moins observable au Gabon entre les « établissements du centre et ceux de la périphérie » 21ou encore entre ceux des zones urbaines et ceux des zones rurales.

21Orphée Martial Soumaho Mavioga et Dany Daniel Békale, (2017) « Offre scolaire au Gabon et problématique de l'inégalité des chances dans l'enseignement primaire », Romaric Franck Quentin de Mongaryas (dir.) refonder l'école gabonaise : enjeux et perspectives, Saint Denis, Publibook.

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Notre étude se déroule en zone rurale, et à l'épreuve des observations de terrain, il se lit une forte disparité scolaire qui se traduit en termes de structures scolaires, d'enseignants et d'outils pédagogiques. L'environnement scolaire dans cette zone rurale pose des limites dans la réussite scolaire des apprenants.

* Pierre MERLE22, pour sa part, envisage de comprendre les phénomènes de mobilisation et de découragement scolaire à partir de l'expérience subjective des élèves. Selon lui, ce qui pourrait être à la base de l'inégalité de chance scolaire d'après les élèves eux-mêmes est l'effet maître, c'est-à-dire l'interaction entre maître et élève.

Dans son étude, il montre que les élèves ne sont poussés à travailler que dans la mesure où les compétences rationnelles et didactiques des professeurs ont une influence positive sur les élèves. Dans ce cas, le maître a une part de responsabilité de bons ou de mauvais résultats des élèves. En d'autres termes, il est à l'origine de la performance de ces derniers.

Par ailleurs, la précarité qui touche les maîtres dans les zones rurales ne motive pas celui-ci à s'intéresser à la réussite scolaire des élèves. Tout au plus, ils vont veiller à leur donner l'essentiel des savoirs à acquérir pour un niveau donné.

* Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON23 s'intéressent aux logiques de la reproduction sociale par le biais de l'héritage culturel. Leur hypothèse centrale était que l'école reproduit les inégalités sociales à travers les méthodes et les contenus d'enseignement qui privilégient de manière implicite une forme de culture propre aux classes dominantes, ce qui désavantage les élèves issus des classes dominées.

Selon eux, l'école remplit une fonction de légitimation en transformant les inégalités sociales en inégalités présentées comme naturelles (d'aptitude, de goûts, etc.). Pour rendre compte de ce processus qui lie la performance scolaire au milieu social, ils ont développé la notion de « capital culturel ». Toujours selon eux, plus le niveau culturel de la famille est

22 Pierre Merle, (2004), « Mobilisation et découragement scolaires : l'expérience subjective des élèves », Education et Société, n°13. pp.193-208

23 M. Cacouault et F. Oeuvrard, (1995), Sociologie de l'éducation, 4éme éd, Paris, (`'la découverte» coll. « Repères »).

élevé, plus l'enfant a des chances de réussir à l'école du moment où c'est ce capital qui est valorisé à l'école. Cela revient à dire que le système éducatif est destiné aux enfants qui dès le départ possèdent un capital qui leur permet de s'orienter plus aisément dans le milieu scolaire et de le transformer en diplôme. Cependant, les enfants issus des milieux défavorisés ont un capital culturel qui est opposé à la culture valorisée par l'école dans ces valeurs et son langage, ce qui implique de leur part un plus grand effort.

Cette approche est très intéressante. Mais sa principale limite provient du fait qu'elle ne présente que l'implication de la famille et de l'école sur l'échec qui affecte les populations d'élèves. Ce qui laisse entendre que les inégalités de réussite des élèves ne s'expliquent que par les inégalités de distribution du capital culturel que médiatisent les dispositions individuelles socialement déterminées (l'habitus) et donc écarte la responsabilité de l'élève lui-même.

* Viau ROLLAND24, pour sa part montre que la « motivation » en contexte scolaire, est un état dynamique qui a ses origines dans la perception que l'élève a de lui-même et de son environnement, et l'incite à choisir une activité, à s'y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d'atteindre un but : « si un élève ne donne du sens aux activités scolaires, il ne peut travailler fort ».

Cette étude nous paraît pertinente en ce qu'elle rejoint, peu ou prou, notre préoccupation dont l'objectif est de comprendre la persévérance scolaire individuelle d'élèves appartenant massivement aux mêmes catégories sociales.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius