Rapport au savoir chez les enfants Ba-Bongo du village Matagamatsegue. Enquête sociologique en milieu rural au Gabon.par Guy Laroche Mombo Université Omar Bongo - Master II en sociologie 2019 |
2.2. Champ empirique d'enquêtes2.2.1. Position géographique de l'univers d'enquêteLe champ empirique de notre investigation est le village Babongo Matagamatsengue. Le village Matagamatsengue se situe dans la province de la NGOUNIE, précisément dans le département de la LOUETSI-WANO à 36 kilomètres de LEBAMBA (chef-lieu du département), 34 sur l'axe Malinga-Mourembou.IL est entre le village Mbelnaltembe et Nzingui, à 144 kilomètres de MOUILA : capitale provinciale. Matagamatsengue, nom du village de notre terrain d'investigation, désigne « le début du monde », et le nom des habitants de ce village est « Babongo »qui signifie « Peuple de la forêt ». 2.2.2. Présentation de la population d'enquêteRappelons que la présente investigation a pour objectif de cerner le rapport aux savoirs des enfants d'origine Babongo du village Matagamatsengue. Faisant partie des groupes ethniques minoritaires et étant une communauté aux caractéristiques et attitudes traditionnelles particulières, il est donc nécessaire d'élucider leur mode d'organisation sociale, politique, économique et culturelle dans le but de mieux saisir leur rapport aux savoirs. La population cible de notre travail est d'origine Babongo. Elle est assimilée à ceux qu'on appelle les pygmées du Gabon. De manière générale, les communautés pygmées encore appelée peuples autochtones, sont des peuples `'semi-nomades». Le terme pygmée vient du grec « pugmaois » qui signifie « haut d'une coudée »38. Les communautés autochtones vivent habituellement en petits groupes en forêt et dans des huttes faites en terre battue ou en feuilles. Ils sont souvent marginalisées39 car ils constituent des groupes qui « au niveau social, politique, économique ou culturel sont exclus ou bien opprimés dans la société ou dans leurs communautés».40 Ordinairement, l'éducation de l'enfant dans ces communautés a pour objectif le préparer à devenir autonome. Pour eux, l'enfant est perçu comme l'avenir de demain. Ainsi, il est donc nécessaire qu'il soit éduqué. Dans cette perspective il doit intérioriser les normes et les valeurs du milieu dans lequel il évolue pour assurer la stabilité et la pérennité de la communauté par la préservation du patrimoine culturel, mais aussi pour venir en aide à la 38Noël Jollif. (1992) Les pygmées de la grande forêt. Paris, L'harmattan 39Séverin Cécile Abega, (2006) Marginaux ou marginalisés? Cas des pygmées BAKA. Dans s-c ABEGA & P. Bigombo Logo (eds), la marginalisation des pygmées de l'Afrique centrale, Paris, Maisonneuve et Larose pp. 25-42. 40Abdel Koulaninga, l'éducation chez les pygmées de Centrafrique https://wwwlibrairie siloelarochesuryon.fr/.../1189656-/-éducation-c... famille. La compétence est de ce fait la principale qualité à laquelle l'enfant doit être socialisé ; et à cette dernière, s'ajoutent les qualités morales et le respect des valeurs du groupe. Par ailleurs, l'éducation de ce dernier est assurée par la famille et la communauté, par la participation aux activités économique et culturelle. Sur l'aspect économique, leurs ressources sont souvent tirées de la forêt. La résolution de la question d'alimentation constitue la première préoccupation. Il faut aussi noter qu'il existe une répartition sexuée des tâches : la chasse est généralement virile et la pêche ou la cueillette est réservée aux femmes, bien que cette distribution des tâches ne soit pas toujours figée. En effet, cette structuration basée sur un mode de vie communautaire et sur un système de parenté et de classe d'âge41, participe elle aussi au maintien des valeurs et des techniques qui leur permettent de vivre dans une parfaite harmonie avec leur milieu. De plus, l'autorité dans cette communauté revient à un ancien qui dispose du savoir spirituel et a la charge de veiller au bien-être et à la protection des membres de son groupe : épauler par un conseil de sage, il règle principalement les questions d'initiation et de maladie, puis les litiges, la question du mariage, etc. Par ailleurs, la communauté qui nous intéresse ici fréquente l'école bien avant les années 1980 et a quitté la forêt (le bord de la Ngounié42) pour construire l'actuelle Matagamatsengue en 1984 afin de se rapprocher de la route et vivre à proximité de leurs voisins bantous. Vivant désormais dans un contexte opposé à celui de leur milieu d'origine (la forêt), cela a entrainé un bouleversement profond de leur mode de vie ; dans la mesure où ils s'intègrent aujourd'hui dans un milieu dit moderne qui implique une autre organisation et surtout l'adoption d'une nouvelle langue (le français). Cependant, Tout en respectant leurs valeurs ancestrales et leur rapport à la forêt, ils tentent de faire corps avec leur nouveau milieu et ses implications. Ainsi, ils découvrent progressivement certaines choses qui agrémentent l'existence des enfants d'autres groupes ethniques, telle que l'école. Et ne pouvant résister à la modernité, ils décident de faire comme les autres : 41Fondaf bipindi, (2011) Scolarisation des enfants pygmées Bagyeli au Cameroun. Solidarités. Info/scolarisation : https://parrainages.Org>enfants-cameroun 42 Le bord de la Ngounié est le lieu du dernier village dans la forêt où ils ont été avant de rejoindre les communautés bantoues. Ce lieu sert aujourd'hui de zone de chasse et de pèche. 35 «Nous avons observé comment les autres envoyaient leurs enfants à l'école, et nous aussi, nous avons décidé de le faire pour qu'ils se transforment aussi » (chef du village Matagamatsengue). Contrairement à la communauté Bagyeli43 du Cameroun, ils participent à la vie politique nationale (par le vote lors des élections), aux mutations sociales, ils se savent gabonais (par leur acte de naissance pour certains et d'autres par leur carte d'identité) et tout comme les Bakoya44dans l'Ogooué-Ivindo, plusieurs d'entre eux ont épousé des femmes bantou et ont adopté les mêmes pratiques agricoles que les non pygmées (notamment le manioc) et il habitent désormais dans des maisons construites avec les mêmes matériaux qu'utilisent les bantou. Au regard de ce qui précède, on se rend compte que l'image véhiculée sur les communautés autochtones (communauté marginalisée) ne s'observe plus de la même manière chez celle-ci, d'une contré à une autre. Enfin, dans le cadre de cette analyse, notre population cible est constituée de trois catégories d'enquêtés. La première est composée des élèves âgés de 9 à 25 ans dont la majorité est inscrite à l'école publique de Nzingui. La seconde, des chefs de familles et la troisième catégorie est constituée d'enseignants de l'école publique de Nzingui et du président de l'Association des Parents d'Elèves (APE) de cette école (le président de l'APE nous intéresse du fait qu'il soit du village Matagamatsengue).Par ailleurs, nous précisons que la première et la seconde catégorie d'enquêtés sont celles qui nous intéressent principalement. En effet, la taille de notre échantillon est de 28 individus dont 10 élèves inscrits à l'école primaire de NZINGUI, 4 collégiens, 11 chefs de famille, 2 enseignants de l'école primaire de NZINGUI et le président de l'APE, tous de sexe confondu. 43 Fondaf bipindi, (2011) Scolarisation des enfants pygmées Bagyeli au Cameroun. Solidarités. Info/scolarisation : https://parrainages.Org>enfants-cameroun 44 Soengas Lopez. B (2010) La subsistance des pygmées Bakoya à l'épreuve de l'agriculture : dynamique des savoirs ethnobotaniques et des pratiques (Département de la Zadié, Ogooué-Ivindo, Gabon) : http://halarchives ouvertes.fr/docs/00/48/02/70/PDF/manuscrit thèse Seoengas. Pdf 36 37 Tableau n°8 : Effectifs de l'école de Nzingui par niveau et par sexe selon leurs origines
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019 Selon les données de terrain représenté dans le tableau, on observe que la population d'élèves de l'école de Nzingui est composée d'enfants d'origine bantou et Babongo (autochtone), mais aussi qu'il existe un équilibre entre ces deux catégories d'élèves (25 bantous et 26 Babongo). Et contrairement à tous les autres niveaux, La classe de 5ème année est composée de 3 garçons d'origine Babongo uniquement. En effet, sur les 26 élèves d'origine Babongo, 10 ont été disposé à passer des entretiens avec nous. Tableau n°9 : Effectifs des enquêtés par sexe
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019 Ce tableau nous montre que les garçons et les chefs de familles de sexe masculin sont ceux qui ont majoritairement accepté de passer des entretiens, plus précisément 11 garçons contre 3 filles et 9 hommes contre 2 femmes. |
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