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Dette extérieure et performance économique en Afrique subsaharienne.


par Landry Arnold YOUBI POUEPI
Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences économiques option Macroéconomie ouverte 2019
  

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CHAPITRE I :

ANALYSE THÉORIQUE DE LA RELATION DETTE EXTÉRIEURE ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE

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DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

INTRODUCTION

L'atteinte d'une croissance économique à deux chiffes est devenue depuis quelques années l'objectif phare des économies africaines. Dans cette optique l'ensemble des gouvernements du continent ont commencé à mettre en place un ensemble de réformes pour réduire ou éliminer dans leurs pays respectifs toutes les entraves spécifiques à l'atteinte de cet objectif notamment à travers plusieurs mesures parmi lesquels, la lutte contre la corruption, l'amélioration du climat des affaires, l'élaboration d'un plan de croissance qui a été communément appelle le document de stratégie pour la croissance économique, la gestion de la dette extérieure. Ainsi, en ce qui concerne la dette extérieure, ses effets sur la croissance ont fait l'objet d'une attention particulière en ce sens que les arguments selon lesquels l'endettement extérieur favorise la croissance impliquent généralement que l'aide étrangère joue un rôle complémentaire à l'épargne intérieure et donc à la mobilisation des ressources, à l'accumulation de capital et à l'industrialisation. En revanche, ceux suggérant une relation négative entre l'endettement extérieur et la croissance soulignent à quel point l'épargne intérieure est évincée par le flux de l'aide étrangère.

Parler de la dette extérieure revient ici donc à se focaliser sur le rôle qu'elle joue dans l'évolution des taux de croissance des économies. Aussi, l'objectif du présent chapitre est de mettre en évidence l'influence de la dette extérieure sur la croissance économique. En particulier, il s'agit de montrer sur le plan théorique les effets de la dette extérieure sur la croissance économique. Pour ce faire, nous présenterons dans un premier temps les effets de la solvabilité de la dette extérieure sur la croissance économique (Section I) et dans un second temps, nous analyserons les effets de la soutenabilité de la dette extérieure sur la croissance économique (Section II).

SECTION I : INFLUENCE DE LA SOLVABILITÉ DE LA DETTE EXTÉRIEURE SUR LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE

La solvabilité est source de croissance économique. Elle vise à créer un environnement macroéconomique, un cadre institutionnel et juridique propice à l'investissement, à la création d'emplois, à une gestion efficace et efficiente des ressources publiques. Cette approche, qui fonde la vision des pays riches, des institutions financières internationales (IFI) et des économistes orthodoxes, envisage un traitement de la dette dont le but unique est de permettre aux créanciers de récupérer la plus grande partie des sommes prêtées, étant entendu que les effets de la crise d'endettement empêchent les pays débiteurs de rembourser la totalité de leurs dettes (Berr et Combarnous, 2005 ; Berr, Combarnous et Rougier, 2008). Dans cette optique,

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de nombreux arguments s'élèvent en faveur de la mise en oeuvre de réformes économiques qui doivent contribuer à garantir la « liberté économique » puisque celle-ci a des effets positifs sur la croissance économique (De Haan et Sturm, 2000 ; Bengoa et Sanchez-Robles, 2003). Dès lors, cette section se présentera comme suit : en premier lieu, nous montrerons l'impact du stock et du service de la dette extérieure sur la croissance (I.1) ; en second lieu, nous analyserons les effets de l'incertitude de l'endettement extérieur sur la croissance économique (I.2).

I.1/ Les effets du stock et du service de la dette extérieure sur la croissance économique

Réduire les coûts inhérents aux investissements dépend fortement du « climat des affaires » qui prévaut dans une économie. Autrement dit, plus l'environnement économique d'un pays est stable, plus les investisseurs étrangers seront incités à y réaliser les activités, et à l'opposé, plus cet environnement est instable, moins ces investisseurs y effectueront des investissements (Globerman et Shapiro, 2002). Dans la présente sous-section, nous discuterons de la pertinence du stock de la dette extérieure ainsi que du service de la dette extérieure sur la croissance économique.

I.1.1. Les effets du stock de la dette extérieure sur croissance économique

La gestion du stock de l'endettement externe est un problème qui touche toutes les sociétés. En ce sens qu'une accumulation de lourdes dettes a des effets pernicieux sur les performances économiques notamment la croissance (Patillo et al, 2002). À cet égard, il n'existe pas de consensus quant aux canaux d'influence du stock de la dette extérieure sur le développement des pays notamment son incidence sur la croissance. Néanmoins, les principaux arguments pour l'une ou l'autre approche reposent sur le fardeau de la dette et les consolidations budgétaires expansionnistes qu'elle induit.

a) Surendettement et croissance économique : « Debt overhang theory »

Les arguments théoriques favorables à la réduction de la dette extérieure des pays en développement reposent sur l'idée selon laquelle ces pays font face à une situation de surendettement « debt overhang ».

Selon J.Sachs (1989), le surendettement est analogue à la situation d'une entreprise insolvable non protégée par les lois de la faillite. Dans ce cas, les créanciers prennent des actions antagoniques pour se servir sur la valeur restante des actifs, préjudiciables à la survie de l'entreprise. Ainsi, le service de la dette agit comme une taxe désincitative à la production. À cet effet, il existe un seuil optimal d'endettement pour lequel tout supplément marginal

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d'endettement conduit à une réduction importante de l'investissement et le débiteur aurait intérêt à ne pas rembourser la dette. Cela signifie que les emprunts supplémentaires vont décroître la probabilité de rembourser. D'où la notion de « debt overhang » (le fardeau virtuel de la dette). La théorie du surendettement considère qu'une dette élevée qui se révèle difficile ou impossible à rembourser exerce des effets désincitatifs sur le pays débiteur à entreprendre des réformes favorables à l'investissement et/ou à la croissance économique.

À cet égard, le surendettement désigne couramment l'existence d'un encours important de dette extérieure ayant des conséquences négatives sur l'investissement et la croissance. Les investisseurs s'attendront à une hausse des impôts actuels et futurs pour permettre le nécessaire transfert des ressources à l'étranger. La réduction anticipée du rendement après impôts des investissements privés et l'utilisation d'une part croissante de l'épargne intérieure aux fins du service de la dette ont pour effet d'évincer l'investissement intérieur et de décourager l'investissement étranger. Ces effets peuvent également motiver la fuite des capitaux, les propriétaires cherchant à protéger la valeur de leurs avoirs en profitant d'occasions d'investissement plus alléchantes à l'étranger (Deppler et Williamson, 1987).

Cependant, Corden (1988) démontre qu'un allègement décidé de façon exogène par les créanciers peut, dans certaines circonstances, augmenter les incitations du débiteur à entreprendre des réformes, et évite la possibilité qu'il recoure à un défaut de remboursement, qu'il assimile à un « allègement endogène », c'est-à-dire décidé par le débiteur. Cette même idée a été développée par Krugman (1988) qui démontre qu'en augmentant l'incitation d'un pays surendetté à entreprendre des réformes économiques, les créanciers pourront voir la valeur de leurs créances sur le marché secondaire s'améliorer, car les perspectives de remboursement du débiteur auront augmenté. En ce sens, l'effet possible d'une désincitation en termes de réformes économiques risque d'être plus sérieux pour les pays à faible revenu et très endettés où les distorsions structurelles profondes et la gestion macroéconomique inadéquate (combinées à un accès limité aux marchés étrangers des capitaux privés) font déjà obstacle à une réforme soutenue (Elbadawi, Ndulu et Ndung'u, 1997). Il est ainsi possible d'affirmer qu'au-delà d'un certain niveau, l'accumulation des dettes extérieures décourage l'investissement et ralentit la croissance.

Au regard, des effets du surendettement sur la croissance, mais aussi sur les capacités de remboursement des pays à faible revenu, certains soutiennent l'idée de la nécessité des allègements de la dette, la pertinence d'une telle stratégie a été relativisée par certains auteurs

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qui voient que l'accumulation de la dette n'est pas la cause, mais la conséquence d'une faible croissance (Bulow et Rogoff, 1990), ou que la réduction de la dette ne serait pas suffisante pour rétablir l'investissement et la croissance (Easterly et Levine, 2003 ; Asiedu, 2003). Ainsi, une dette élevée est un symptôme plutôt qu'une cause d'une faible croissance, cette dernière étant le résultat d'une mauvaise gestion macroéconomique (Bulow et Rogoff, 1990). Pour Easterly et Levine (2002), cette possibilité est encore plus forte dans les pays en développement caractérisés par une forte préférence pour le présent. En effet, de son modèle, l'auteur conclut que les gouvernements de ces pays chercheront à accumuler de nouvelles dettes une fois que des réductions ont été obtenues dans l'espoir d'être éligibles à de nouvelles initiatives en matière d'allègement. L'échec des schémas dits traditionnels à réduire les ratios d'endettement dans les pays à faible revenu est une illustration pour l'auteur de l'existence de ce problème d'aléa moral et du fait que les allègements accordés n'ont pas réussi à changer le comportement de certains pays hautement endettés.

b) La neutralité de la dette extérieure et la croissance économique : « l'équivalence ricardienne »

La Proposition d'Équivalence de Ricardo soutient la thèse d'un effet neutre de l'endettement public sur les agrégats macroéconomiques. En ce sens qu'un titre d'État représente pour son détenteur certes, un avoir (un actif), mais constitue pour le contribuable une créance (un passif). Ainsi, en rendant son détenteur plus riche, tout titre d'État rend simultanément le contribuable plus pauvre (Barro, 1974). En conséquence, l'effet net de la détention de ce titre sur la richesse est neutre puisque globalement les contribuables ne sont ni plus riches ni plus pauvres.

La paternité du principe d'équivalence Ricardienne, comme son nom l'indique, revient à Ricardo, mais est attribuée à Barro (1974). Il approfondit la thèse de Ricardo en combinant les thèmes d'évictions et d'anticipations rationnelles. Selon lui, si le gouvernement finance un accroissement des dépenses publiques en ayant recours à l'emprunt, ou s'il abaisse les impôts en laissant la dépense publique et la masse monétaire inchangées, les agents vont anticiper les hausses d'impôts qui seront nécessaires ultérieurement pour payer les intérêts de la dette et pour rembourser le principal. De ce fait, les agents savent a priori que ces deux modalités de financement sont un recours aux impôts; ils savent aussi qu'il y aura alourdissement de la dette publique et usage de la taxe inflationniste. L'accumulation de l'inflation à long terme et l'augmentation des impôts finiront par rendre peu crédible l'État. Les agents vont alors se préparer à la purge fiscale future (Bernheim, 1987 ; Ricciuti, 2003). Ils vont accroître leur

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épargne actuelle en prévision des alourdissements futurs des impôts et ne se considéreront pas plus riches après la mise en oeuvre de la politique de relance. Il en résultera que cette politique suivie par le gouvernement n'aura aucun effet stimulant sur l'économie, quelles que soient les modalités de financement des déficits; les effets à long terme sont équivalents.

Cette proposition générale défend donc l'idée de la neutralité de la dette publique à long terme. L'idée de la neutralité de l'endettement public peut paraître assez simple et plutôt intuitive : en effet, étant donné que toute réduction des impôts courants (ou encore un déficit budgétaire) implique forcément une augmentation des impôts futurs, le financement de cette réduction d'impôt par endettement, ne modifie pas la charge fiscale globale des ménages. Elle ne fait que différer dans le temps une partie de cette charge. Ainsi, si les ménages sont en mesure d'intégrer ce report partiel de leur charge d'imposition de manière efficiente, ils percevront l'endettement public courant, comme un prélèvement fiscal futur.

Par ailleurs, et puisque leur charge d'imposition globale n'a pas été modifiée, les ménages ne réagissent pas à la politique du déficit budgétaire financé par endettement public, par un accroissement de leurs dépenses de consommation. Les ménages préfèrent épargner la totalité de leur économie d'impôt pour faire face aux prélèvements fiscaux futurs engendrés par le remboursement de la dette. Par conséquent, la diminution de l'épargne publique est intégralement compensée par une augmentation de l'épargne privée. L'épargne nationale étant inchangée, les autres agrégats macroéconomiques le restent aussi.

En définitive, l'essence de l'argumentation de l'équivalence ricardienne se résume dans les deux idées fondamentales de la contrainte budgétaire inter temporelle du gouvernement et de l'hypothèse du revenu permanent (Elmendorf et Mankiw, 1998 ; Ricciuti, 2003). La contrainte budgétaire intertemporelle du gouvernement suppose que pour des dépenses gouvernementales inchangées, un niveau d'imposition courant relativement bas implique des impôts futurs plus élevés. En effet, la perception de la part des contribuables de toute réduction de leur charge d'imposition courante comme étant un report partiel de cette charge en découle. Par contre, l'hypothèse du revenu permanent suppose que les ménages déterminent leur niveau de consommation sur la base de leur revenu permanent et non pas sur la base de leur revenu courant. Le revenu permanent est fonction de la valeur actualisée de tous les revenus courants nets d'impôt. Ainsi, étant donné qu'elle n'affecte pas la valeur actualisée de la charge fiscale des ménages, une réduction d'impôt financée par endettement n'a d'incidence ni sur le revenu permanent ni sur la consommation courante.

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Par ailleurs la revue des considérations théoriques anciennes sur l'endettement, dans un second temps, montre une grande diversité d'opinion sur les effets de l'endettement et sur son intérêt de façon générale. Deux grandes écoles traditionnelles ont dominé ce débat à un certain moment. Il s'agit de l'école classique avec une vision assimilant l'endettement à un impôt futur (anticipé par les agents économiques) et des keynésiens qui voient l'endettement comme favorisant l'accumulation du capital et la consommation des générations futures ou présentes par la suite, l'idée de la neutralité de la dette publique à long terme, a été largement étudiée à travers le principe d'équivalence ricardienne.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo