2. Problématique
La réalisation d'une croissance et d'un
développement économiques durables est une préoccupation
majeure pour tous les pays (Shabbir, 2009). De nombreuses économies se
caractérisent par une faible formation de capital et un manque de
ressources pour faire face aux dépenses publiques croissantes (Aluko et
Arowolo, 2010). Avec l'augmentation continue des dépenses publiques et
l'aggravation des déficits budgétaires, la majorité
d'entre eux sont contraints de recourir à l'emprunt intérieur et
extérieur pour combler les déficits budgétaires et
financer le développement (Dornbusch, 1982 ; Saheed, Sani et Idakwoji,
2015). Dès lors, les emprunts intérieurs plus
élevés peuvent augmenter les taux d'intérêt et
évincer le secteur privé, ralentissant ainsi la croissance
(Checherita et Rother, 2010) ; d'où la nécessité de
recourir à la dette extérieure.
Partout dans le monde, la collecte de fonds suffisants pour
financer des projets gouvernementaux est une préoccupation majeure.
Aucun pays ne dispose de ressources suffisantes pour répondre à
tous ses besoins budgétaires. À cet égard, la mise en
oeuvre des politiques de développement, en particulier dans les pays en
développement, reste un défi majeur (Greene, 1989 ; Greene et
Villanueva, 1991 ; Mullei, 1991). En raison de l'insuffisance des ressources,
les pays se tournent vers la dette extérieure pour faire face à
leurs besoins en dépenses. La dette extérieure est
recherchée tant par les pays développés, que par les pays
en développement (Curry, 1979 ; Gordon et Guerron, 2018).
Mémoire PTCI 5
DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Selon Mweni, Njuguna et Oketch (2016), l'emprunt
extérieur est devenu indispensable dans le monde moderne. En ce sens
qu'il complète l'épargne intérieure et permet aux pays de
mener des activités productives (Ezeabasili, Isu et Mojekwu, 2011 ;
Raffinot, 1991). Lee et Thampapillai (2016) affirment que l'emprunt
extérieur est souhaitable et peut fournir le financement
nécessaire à une croissance économique
accélérée, à condition qu'il soit canalisé,
pour accroître la capacité productive de l'économie et
promouvoir la croissance et le développement économique. Nelasco
(2012) ajoute que le processus de formation du capital et d'industrialisation
nécessite de lourds investissements dans les infrastructures telles que
les routes, les lignes de chemin de fer, les canaux d'irrigation et les
centrales électriques, qui obligent le gouvernement à rechercher
des emprunts extérieurs. L'industrialisation rapide nécessite
l'importation massive de biens d'équipement tels que des machines et des
équipements et un savoir-faire technique de l'étranger.
Dès lors, les gouvernements doivent emprunter des sommes importantes
à l'étranger pour combler le déficit de la balance des
paiements, causé par des importations importantes (Malcolm, Shaw et
Dominique, 1995).
Au contraire, lorsque la dette extérieure n'est pas
viable, elle constitue un risque pour la croissance économique et la
prospérité d'un pays (Pattillo, Poirson et Ricci, 2002 ; Nguyen,
Clements et Bhattacharya, 2003 ; Kumar et Woo, 2010). Toutefois, une dette
extérieure élevée n'implique pas nécessairement une
croissance économique lente, mais plutôt l'incapacité du
pays à faire face à ses obligations en matière de dette.
En tant que tels, les pays doivent utiliser la dette de manière
productive et créer des emplois pour accroître leurs recettes et
assurer le service de leur dette de manière appropriée.
Traditionnellement, l'effet de la dette extérieure est examiné en
évaluant des indicateurs externes tels que les ratios de la dette au PIB
et des indicateurs macroéconomiques tels que le PIB, l'inflation, les
taux d'intérêt, les réserves de change, la balance
commerciale et le niveau des investissements (Shabbir, 2009). Ce faisant, avec
l'accumulation de la dette, les frais de service de la dette augmentent et
constituent une menace pour la stabilité des économies. De plus,
un service de la dette élevé peut entrainer un surendettement
(Pattillo, Poirson et Ricci, 2002 ; Serrão, 2016 ; Atangana Ondoa,
2017).
De l'analyse précédente, il apparaît que
la bonne gestion de la dette extérieure est une condition sine qua
non pour atteindre la performance des économies d'Afrique
subsaharienne. Celle-ci se caractérise par un régime politique
démocratique plus ouvert, un niveau de corruption faible dans les
institutions, la définition et la protection des droits de
propriété, etc. Tout cela est conforme à l'agenda 2063
dont l'une des aspirations est de faire de l'Afrique un continent où les
valeurs, les pratiques démocratiques, les principes universels des
droits de
Mémoire PTCI 6
DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
l'homme, l'égalité entre les hommes et les
femmes, la justice et l'Etat de droit seront pleinement ancrés (Union
Africaine, 2015).
Mais au regard, des Statistiques de la dette internationale de
la banque mondiale (2013) ; l'encours combiné de la dette
extérieure des pays d'Afrique subsaharienne est passé de 4 400
milliards de dollars en 2010 à 4 900 milliards de dollars à la
fin de 2011, reflétant des entrées nettes de 464 milliards de
dollars. La dette à court terme a connu la croissance la plus rapide,
augmentant de 18 % en 2011 par rapport à une augmentation de 9 % de
l'encours de la dette extérieure à long terme. La majeure partie
de la dette à court terme était liée au commerce et,
mesurée par rapport aux importations des pays en développement, a
légèrement diminué, passant de 18 % en 2010 à 17 %.
L'encours de la dette à long terme à fin 2011 se répartit
de façon assez équilibrée entre la dette garantie par
l'État (51 %) et la dette envers des emprunteurs privés non
garantis (49 %), bien que cette dernière ait augmenté deux fois
plus vite que la première en 2011 (12 % contre 6 %). Il s'agit d'un
revirement complet par rapport à 2010, alors que la dette publique
à long terme et la dette garantie par l'État avaient
augmenté à un taux deux fois plus élevé que la
dette privée non garantie. L'encours de la dette des pays en
développement est resté modéré, représentant
en moyenne 22 % du RNB et 69 % des recettes d'exportation, et les risques
liés au fait que la dette à court terme représentait 26 %
de l'encours de la dette à fin 2011 ont été
atténués par les réserves internationales. La crise
économique mondiale a contraint certains pays en développement
à puiser dans leurs réserves internationales, mais, globalement,
les pays en développement ont enregistré une accumulation de
réserves internationales depuis le début de la crise :
équivalant à 121 % de l'encours de la dette extérieure
à fin 2011 (FMI, 2014).
Si l'on s'en tient à l'analyse
précédente, la question de la dette extérieure en Afrique
subsaharienne se pose avec acuité d'autant plus que le continent s'est
plus que jamais engagé sur le chemin du développement (Odedokun,
1995). Dès lors, la croissance économique et la stabilité
économique se positionnent comme des instruments importants pour
permettre à l'Afrique d'atteindre ses objectifs de développement.
Toutefois, son niveau actuel est loin d'être satisfaisant. D'ailleurs,
les études ont montré que dans les années 80 la croissance
économique s'est réduite pour les pays fortement endettés
en Afrique (Raffinot, 1991). De même, s'agissant de la dette à
moyen et long terme contractée ou garantie par l'état, la
composition de ces engagements, est tout aussi importante que leur montant.
Ainsi, une forte proportion de la dette est due aux marchés de capitaux
privés, surtout dans des pays à revenu intermédiaire
d'où 70% pour les exportateurs de pétrole et 33% pour les
importateurs de pétrole. Cependant, la part de
Mémoire PTCI 7
DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
marchés privés n'est pas négligeable ;
non plus pour un certain nombre de pays à faible revenu, dont le Niger,
le Congo, le Malawi, le Bénin, Madagascar, le Togo et le Kenya. Les
crédits obtenus sur ces marches représentent 9% du total de la
dette des pays semi-arides et 14 % de celle des autres pays à faible
revenu et la part des crédits fournisseurs n'est que de 4 % pour
l'ensemble de l'Afrique subsaharienne (FMI, 2018).
Les limites relevées précédemment en
matière de dette extérieure peuvent expliquer le faible niveau de
compétitivité des économies d'Afrique subsaharienne.
Toutefois, certains paradoxes entre les régions et même au sein de
l'Afrique nous amènent à nous interroger non pas sur la
pertinence du lien entre dette extérieure et performance
économique, mais sur les dimensions de la dette extérieure qui
auraient le plus d'influence sur cet agrégat. À cet égard,
quand on analyse la dette des pays d'Afrique subsaharienne en fonction de leur
encours, l'Afrique du Sud est sans conteste le pays le plus endetté. Sa
dette, s'élevant à 103 894 milliards FCFA (158 milliards d'euros)
est sans comparaison avec celle de l'Angola (27 883 milliards FCFA soit 42.5
milliards d'euros) pourtant 2e pays subsaharien le plus endetté.
Première puissance économique du continent africain, la dette du
Nigéria n'est que de 16 705 milliards FCFA (25.5 milliards d'euros).
Elle dépasse cependant celle de l'Ethiopie (11 556 milliards FCFA), du
Kenya (10 533 milliards FCFA), du Ghana (10 165 milliards FCFA) et la Tanzanie
(8 239 milliards FCFA)3 (Banque Mondiale, 2018).
Toutes ces argumentations nous conduisent à la question
suivante : la dette extérieure favorise-t-elle la performance
économique en Afrique subsaharienne ?
De façon spécifique :
? La dette extérieure améliore-t-elle la
croissance économique en Afrique subsaharienne ?
? La dette extérieure contribue-t-elle à la
stabilité économique en Afrique subsaharienne ?
3 L'encours de la dette publique du Mozambique et
de la Zambie s'établit respectivement à 6 935 milliards FCFA
(10.6 milliards d'euros) et 6 196 milliards FCFA (9.4 milliards d'euros).
Enfin, le Cameroun est le pays francophone le plus endetté d'Afrique
subsaharienne avec une dette de 5 722 milliards FCFA (8.7 milliards d'euros).
Toujours du point de vue de l'encours de dette, les 10 pays les moins
endettés du continent africain sont les Comores (85 milliards FCFA), la
Centrafrique (207 milliards FCFA), la Guinée-Bissau (216 milliards
FCFA), le Swaziland (400 milliards FCFA). Le Burundi suit avec un encours de
dette de 416 milliards FCFA, lui-même suivi du Libéria (458
milliards FCFA), de la Gambie (515 milliards FCFA), du Lesotho (805 milliards
FCFA), de l'Érythrée (1 004 milliards FCFA) et du Cap-Vert (1 039
milliards FCFA).
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