INTRODUCTION GENERALE
DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Mémoire PTCI xii
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE
1. Contexte
Depuis les travaux de Krugman (1988), la prise en compte de la
dette extérieure dans l'explication des performances économiques
des pays, revêt un intérêt toujours grandissant. Autrefois,
se référant à ce que l'on doit à quelqu'un ou
à un devoir, la dette extérieure1, se présente
de nos jours comme un concept unidimensionnel dont la définition fait
presque l'objet d'un consensus.
La dette extérieure est égale au montant,
à une date donnée, des engagements contractuels encours et ayant
donné lieu à un versement des non-résidents d'un pays
vis-à-vis des résidents, comportant obligation de remboursement
du principal avec ou sans remboursement des intérêts (Barro,
1974). La dette extérieure s'appréhende encore comme étant
égale au montant à une date donnée, de l'encours des
engagements courants effectifs, non conditionnels d'effectuer un ou plusieurs
paiements pour rembourser le principal et/ou verser des intérêts,
à un ou plusieurs moments futurs, et qui sont dus à des
non-résidents par des résidents d'une économie (Arruda,
2000). Pour Carreau, Shaw et Malcolm (1995) la dette extérieure est le
montant, à tout moment donné, des engagements contractuels
décaissés et impayés de résidents d'un pays
à des non-résidents pour rembourser le principal, avec ou sans
intérêt, ou pour payer des intérêts, avec ou sans
principal. Ces différentes approches sont complémentaires et
permettent de voir que la dette extérieure est le fait aussi bien des
États, que des agents privés. Dès lors, la dette
extérieure comprend des titres de la dette monétaire
extérieure, constituée des engagements de garantie du
gouvernement envers les non-résidents dans d'autres devises ( Oketch,
Mweni et Njuguna, 2016). Ajustée pour tenir compte des obligations
extérieures, la dette extérieure en devises comprend la dette
publique et la dette garantie par l'État, la dette à moyen et
long terme (plus d'un an) comme la dette bilatérale et
multilatérale ainsi que les prêts et crédits commerciaux
(Beaugrand, Mlachila et Loko, 2002).
Selon le rapport sur les perspectives économiques
régionales en Afrique subsaharienne du FMI (2016), la performance
économique est un concept polysémique lequel est mis en avant par
de nombreux auteurs compte tenu de son aspect multidimensionnel. Elle peut
être considérée comme étant un succès, le
résultat d'une action, une action (Quinn et Rohrbraugh, 1983). Ce
concept se rapporte à la fois à l'optimisation des moyens dans
leur utilisation, mais aussi au pilotage des objectifs stratégiques
(Platet-Pierrot et Giordano-Spring, 2009). De
1 Il est important de faire la distinction entre la
dette extérieure brute (ce qu'un pays emprunte à
l'extérieur) et la dette extérieure nette (différence
entre ce qu'un pays emprunte à l'extérieur et ce qu'il
prête à l'extérieur). Ce qui est le plus significatif,
c'est la dette extérieure nette.
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manière générale, Acemoglu (2003)
appréhende la performance d'une économie comme l'ensemble de ses
résultats économiques au cours d'une période. De cette
définition, il apparait que le niveau de performance économique
revêt une importance capitale dans la mesure où il permet non
seulement aux gouvernements d'évaluer l'efficacité de leurs
politiques publiques, mais aussi l'influence des agents privés dans
leurs décisions d'investissements. À cet égard, de
nombreux institutions et organismes ont mis en exergue plusieurs indicateurs de
performance économique ; parmi lesquels on peut citer de manière
générale : la croissance économique, la stabilité
économique, la productivité, l'efficacité, le rendement,
la compétitivité, l'efficience, la rentabilité (FMI,
2010). Les indicateurs les plus utilisés sont la croissance et la
stabilité économique, ainsi ce sont ces deux indicateurs que nous
retiendrons dans le cadre de notre travail. En effet, la croissance
économique est définie comme l'augmentation soutenue pendant une
ou plusieurs périodes longues, d'un indicateur de dimension, pour une
nation, le produit global net en termes réels. À cet
égard, la croissance économique correspond donc à
l'accroissement de la quantité de biens et de services produits dans un
pays au cours d'une période donnée (Perroux, 1955). La
stabilité économique quant à elle s'appréhende
comme la constance dans le temps des agrégats d'une économie. En
d'autres termes, les agrégats d'une économie sont
considérés comme stables si leur valeur ne varie pas trop sur une
période plus ou moins longue (Peytrignet, 1996).
Au-delà de l'approche traditionnelle des
déterminants des performances économiques, on assiste depuis le
début des années 90 à l'émergence des travaux
théoriques qui présentent la dette extérieure comme un
facteur explicatif de l'accroissement des performances économiques
(Niroomand et Hamvi, 1995). Ainsi, le service de la dette ; un des principaux
indicateurs de la dette extérieure est généralement
évoqué dans la littérature comme un facteur limitant les
performances économiques. En effet, un niveau élevé du
service de la dette décourage l'investissement et étouffe la
croissance économique (Krugman, 1988 ; Grossman et Helpman, 1989 ;
Sachs, 1989 ; Deshpande, 1997). De même, Presbitero et Arnone (2006)
montrent que l'encours de la dette à une influence négative sur
les performances économiques à travers l'incertitude
associée à son effet sur l'inflation ou à travers la
modification de la composition de la dette extérieure.
Compte tenu des enjeux pour son développement,
l'Afrique subsaharienne dans le sillage de la communauté internationale,
accorde une plus grande importance aux questions liées à son
endettement extérieure. En effet, l'endettement public en Afrique
subsaharienne a suivi, jusqu'en 2012 une trajectoire à la baisse (FMI,
2014). En ce sens qu'à la fin des années
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90 et tout au long des années 2000, 30 des pays
africains à faible revenu (PFR) ont pu bénéficier d'un
allègement de leurs dettes pour un montant supérieur à 100
milliards de dollars au titre de l'initiative en faveur des pays pauvres
très endettés (PPTE) et au titre de l'initiative
d'allègement de la dette multilatérale (IADM) (Atangana Ondoa,
2017). À partir de 2013, la dynamique d'évolution de la dette
publique ainsi que sa composition ont radicalement changé. Dans la
région, la dette publique extérieure est passée en moyenne
de 37 % à 56 % du PIB2 entre 2013 et la fin de l'année
2016. Dans plus des deux tiers des pays d'Afrique subsaharienne, la dette
publique en pourcentage du PIB a augmenté de plus de 10 points alors que
dans un tiers des pays, elle s'accroissait de plus de 20 points. La composition
de la dette publique a aussi changé de manière significative. Les
pays ont délaissé les sources traditionnelles de financement
concessionnel pour se tourner vers le financement de marché et
domestique. La part de la dette multilatérale et concessionnelle s'est
réduite alors que la part de la dette à l'égard de
créanciers non membres du Club de Paris a augmenté (FMI, 2016).
Si l'on se réfère à la dette publique rapportée au
PIB, l'Érythrée, le Cap-Vert et la Gambie sont les pays les plus
endettés d'Afrique subsaharienne avec respectivement 126%, 122% et 97%
de dette publique. Outre les 3 pays précités, les taux
d'endettement de Sao Tomé-et-Principe (92%), du Congo (79%), du Ghana
(74%), du Malawi (73%), de l'Angola (70%) et des Seychelles (65%), les classent
dans le top 10 des pays d'Afrique les plus endettés en 2016. À
l'inverse, les pays d'Afrique subsaharienne dont les taux d'endettement sont
les plus faibles sont le Nigéria (seulement 13%), le Botswana (16%), la
RD Congo et le Swaziland (20%), la Guinée Equatoriale (25%) et les
Comores (29.2%). Quant à la Namibie, son ratio d'endettement en 2016 est
de 31%, à peine mieux que la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso qui
sont endettés à hauteur de 33%. Enfin le Mali clos le top 10 des
pays d'Afrique subsaharienne ayant le taux d'endettement le moins
élevé avec 35%. Notons enfin que le taux d'endettement moyen des
pays d'Afrique subsaharienne en 2016 reste relativement faible puisqu'il
s'établit à 52% contre plus de 92% en moyenne dans la zone euro
(Banque Mondiale, 2018).
Les faits stylisés des deux dernières
décennies montrent que les économies d'Africaine subsaharienne en
général manquent cruellement de compétitivité,
alors que la moyenne mondiale est de 60, l'indice de
compétitivité en Afrique subsaharienne est de 45,2 sur 100. En
plus de classer la région comme dernière du classement mondial,
ce score indique surtout que
2 Est un indicateur économique de la
richesse produite par année dans un pays donné. Cet indicateur
représente la valeur ajoutée totale des biens et des services
produits sur un territoire national. Il est utilisé pour mesurer la
croissance économique d'un pays.
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l'Afrique subsaharienne n'atteint même pas le seuil
minimum de la moitié de la note maximale, soit 50 sur 100 (Allard,
2017). D'après les statistiques fournies, 18 pays sur les 21 ayant un
score en dessous de 50, sont originaires d'Afrique subsaharienne ; 17 sur 45
économies de l'Afrique subsaharienne font partie des 20 les moins
performantes. Alors qu'aucun pays africain n'est présent dans le top 10
des économies les plus performantes au monde, on constate que huit pays
de la région sont présents parmi les 10 pays les moins
compétitifs. Notons que seuls deux pays du continent (Maurice, Afrique
du Sud) affichent un indice de compétitivité supérieur
à la moyenne mondiale (avec respectivement 63,7 et 60,8), tandis que le
Tchad occupe le bas du tableau continental et mondial (140e sur 140
pays) avec un indice de 35,5. En se penchant sur les performances au niveau des
sous-régions du continent, on constate cependant que malgré le
mauvais indice régional, certaines sous-régions du continent sont
plus compétitives que d'autres. Ainsi, au niveau de ce classement sous-
régional, c'est l'Afrique australe qui arrive en tête avec un
indice de 48, suivie par l'Afrique de l'Est (46,8) et l'Afrique de l'Ouest
(44,5) (Banque Mondiale, 2016).
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