3- Le bilan de la guerre
Cette fois ci, l'Iran est en guerre, non pas directement avec
les États-Unis d'Amérique, mais avec l'Irak, un autre pays
musulman, un autre pays pillé par l'impérialisme. Cette guerre a
eu pour effet de stabiliser le régime ; le front, les diverses milices,
la bureaucratie de l'État emploient de larges fractions de la population
et les religieux. Par ailleurs en répartissant un minimum de moyens de
subsistance, ont renforcé le réseau d'assistance sociale autour
des mosquées. Mais elle a eu aussi certainement pour effet
d'accroître les difficultés et les misères du peuple
iranien.
Lorsque les canons se "taisent" enfin Iran et Irak se
retrouvent également épuisé. Les pertes économiques
cumulées des deux pays se sont évaluées à plusieurs
centaines de milliards de dollars. Le bilan humain est lui aussi terrifiant,
300 000 morts pour l'Irak, environ un million pour
l'Iran161.Politiquement Saddam Hussein est largement
perdant, car non seulement il n'est pas parvenu à faire pilier
Téhéran et à faire de l'Irak un hégémon
Moyen-Oriental. Mais d'autres part, il est désormais largement
débiteur des pétromonarchies du Golfe. Son prestige auprès
de la population est alors au plus bas. Sur le plan extérieur en
revanche, Saddam Hussein apparaît comme le défenseur des sunnites
du Moyen-Orient, et l'Irak se positionne comme une puissance
régionale
Le régime iranien lui est ressorti largement
renforcé de la guerre avec une légitimation aux yeux de sa propre
population (réunie dans un grand élan patriotique) mais aussi
auprès des régimes et de groupes politiques militaires favorables
à sa thèse. Les Iraniens faisant bloc autour de leur gouvernement
et de leur armée face à l'ennemi
161Paul BALTA, Iran-Irak : une guerre de 5000
ans, 1999, Amazon, Paris, 315 p.
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héréditaire : les Arabes sunnites. La
Présidence américaine de Ronald Reagan est au passage
affecté par le scandale de l'Irangate,162 une
livraison illicite d'armes à l'Iran, en dépit de l'embargo sur ce
pays. Cela ne fatigue renforcer son rôle de grande puissance
perturbatrice dans la zone. Cette guerre déclenchée a
suscité en Iran un profond réflexe nationaliste.
Au total, les dépenses militaires, pertes en produit
intérieur brut et capitaux non investis ont dépassé 500
milliards de dollars pour les deux pays. L'Iran estime officiellement à
300 milliards de dollars le prix de la reconstruction de son économie.
L'Irak, pour sa part, l'évalue entre cinquante et soixante milliards de
dollars.
Le conflit a duré huit ans en faisant plusieurs
centaines de milliers de morts .Un bilan sans commune mesure avec tout autre
conflit du Moyen-Orient, y compris le conflit israélo-palestinien.
En somme Saddam Hussein a tablé sur une offensive
fulgurante, sur une guerre courte qui fera de son Irak bassiste la
première puissance du Moyen-Orient. Cette ambition ne résiste pas
à la dure réalité d'un conflit acharné, l'un des
plus dévastateurs du XXème siècle, qui ne dure que 8 ans.
Guerre complexe par ses enjeux et ses acteurs. La guerre Iran-Irak qui
transcende le cadre classique de la guerre froide, aura un impact profond sur
toute la région du Golfe Persique et au-delà.
162L'affaire Iran-Contra ou
Irangate, nommée ainsi en souvenir du scandale
du Watergate) est un scandale politique survenu aux États-Unis dans les
années 1980.L'affaire est toujours voilée de secrets et il est
difficile de découvrir les faits. Plusieurs membres de l'administration
Reagan ont vendu illégalement des armes à l'Iran, qui
était un ennemi avoué des États-Unis, utilisant les
profits pour financer secrètement, et malgré l'opposition du
Congrès des États-Unis1,2, les Contras, un mouvement
contre-révolutionnaire nicaraguayen de lutte armée regroupant les
opposants au gouvernement sandiniste de Daniel Ortega. Dans le cadre de la
Guerre froide, il s'agit pour l'administration Reagan de renverser un
régime considéré comme communiste3 et
situé dans ce que les États-Unis considèrent comme leur
zone d'influence.
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