Les relations politiques Iran-USA 1979-2002.par Doumbia ALI Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Master d'histoire contemporaine 2017 |
3- La chute du pouvoir impérial du shah 1979.Sans aucun doute, la politique du Shah a donné lieu à une croissance économique très forte durant les années 1960 et 1970. Cependant, devant la brutalité des méthodes de la SAVAK, l'orgueil des plus riches et de la famille impériale et une parodie démocratique, le Shah se voit affaibli et les alliés ne sont plus trop regardant sur son maintien et sa sécurité. C'est Khomeiny qui exprime avec intransigeance la volonté de lutter jusqu'au renversement du régime d'oppression et de dictature du Shah. Pour lui, l'heure n'est plus à la conciliation avec le régime sanguinaire et liberticide du Shah, alors il demande sa démission sans condition. Dans cet élan il parvient à fédérer autour de lui, dans le mouvement Islamique, l'opposition92 et arrive à garantir son contrôle et son hégémonie sur la masse populaire. Il déclarait à cet effet : « Le mouvement islamique (...)a été fondé par le clergé avec le soutien de la grande nation iranienne. C'est au clergé qu'il revient de le diriger, à l'exclusion de tout parti, front ou personnalité politique »93 Khomeiny menaçait les partis et groupes opposés au Shah qui « avaient rejoint le peuple, uniquement par souci de leur intérêt ». Ainsi toute l'opposition se réunie solidement autour du Guide de la révolution tenant sur serment les dispositions inaliénables suivantes : « 1. La nécessité de l'union de toutes les forces contre la dictature. 2. Tous les slogans doivent être antidictatoriaux. 3. Le devoir de toutes les forces progressistes est d'éviter et d'empêcher les divisions. 4. Souligner les cas de désaccord, c'est amener de l'eau au moulin du régime. »Et enfin : « 5. Il faut insister sur 92Toudeh, Modjahedines et Fedayins, des partis politiques opposés au Shah, loin de contester politiquement ou pratiquement à Khomeiny son emprise sur les masses, sous le couvert d'unité, s'emploient au contraire à lui faire allégeance et à se mettre à son service 93Cercle Léon TROTSKY, « Iran : de la dictature du Chah à celle de Khomeiny, la révolution escamotée » ,30/04/1987 consulté le 25 / 12/2014 55 le leadership de l'Ayatollah Khomeiny en insistant pour que toute négociation en son absence soit condamnée ».94 Contre toute attente et comme un symbole, au moment où en début de l'an 1979, le Shah trouve un grand bourgeois, Chapour Bakhtiar, en rupture de ban avec le Front National, pour former un gouvernement civil et que lui se préparait pour un séjour médical hors du pays, c'est Washington qui annonce le 11 janvier, que le Shah va prendre des vacances à l'étranger. Il part effectivement le 16 Janvier au Caire. Le Shah voyait dans sa déposition, une trahison non seulement de son peuple qu'il aurait servi avec patriotisme mais aussi trahison du coté de ses alliés : les Américains, le pouvoir de Carter, qui pour lui et plusieurs observateurs n'ont pas joué franc jeu pour l'aider à vaincre la révolution95. Le Shah laissa donc le trône avec une image dégradée. Il était refoulé par tous les chefs d'Etat, même aux Etats Unis d'Amérique l'accueil fut difficile. Et l'Iran va vivre deux semaines dans l'attente du retour de Khomeiny. Le 19 janvier, Khomeiny ordonne une grande manifestation qui réclame le départ de Bakhtiar96 et l'établissement d'une République islamique. Ce n'est que, le 22 janvier 1979, que les Fedayins97 organisent une manifestation indépendante. Auparavant, ils avaient toujours défilé derrière les portraits de Khomeiny. Cette manifestation rassemble dix mille personnes dans les rues de Téhéran avec pour slogan bien significatif de « Il n'y a pas d'autre parti que le parti de Dieu ». 94Cercle Léon TROTSKY, « Iran : de la dictature du Chah à celle de Khomeiny, la révolution escamotée », 30/04/1987 consulté le 25 / 12/2014. 95Kouassi Roger DJANGO, Relations politiques Iran-Etats Unis : 1979-1988, (Mémoire de Licence, Université de Bouake), 2007, p 45. 96 Le premier ministre gestionnaire du pouvoir auprès du Shah. 97 Le mot fedayin, qui signifie littéralement "prêt à se sacrifier", fut utilisé à l'époque médiévale pour désigner les membres de la célèbre secte des Assassins. Il faut ensuite attendre les années 1890 pour que le mot soit utilisé pour désigner les commandos arméniens faisant des raids contre les turcs en Anatolie. Le mot a ensuite été utilisé durant la révolution iranienne de 1905 pour désigner les troupes du Mouvement libéral constitutionnel et sera ensuite repris dans ce pays par divers groupes tout au long du XXe siècle. 56 Le retour de Khomeiny en Iran donne lieu à un immense déferlement humain de plusieurs millions de personnes, de l'aéroport jusqu'au grand cimetière au sud de la ville, où l'Ayatollah prononce un long discours dans lequel il s'adresse particulièrement aux sommets de l'armée : « Nous voulons que vous soyez indépendants, Monsieur le général, Monsieur le colonel... préférez-vous être des valets ? Nous avons dit à votre place que nous ne voulions pas que l'armée soit dominée par les Américains, que nous voulions que vous soyez maîtres chez vous... Qui a dit que nous allions vous supprimer ? Nous voulons garder l'armée, mais une armée qui soit au service du peuple, pas des autres»98. Khomeiny voulait effectivement arriver au pouvoir avec l'accord des chefs de l'armée. Significativement, il avait attendu le feu vert de l'armée pour revenir en Iran. En effet depuis les manifestations populaires l'armée avait assiégé l'aéroport. Il avait fallu des manifestations populaires, mais Khomeiny avait attendu le temps nécessaire. Jamais il n'a été question pour lui de porter atteinte à l'armée. Quand l'état-major ordonnait des massacres à répétition, c'est les mains nues qu'il envoyait la population contre une armada de blindés. Après le départ du Shah, le « Conseil de Régence » qu'il a laissé ne représentait absolument rien. Les manifestants s'exaspèrent et commencent parfois à réclamer des armes. Khomeiny et son entourage sont en contact avec des représentants des États-Unis d'Amérique et les chefs de l'armée pour négocier une passation de pouvoir en douceur. L'impatience de la population donne naissance à une insurrection à Téhéran. L'intervention des masses va mettre un terme à ces négociations secrètes. Elle contraint finalement Bakhtiar à céder la place au contre-gouvernement khomeyniste présidé par Bazargan. 98Khomeiny, le 1er février 1979 : «La dynastie régnante est illégale» , http://bibliobs.nouvelobs.com Publié le 15 juillet 2009 et consulté le 25/06/2014 57 Le soir du 9 février, les soldats d'élite de la Garde Impériale, baptisés les « Immortels », lancent une expédition punitive contre une base de l'Armée de l'Air, dont un millier de militaires se sont la veille ralliés publiquement à Khomeiny. La population alertée arrive en masse au secours de ceux-ci. C'est le point de départ de l'insurrection. Toute la ville se soulève. Alors que les « Allah est le plus grand »99 emplissent l'air, la foule prend d'assaut les dépôts d'armes, les bâtiments publics, les commissariats, les casernes, les unes après les autres. Des barricades surgissent un peu partout. Des enfants attaquent des chars avec des cocktails Molotov. Très souvent, Fédayins100 et Moudjahidines101 sont à l'avant-garde, voire à l'initiative des différentes actions. Le peuple insurgé se rend enfin ma ître de Téhéran. Le 11 février, les chefs suprêmes de l'armée annoncent leur neutralité. Bazargan déclare à la télévision : « Le chef d'État- Major, dans un entretien personnel, a affirmé sa collaboration avec mon gouvernement ». C'est de l'État-major que l'équipe de Khomeiny entendait en effet de voir venir la décision. Bazargan demande aux citoyens d'accueillir les « frères soldats et officiers ». Le lundi 12 février 1979, la monarchie est abolie en Iran. Bazargan s'installe dans le palais du Premier Ministre. La République islamique d'Iran est proclamée le 1er avril 1979 par Khomeiny tournant définitivement la page au pouvoir impérial du Shah. 99 Allah Akbar ou Allah est le plus Grand, expression très présente dans les prières musulmanes. Elle représente souvent une source de motivation pour les engagés à un projet. 100Lors de la révolution de 1978-1979, les Fedayins (Organisation des Guérilleros Fedayins du Peuple d'Iran) est une des plus influentes organisations iraniennes se réclamant de la classe ouvrière et du marxisme. Lors des premières élections après la chute du Shah, les Fedayins obtiennent 10% des voix. 101 L'Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI) est un mouvement de résistance armée au régime de la République islamique d'Iran. Fondée en opposition au Shah, l'OMPI est demeurée active en Iran et à l'extérieur, durant et après la Révolution islamique de 1979. Elle a été notamment dirigée par Massoud Radjavi et demeure conduite en exil par son épouse, MaryamRadjavi.L'organisation était placée sur la liste des organisations terroristes par les États-Unis de 1997 à septembre 2012, par le Conseil de l'Union européenne de 2002 à janvier 20091 La position américaine face à cette révolution populaire qui emportait leurs alliés de longue date a été jugé inappropriée. En effet, Washington inapte. Selon Armin AFERI, Robert HUYSER a bel et bien été secrètement envoyé par la maison blanche en mission secrète en Iran, sa feuille de route était essentiellement d'empêcher l'arme impérial de faire coup d'état pour faire barrage à l'arrivée des islamiste au pouvoir102. Et plusieurs observateurs s'accordent pour dire que Carter a payé pour ca légèreté dans le dossier Iranien. Cette position peut être discutée, mais la réalité est que l'administration Carter n'a pu sauver le pouvoir d'un allié stratégie des Etat Unis d'Amérique. Ainsi donc comme un sauveur Ayatollah Khomeiny, à travers une rude révolution populaire met fin au règne de celui qui sera le dernier empereur du trône en Iran, du Shah. C'est dans la satisfaction généralisé que les Iraniens accueil leur nouveau chef, moment pour eux d'oublier les affres du régime totalitaire du Shah. Khomeiny a donc le champ pour faire de l'Iran une République Islamique qu'il prononce en Avril 1979. 58 102 Armin AFERI << comment les Etats Unie ont ratés leur coup en Iran>> http:// www.lepoint.fr/monde/comment-les-etats-unis-ont-rate-leur-coup-en-iran-12-02-2015-1904392, consulté le 5 octobre 25016 59 |
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