L'exercice de la contrainte par l'union africaine sur ses états membres.par Aubain Wilfried NGOULOUGOU Université de Douala (Cameroun) - Master 2 recherche en droit public international 2020 |
B. LES INTERVENTIONS AD HOC CONDITIONNÉES : DES MÉCANISMES ÉMERGENTS PARTAGÉS ENTRE LA CONFÉRENCE ET D'AUTRES ORGANESC'est révolutionnaire et transgressif de la part de l'UAde s'octroyer le droit d'intervenir244(*) dans un État. D'une part, ce droit est promuau détriment de la souveraineté et du principe de non-ingérence tels que prônés par l'OUA. D'autre part, il est promu au détriment de la libre sollicitation de l'intervention de l'UA par l'État245(*).Cependant, parce qu'il s'agit d'un mécanisme aussi outrageant, certaines conditions incontournables s'y imposent à l'instar des actes de crimes de guerre, de génocides et de crimes contre l'humanité (1). Cependant, les organes acteurs dans ce mécanisme sont la Conférence et le CPS (avec à ses côtés la Commission), qui respectivement, décide et mène l'action (2). 1- LES CRIMES DE GUERRE, LES GÉNOCIDES ET LES CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ COMME CONDITIONS SINE QUA NONDE L'INTERVENTION DANS L'ÉTAT Les crimes de guerre, les génocides et les crimes contre l'humanité voire le trafic de stupéfiants, constituent des facteurs de limitation des immunités des diplomates et des Chefs d'État. En rapportant ces faits à la personne morale qu'est l'État, ils constituent là aussi des raisons pour l'UA d'intervenir dans ses États membres.Ce type d'intervention seradonc consécutif à la perte des immunités étatiques. L'UAest souvent intervenue dans les États toutefois que les conditions ont été réunies. Un des cas illustratifs est celui du Burundi en 2015246(*). À cette aune, il faut déduire l'intérêt que l'UA porte à la protection de l'espèce humaine. Les atrocités sévissant au Burundi, indignant l'humanité et ensevelissant les vies humaines ne pouvaient être ni plus ni moins qu'une occasion à saisir pour recourir au fameux article 4 (h) de l'AC.UA : « Le droit de l'Union d'intervenir dans un État membre sur décision de la Conférence, dans certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité. » Eu égard à cet article, dans le cas opportun, il faudra au préalable que la décision d'intervenir soit prise avant que l'intervention elle-même ne survienne. 2- DE LA PRISE DE DÉCISION À L'ACTION DE L'INTERVENTION : LA CONFÉRENCE, LE CONSEIL DE PAIX ET LA COMMISSION L'application de l'article 4 (h) de l'AC.UA met en évidence de manière tacite le rôle décisionnel de la Conférence et de manière latente le rôle actif du CPS, ce dernier étant aidé par la Commission de l'UA. La décision d'intervenir dans un État membre est prise au sein de la Conférence. Serait-ce une extension de l'article 6(2) de l'AC.UA qui lui accorde des pouvoirs suprêmes ? Ceci reste à savoir. En tout état de cause, de l'ensemble de la lettre de l'AC.UA, il ressort que c'est à la Conférence que revient la compétence de la prise des décisions en matière de sanctions à l'encontre d'un État. C'est d'ailleurs ce que prévoit l'article 23 qui traite de l'imposition des sanctions et l'article 30, qui sans exprimer le rôle décisionnel de la Conférence, traite de la suspension. Cependant, la décision d'intervenir prise par la Conférence est naturellement suivie de l'action qui n'est certainement plus de son ressort. En grosso modo, le CPSest officiellement le garant de la paix et de la sécurité en Afrique pendant que la Commission l'accompagne dans cette mission247(*) qui est de la plus haute importance. Au regard du cas du Burundi ci-dessus par exemple, il n'est plus besoin deprouverque le CPS y aurait été l'acteur en action via ses troupes pré-positionnées si le Président burundais n'y avait pas marqué d'opposition. On comprend à partir de ce qui précède, que les interventions ad hoc de l'UA sont celles-là qui se font à l'immédiat à cause des crises politiques internes ou des guerres civiles qui mettent en mal la sécurité et la paix et par ricochet, qui mettent en péril humanité. En parallèle, d'autres mécanismes restent à identifier. * 244 L'AC.UA, art. 4 (h) : «Le droit de l'Union d'intervenir dans un État membre sur décision de la Conférence, dans certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité». * 245Ibid., art. 4 (j) : le «Droit des États membres de solliciter l'intervention de l'Union pour restaurer la paix et la sécurité». * 246Les faits furent les suivants : alors que la Constitution burundaise et les Accords d'Arusha (Les Accords d'Arusha de 2000 dont l'UA est garante, sont ceux par lesquels la guerre civile burundaise prit fin) limitent à une seule fois le renouvellement du mandat présidentiel, en avril 2015, Pierre NKURUNZIZA, Président en exercice, annonça sa candidature à un troisième mandat pourtant consécutif (Le président Pierre NKURUNZIZA était carrément anticonstitutionnellement candidat à sa propre succession après son quinquennat déjà renouvelé une fois dont 2005-2010 et 2010-2015. Ce troisième mandat brigué fit l'objet de nombreuses controverses.). Ceci valut au Burundi d'importantes manifestions et un coup d'État manqué malgré quoi les élections eurent lieu. Le 24 juillet 2015, la victoire du Président sortant fut proclamée (Pierre NKURUNZIZA remporta les élections avec 69,41% des suffrages exprimés.). Cette victoire étant contestée par l'opposition, le pays va de nouveau sombrer dans une méchante guerre civile de nombreux mois durant. Le 18 décembre 2015l'UA prend la décision d'y intervenir avec l'envoi d'un contingent de 5.000 hommes pour protéger la population. Initiative vivement réfutée par Pierre NKURUNZIZA qui promet une offensive contre l'UA. Cette intervention du Conseil de Paix et de Sécurité aurait été la toute première dans le genre. Mais en fin de compte il s'en abstint. Voir supra Pascal De GENDT, « L'Union Africaine face aux défis du continent », p.9. * 247 Au terme de l'article 2(2) du Protocole relatif à la création du CPS de l'UA, « Le Conseil de paix et de sécurité est appuyé par la Commission, un Groupe des sages, ainsi que par un système continental d'alerte rapide, une force africaine pré-positionnée et un Fonds spécial. » Cependant, nous n'avons pas fait allusion aux autres entitésénumérées par cette disposition pour la simple raison que qu'elles ne sont nullement des organes originels au sens de l'article (5) de l'AC.UA. |
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