Chapitre 03 : La pédagogie par
expérience
La pédagogie de l'expérience constitue une
partie de notre travail de recherche, dans les passages qui suivent nous avons
tenté de la présenter et de l'expliquer.
3.1. Définition de la
pédagogie :
La pédagogie est l'ensemble des méthodes
d'enseignement et d'apprentissage, qui ont une finalité
éducative, instructive. Selon (Houssaye, 2000 :11) « La
pédagogie est l'enveloppement mutuel et dialectique de la théorie
et de la pratique éducatives par la même personne, sur la
même personne, le pédagogue est avant tout un praticien
théoricien de l'action éducative. »
Concernant l'origine du mot (Alvarez, 2015 : 09) explique
« Le mot « pédagogie » tire son origine du grec,
« paidos » signifiant enfant et par « gogia » signifiant
mener ou conduire. Dès l'Antiquité, la pédagogie fait
référence à la notion d'éducation, elle renvoie de
ce fait à la transmission de connaissance auprès de
l'élève. »
3.1.1. Définition de
l'expérience :
L'expérience selon (Dewey,
2014 :269) : « désigne chez les Grecs une
réserve de sagesse pratique, un fond d'intuitions utiles à la
conduite des choses de la vie. » Pour l'auteur, le mot nature et
expérience sont deux mots unis et il faut s'en servir dans les
démarches scientifiques pour arriver à comprendre certaines
choses.
3.1.2. La pédagogie de l'expérience, un
bref aperçu historique :
Nous retrouvons l'idée d'entraide, les actions, l'outil
d'expérience, le tout dans un but éducatif dans la
pédagogie de (Steiner, 1861, 1925), dans celle de (Dewey, 1859, 1952),
ainsi que dans les travaux de Kolb portant sur l'apprentissage
expérientiel, chez (Freinet, 1896, 1966) et chez (Montessori,
1907).
La pédagogie de l'expérience consiste à
faire une expérience en classe dans un esprit éducatif. Elle a
été crée par Dewey, ce dernier, selon (Houssaye,
2000 : 127) était très influencé par les travaux de
nombreux auteurs : Charles Darwin, Rousseau, Pestalozzi, Herbart et par
Fröbel. L'auteur ajoute que pour Dewey, afin que les individus
évoluent en société, ils ont besoin de l'éducation
et que l'éducation est une nécessité sociale, que Dewey
l'a qualifie de processus naturel. (Idem, 125) ajoute que Dewey et son
épouse ont crée en janvier 1896 « Dewey school
ou laboratory school, [...]l'école expérimentale»
connu en français sous le nom de l'école laboratoire, ensuite en
1993 Dewey a occupé une sacré place dans le mouvement des
écoles progressistes. Houssaye, (Idem) explique que Dewey a
commencé à s'intéresser à l'éducation car en
commençant à enseigner il a constaté que les
problèmes et les échecs scolaire secondaires sont dues aux
méthodes d'enseignement et au contenus des programmes scolaires au cycle
primaire et c'est ainsi qu'il a eu l'idée de créer l'école
laboratoire à l'université de Chicago. (Ibid:128) explique que
pour Dewey « l'éducation constitue un processus naturel et
social, permettant à des groupes sociaux de maintenir leur existence en
recréant les croyances, les idéaux, les espoirs, les joies, les
misères et les savoirs faires.L'éducation au sens large est une
dimension sociale de la vie ».
D'après (Deledalle, 2004) il faut permettre aux
apprenants l'exécution des facultés mentales, physiques, sociales
et personnelles et c'est ainsi qu'ils arrivent à apprendre et c'est
l'action qui est au coeur de l'apprentissage. A ce propos (Houssaye,
2000 :14) explique :
Il faut bien entendu commencer par l'action, puisqu'elle
renvoie directement à la nécessité de la pratique. [...]
On reconnait Freinet comme l'inventeur de multiples techniques (imprimerie,
correspondances, etc.) ; n'oublions pas non plus qu'il a été
obligé de créer une école privée laïque [...]
Dewey n'hésitera pas à créer un laboratoire pour
confirmer, affiner ses idées.
Ce passage vient confirmer les propos de ce même auteur
à propos des observations éducatives ainsi que les constats de
Dewey concernant la cause des échecs scolaires des apprenants qui est
les programmes éducatifs primaires.
(Henri, 2013) précise dans son ouvrage à quel
point Freinet était admirateur de Dewey, en précisant que Freinet
affirme la ressemblance entre sa pédagogie et la pédagogie de
Dewey. (Idem) ajoute que pour Dewey, l'expérience est au coeur de
l'apprentissage. (Dewey, 2006 :42) associe l'expérience à
l'action et affirme : « [...] dans l'action, nous nous livrons
à l'inconscient et au subconscient, à l'instinct aveugle,
à l'impulsion et à la routine que nous déguisons et nous
rationalisons grâce à toutes sortes de titres
honorifiques ». Le but de l'expérience
pédagogique reste dans le cercle de l'apprentissage, c'est à dire
lié au sujet que l'on souhaite apprendre.
La tâche de l'enseignant est de donner des consignes
sans transmettre beaucoup d'explications. L'apprenant cherche à
résoudre le problème soit seul, soit en binôme ou alors en
groupe. Ensuite vient la phase de la mise en commun, pour vérifier les
informations, faire une piste d'échange et de discussion. (Houssaye,
2000 :128) pense en parlant des idées de
Dewey « L'éducation appropriée à une
société démocratique repose sur un idéal : une
reconstruction continuelle de l'expérience qui améliore le
contenu social et qui augmente la capacité des individus à
intervenir dans cette reconstruction ». Cet extrait nous montre
l'importance de l'expérience dans l'éducation pour Dewey.
Selon (Houssaye, 2000) Steiner a créer les jardins
d'enfants, dans lesquelles les institutrice jouent le rôle des
mère en s'inspirant de Fröbel, (idem :115)
ajoute : « Fröbel vise le développement des
sens par le bais de l'imitation et l'expérience communautaire dans une
existence très rythmée [...] avec des matériaux naturels,
l'action est portée sur la création artistique et la
contemplation de la nature ». (Houssaye, 2000) affirme que dans la
pédagogie de Steiner, il n y a pas de place à l'évaluation
ou au redoublement, l'enseignant à la fin de chaque année fait un
rapport concernant le parcours scolaire de chaque apprenant et c'est la
progression de l'apprenant qui guide la méthodologie de l'instituteur et
le contenu des cours. Nous remarquons ici les concepts expérience et
création qui revient nous pouvons ainsi dire que Dewey a
été marqué par Steiner. Nous avons
expérimenté la pédagogie de l'expérience avec notre
public adulte, il n y a pas eu lieu d'évaluation et en fonction des
besoins des apprenants et de leur progression nous avons choisi les
thèmes des cours.
(Alvarez, 2015 :16) nous parle du modèle Kolb,
elle affirme qu'« avec les années le modèle de Kolb,
s'est imposé comme étant le modèle générique
de l'apprentissage expérientiel en se basant sur quatre verbes d'action
: penser, sentir, percevoir et se comporte ». Afin que
l'apprentissage par le bais de cette pédagogie aura lieu, cette
chercheuse explique qu'il impérativement que le public enseigné
vit l'expérience dans un contexte réel, porte une
réflexion ou une critique sur cette expérience et en fin arrive
à synthétiser ce qu'il a appris.
Dans les mêmes idées de Dewey, nous pouvons citer
les théories de Coleman, à son sujet, la chercheuse
(Idem :25) souligne : « pour lui, l'apprentissage
expérientiel n'utilise pas l'écriture pour le transfert de
l'information mais trouve sa place en dehors des salles de classe. On
procède en mettant à l'épreuve ou en on observant les
conséquences de cette action. » Cela explique que
l'expérience pédagogique n'est pas destinée à
être faite dans une classe, mais peut être réalisée
à l'extérieur de la classe et c'est ce que nous avons fait avec
notre public enseigné lors de notre stage.
3.1.3. L'expérience à
l'école :
La pédagogie de l'expérience peut être
utilisée dans une classe au sein d'une école.
(Dewey,2006 :50) explique :« L'école est
pensée comme un lieu concentrant les meilleures conditions possibles
pour qu'aient lieu les expériences les plus diverses ; un lieu dans
lequel les enfants pourront satisfaire leur curiosité naturelle,
aidés par les adultes ». L'école pour cet auteur doit
être alors un environnement qui permettrait la réalisation des
expériences éducative des apprenants. (Selon Hossaye
2000 :129) pour Dewey l'école est une institution sociale et une
communauté de vie elle est là pour simplifier la vie des
apprenants en mettant en place leurs expériences familiales en les
reproduisant afin de mieux les comprendre et d'être capable de les
affronter. De même nous pouvons nous inspirer des idées de Dewey,
de sa pédagogie dans l'élaboration des cours de FLI pour un
public adulte, afin de les aider à s'intégrer socialement et
à s'insérer professionnellement.
(Houssaye, 2000 :128) donne la définition de
l'éducation selon Dewey « elle consiste essentiellement
dans une transmission par communication, c'est-à-dire un processus de
partage de l'expérience jusqu'à ce qu'elle devienne une
procession commune, (Dewey, 1916). », ce passage nous explique
l'importance de l'expérience pour Dewey dans l'éducation qui se
fait par voie orale et donc la place importante de l'oral dans la
pédagogie de l'expérience.
3.1.4. Le rôle de l'expérience dans
l'apprentissage :
A propos des usages de l'expérience dans
l'apprentissage (Henri, 2013 :154) explique « d'après
Dewey, le concept d'expérience fonctionne comme concept central
pour aborder les notions de connaissance, de science ou d'apprentissage».
L'expérience par ailleurs peut être appliquée pour aborder
différents thèmes scientifiques, quotidiens, pédagogiques,
sociaux, etc. D'après (Henri, 2013) l'expérience dans
l'apprentissage est régie par deux points essentiels que Dewey a
fixés : la continuité et l'interaction. (Idem : 154)
explique : « La continuité désigne les conditions
qui permettent au sujet de la connaissance (le moi) d'entrer en relation avec
l'objet de la connaissance. Sans continuité, le sujet ne peut manipuler,
rencontrer, se confronter à l'objet ». Cet auteur qualifie
l'interaction par l'autre face de l'expérience. L'expérience
c'est quelque chose qui peut marquer les individus et donc le public
enseigné, elle peut aussi être ancrée et
enregistrée à long terme dans la mémoire de la personne
qui la vit.
3.2. La pédagogie
coopérative :
La pédagogie coopérative part du principe de
l'entraide, cette pédagogie est incluse dans la pédagogie de
l'expérience car certaines activités sont faites en groupe et en
binôme, ainsi qu'au cours de la mise en commun à la fin de
l'expérience. Il faut citer ici Freinet et Montessori car leurs
pédagogies partent aussi du principe de l'entraide. D'après
(Connac 2009 : 19) la pédagogie coopérative
« c'est un terme générique regroupant plusieurs
pédagogies, dont bien entendu la pédagogie de Freinet, mais aussi
les pédagogies institutionnelles en somme toutes les pédagogies
qui font de l'entraide des sources importantes
d'apprentissage »
3.2.1. L'expérience comme outil
didactique :
L'outil didactique, appelé encore support ou
matériel, doit être utilisé afin d'apporter une aide
à l'apprenant. Dans le cas de la pédagogie de
l'expérience, l'enseignant peut utiliser des objets concrets afin de
permettre aux apprenants de les toucher, de les laisser tâtonner, de les
voir, les sentir, voire même les goûter : fruits,
légumes, robots, couverts, etc. Il peut aussi les mettre dans des
situations réelles comme la sortie à la banque et la sortie au
marché, ce qui nous renvoie à la perspective actionnelle.
(Houssaye, 2000) explique que Dewey rejette les programmes
traditionnels et s'inspire dans l'élaboration de ses cours des
expériences personnelles et sociales de son public enseigné, le
but de l'école de Dewey ajoute l'auteurest que les apprenants
participent au développement de la société
démocratique. L'auteur conclut « Dewey veut relier les
activités d'apprentissage à l'école aux expériences
familiales [...] les occupations comme cuisiner, jardiner, travailler le bois
et le métal, tisser et coudre etc. » (Houssaye,
2000 :131). Le fait qu'un individu apprenne ce genre de choses qui lui
sont familières, les vit et le revoie dans sa vie quotidienne lui permet
de faire un lien entre cet ensemble de choses et de les comprendre
précise l'auteur. Ainsi nous comprenons que le terme occupation
désigne outil didactique pour Dewey.
3.2.2. Les limites et les contraintes de la
pédagogie par expérience
Le manque de temps et
l'hétérogénéité du groupe constituent des
difficultés importantes dans la pédagogie de l'expérience,
en effet il faut plus de temps pour s'occuper des apprenants cas par cas. Le
chercheur (Gherbaoui, 2017 : 64) pense que « afin que les
enseignants remplissent convenablement leur mission il est nécessaire de
connaitre quelles sont les autres formes qui doivent être à
l'origine de l'hétérogénéité et ce pou mieux
répondre aux attentes et aux besoins des apprenants » l'auteur
est de notre avis, et invite les formateur à connaitre son public mais
il pense également que
l'hétérogénéité peut être un avantage
pour les formateur. (Pillan, 2018) estime que la solution pour
l'hétérogénéité du groupe serait
l'application des idées de besoins en s'inspirant de la pyramide des
besoins de Maslow que nous avons cité dans le corps de notre
mémoire, mais comme nous l'avons mentionné, Maslow a
élaboré cette pyramide en s'inspirant de la culture occidentale,
appliquer certains thème dans une classe de FLI pourrait choquer,
freiner et démotiver ce public étrangers (orientale, etc.).
L'enseignant dans la pédagogie de l'expérience
est par ailleurs un peu partout et nulle part en même temps : il
doit être attentif, doit apporter de l'aide à chaque apprenant et
faire des retours réguliers durant l'expérience. Lorsque les
apprenants sont nombreux, cela s'avère difficile d'avoir un oeil sur
chaque groupe et sur chaque apprenant. Lorsqu'il s'agit d'une activité
de groupe (Pillan, 2018) explique qu'il ne faut pas que l'activité en
question freine la progression de certains apprenants car ils restent passifs
et comptent sur leurs camarades pour la réalisation des tâches,
cette auteure souligne l'importance de la mise en place des consignes, des
conditions et règles de la part de l'enseignant pour la
réalisation d'une tâche quand il s'agit d'un travail de groupe ou
en binôme.
La pédagogie par l'expérience demande donc
beaucoup d'énergie. Se rajoute à cela le manque de moyens,
certaines expériences nécessitent un matériel
spécifique que l'on ne retrouve pas toujours dans une classe.
Il faut aussi souligner que certaines notions sont invisibles
à l'oeil nu, abstraites, que l'on ne peut pas toucher, expliquer ou
montrer. De plus, certaines expériences peuvent être dangereuses
et nécessitent une immense attention pour la sécurité des
apprenants, notamment les sorties de découvertes, etc., c'est ce que
nous avons constaté.
3.2.3. La place de la pédagogie par
l'expérience dans l'enseignement du FLI
Les sciences cognitives ont identifié quatre facteurs
pour que l'apprentissage soit optimal, d'après (Dehane, 2013) :
l'attention, l'engagement actif ou l'implication, le retour d'information et la
consolidation.
Les méthodes actives initiées au début du
XXe siècle favorisent l'implication des apprenants car elles leur
permettent d'être acteur de leur apprentissage.La pédagogie par
expérience, pédagogie purement active, permet aux apprenants de
construire leurs connaissances à travers une réalisation
concrète. Pour qu'il y ait apprentissage, cette réalisation doit
répondre à une problématique qui suscite leur
intérêt. Pour les enseignants, l'usage de la pédagogie de
l'expérience au sein de la classe implique de laisser le temps aux
apprenants de s'engager dans la tâche demandée,
d'expérimenter de faire des erreurs, puis de surmonter les obstacles
rencontrés pour construire peu à peu leurs apprentissages, cela a
pour effet de favoriser leur envie d'apprendre sans attendre de
récompense.
Etant donné du manque de travaux sur notre corpus, nous
avons identifié aucun auteur qui aborde cette problématique.
La méthodologie par expérience invite les
enseignants à modifier leurs approches pédagogiques afin de
favoriser l'autonomie et l'implication des apprenants et donc donner du sens
à leur apprentissage. Le choix des thèmes à enseigner pour
nous doit être choisi avec un grand soin en analysant les besoins
culturels, grammaticaux, linguistiques etc., de son public, afin d'enrichir ou
améliorer leurs lacunes, en se basant de préférence sur la
pyramide des besoins de Maslow.
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