2- La régulation de l'IA face à la
concurrence internationale : atout ou faiblesse de l'Union ?
Un des enjeux majeurs de cette réglementation est de
trouver l'équilibre entre la régulation de l'IA et l'essor de
l'innovation. Cette question relève de nombreuses difficultés
entraînées par une nécessaire concurrence entre les
Etats-membres. Les fournisseurs sont forcés de proposer de nouvelles
solutions technologiques nécessitant en contrepartie un plus grand
contrôle.
Ainsi, les autorités estiment qu'il est indispensable
d'ajouter à ce règlement un accompagnement à l'innovation
pour aider les entreprises à rendre l'intelligence artificielle utile
à leur productivité tout en respectant des exigences de
protection. A l'initiative du régulateur, cet appui doit permettre aussi
bien au niveau national qu'européen, d'obtenir une vision
équilibrée entre le respect de l'harmonisation
règlementaire de l'Union et la valorisation du progrès
technique.
Cet accompagnement est d'autant plus nécessaire car les
entreprises des Etats membres craignent que les règles protectionnistes
européennes ne soient pas intégrées à
l'échelle internationale. Ainsi, respecter les normes de l'IA Act et du
RGPD dévaloriserait les entreprises européennes face à la
concurrence internationale. En effet, les grosses entreprises
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américaines et chinoises ne voient aucun
inconvénient à utiliser des techniques parfois discriminatoires
pour pouvoir être avantagées sur le marché de l'innovation.
Ainsi, des techniques spécifiques telles que celle du scrapping
(collecter un très grand nombre de données sur un site web) sont
utilisées. Cependant, de nature discriminatoire, ces techniques sont
prohibées par les exigences européennes. La question est de
savoir s'il existe une réglementation de l'IA pour ces autres pays ? A
l'internationale, la régulation de l'IA proposée par l'Union
européenne a beaucoup inspiré les autres Etats, perçue
comme «chef de fil» en la matière. Cependant, certaines formes
d'Etat ou les régimes politiques adoptés freinent cette
adaptation, à l'instar des Etats Unis qui, par son
fédéralisme rencontre des difficultés à
éradiquer les pratiques discriminatoires de chaque Etat
fédéré, créant des écarts de concurrence et
d'innovation.
Pour revenir à l'échelle européenne, les
autorités européennes doivent donc, à travers cette
nouvelle réglementation, s'affirmer face aux défaillances des
Etats tiers. Dans cette optique, l'accompagnement doit d'abord se faire au
niveau interne pour pouvoir conformer l'équilibre recherché
à la réalité de chaque Etat membre et des problèmes
qu'ils rencontrent.
L'enjeu organique de cette régulation s'apparente
à l'enjeu normatif dont l'idée première est
d'acquérir une conformité transversale de l'intelligence
artificielle. Bien que des autorités de protection détiennent ce
rôle de régulateur, cet enjeu concerne tous les acteurs
confrontés à l'IA, tels que les juristes, les ingénieurs,
les scientifiques de données, les corps de métiers relatifs
à la production ou l'industrie. Par conséquent, plus il y a
d'agents plus l'harmonisation est difficile à trouver. Toutefois, les
risques relatifs à l'éthique sont si importants qu'ils pourraient
presque affecter l'essence même des valeurs démocratiques d'un
Etat. Ainsi, les chercheurs en la matière ont tenté de trouver
des solutions.
Isabelle Budor, directrice associée de l'éthique
et la vie privée chez Capgimini (entreprise française de service
numérique) évoque dans un article, la possibilité de voir
plus tard émerger un post spécialement dédié
à l'éthique et à la conformité de l'IA. Ce
rêve pourrait bien devenir réalité avec
l'élaboration du Comité européen de l'IA instauré
par l'IA Act. Cependant, son efficacité dépend en grande partie
des comportements antérieurs à son entrée en vigueur. Il
faut donc que cette régulation soit fluide et fondée sur un
« langage commun» et «des compromis entre les
priorités» pour qu'elle reste un atout de l'Union européenne
et ne devienne pas son talon d'Achille.
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