B- Une approche sceptique sur l'organisation
institutionnelle
Les autorités de protection pointent du doigt la mise en
oeuvre du gouvernement que propose ce règlement (1) pouvant
s'avérer décisif dans son rôle au sein de la concurrence
internationale de l'IA (2).
1- La nécessité d'un gouvernement
organisé
Le titre VI du règlement est consacré à
la gouvernance et sa mise en oeuvre. Cette gouvernance se fait au niveau
national et européen. Dans cette disposition, la Commission
évoque l'idée de créer un Comité européen de
l'intelligence artificielle, composé de représentants de chaque
Etat-membre. Son rôle sera de fluidifier et harmoniser la mise en oeuvre
dudit règlement en privilégiant une coopération avec les
autorités nationales chargées de contrôler au niveau
national l'application de ce règlement.
Cependant, la CNIL et ses homologues considèrent que
les modalités d'exercice de ce pouvoir ne sont pas
précisées dans ce règlement. Le Parlement européen
rejoint cette pensée en reprochant une absence de précisions
concernant notamment son financement, son organisation et ses missions autour
de l'intelligence artificielle. Or, cette définition est
nécessaire pour garantir son indépendance et renforcer ce pouvoir
de contrôle qu'il exerce en collaboration avec les autorités
nationales. Ce comité devra également s'imposer face au
comité européen spécialisé dans la protection des
données personnelles en général. En effet, le défi
est d'adopter une même approche européenne dans l'exercice de son
contrôle, tout en respectant son champ d'application réduit
uniquement à l'intelligence artificielle pour éviter des
confusions de compétence pouvant impacter sur la sécurité
juridique des consommateurs. Tout comme au niveau réglementaire, une
articulation est nécessaire entre les différents organes de
contrôle lorsqu'ils défendent les mêmes valeurs
européennes.
Cependant, la CNIL remet en cause cette organisation et penche
vers la volonté de fusionner les autorités indépendantes.
Ainsi, une seule autorité de protection viendrait contrôler
l'intelligence artificielle au niveau national et européen. L'objectif
est de créer un cadre
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cohérent de protection réglementaire de l'IA et
d'éviter la multiplication inutile d'autorités de protection qui
exercent le même contrôle.
En outre, certains estiment que l'intelligence artificielle
nécessite un régulateur compétent et
expérimenté. Ainsi, créer un nouvel organe
spécifiquement consacré à ce domaine pourrait porter
atteinte à la sécurité juridique et révéler
des complexités administratives. Or, cela s'opposerait à
l'objectif d'harmonisation consacré par cette réglementation et
ainsi dégraderait l'idée de conserver la confiance des usagers
vue «non pas comme un luxe, mais une nécessité
absolue» (Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission
européenne).
Dans le domaine de l'IA, la mise en place d'un
régulateur est pertinente pour assurer son contrôle au niveau
national et européen mais en est-il de même à
l'échelle internationale?
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