Chapitre II : Le cadre juridique et la portée de
la coopération militaire
Ce chapitre se propose de préciser le cadre juridique
et la portée des accords de défense en se référant
à l'histoire des relations bilatérales. Nous tentons après
un bref historique des indépendances et de relier des expériences
actuelles à travers le monde. Aussi, il délimite le cadre de
notre étude allant de la période de l'indépendance du
Gabon avec la signature des accords de défense jusqu'en 2010 qui a vu
l'approbation des accords de nouvelle génération appelé
les accords de partenariat de défense signé en février
2010.
I- La mise en place du cadre juridique
Une fois que les accords de coopération entre les deux
Etats avaient été signés le 17 août 1960, date de
l'indépendance du Gabon, il ne restait plus qu'à mettre en place
les mécanismes qui devaient permettre leur fonctionnement ou la mise en
pratique de ces accords. Pour cela, il faut dire que rien n'a été
facile, car les deux pays se sont mis d'accord sur les anciennes structures
militaires coloniales par des conventions en matière de
défense.
A- Les accords et les conventions en matière de
défense
Les accords et les conventions en matière de
défense rentrent dans le cadre de la coopération militaire
bilatérale. Encore faudrait-il bien cerner, du point de vue juridique,
la nature d'un tel partenariat. En effet, il n'y a pas une définition
juridique précise de la notion d'accord bilatérale de
défense comme le dit Mireille Flore Mengue Moto, dans son ouvrage «
la coopération militaire entre la France et le Gabon » (2017, p.
294). En principe, elle fait référence aux accords et aux
traités conclus par la France et dont le contenu prévoit une
clause relative à l'exercice du droit de légitime défense
par un Etat agressé ainsi qu'aux conditions d'assistance que les parties
se prêtent, à titre réciproque où non
réciproque pour exercer ce droit. Déjà sur le plan
théorique, un flou subsiste sur la portée exacte de ces accords.
C'est dans cet esprit que le même auteur fait référence du
discours de François Mitterrand au sommet franco-africain de la Baule en
juin 1990 qui affirmait que le rôle de la France n'était pas
d'intervenir dans les conflits intérieurs d'un Etat.
Cela précisé, les accords de coopération
militaire entre la France et le Gabon comme avec les autres pays de l'Afrique
francophone sont constitués de conventions et d'articles qui concernent
deux grands domaines : Le domaine de la défense et le domaine de
l'assistance militaire technique. Dans les premiers, il y a les conventions qui
touchent directement la défense, ceux qui concernent l'aide et les
facilités mutuelles en matière de défense commune
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et les conventions sur les matières premières et
stratégiques. Les deuxièmes concernent la mise sur pied des
forces armées et le transfert du personnel, la formation des personnels
militaires et le statut des assistants militaires. L'accord de défense
repose sur le principe selon lequel :
La défense, tant intérieure
qu'extérieure, du Gabon dépend de la seule République
Gabonaise. Celle-ci peut avec l'accord de la République Française
fait appel aux forces armées pour sa défense intérieure et
extérieure. La République Française et la
République Gabonaise préparent et assurent en commun leur
défense et celle de la communauté dont elles font partie. Elles
se prêtent à cet effet, aide et assistance et se concertent d'une
manière permanente sur les problèmes de défense. La
République Gabonaise à la responsabilité de sa
défense intérieure. Elle peut toutefois demander à la
République Française une aide dans les conditions définies
par les accords spéciaux.
On remarque que, à travers les articles de l'accord
franco-gabonais, l'application de l'accord ne dépend en fait que de la
seule volonté de Paris. Il est bien précisé à ce
propos que le Gabon ne peut faire appel aux forces françaises qu'avec
l'accord de la France. Donc l'invention de la France au Gabon n'est pas une
obligation. La France se réserve le droit où pas de ne pas
intervenir. Ce qui parait d'ailleurs désavantageux pour le Gabon est un
privilège pour la France. Cela semble d'autant plus ambigu du fait que
dans l'article 3 de la convention, pour la défense intérieure, la
mise en pratique de l'accord dépend des conditions définies par
des accords spéciaux. Donc, les clauses par lesquelles la France peut
accepter de participer à des opérations de maintien de l'ordre,
restent secrètes. C'est-à-dire qu'elles ne sont pas
publiées au journal officiel. Etant donné qu'elles ne sont pas
mises à la portée du public, les engagements français,
peuvent dépasser les simples assistants militaires. Or les accords
secrets qui ne sont ni ratifiés par le parlement, ni publiés au
journal officiel, et enregistrés au secrétariat de l'ONU en vertu
de l'article 102, de la charte des Nation-Unies ne peuvent être
qu'illégaux en droit international. La France ne peut donc pas s'en
prévaloir. Certaines clauses secrètes des accords de
défense franco-gabonais prévoient de la protection
rapprochée du chef d'Etat. A cela, les accords de défense ne font
pas une véritable distinction entre la stabilité du pays et celle
du régime en place. De même, les procédures de demande
d'aide ne sont pas connues. Alors, à qui doit-on demander de l'aide ?
Pascal Chaigneau (1984, p. 28) nous répond à ce sujet :
L'aide indirecte, est pour sa part, accordée sous la
demande du chef du gouvernement africain ou malgache par l'ambassadeur de
France par des pays après l'avis du général
français délégué pour la défense de la zone
d'outre-mer. La demande d'intervention directe est quant à celle
adressée par son homologue africain ou malgache au président de
la République Française par l'intermédiaire de
l'ambassadeur de France sur le bureau duquel une requête aura
été déposée. Si la finalité de la
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demande est positive, un Etat-major mixte doit être
immédiatement créé en vue d'entreprendre et d'harmoniser
les opérations militaires.
On décèle à travers ces propos la
précarité de la convention. On distingue deux problèmes :
celui pour le chef d'Etat africain qui est un espoir d'assurance tout risque
afin de se perpétuer au pouvoir d'après P.-F. Gonidec (1978, p.
261-287). Pour la France, la position d'intervenir légalement pour
maintenir en place des alliés dont les successeurs pourraient
dénoncer les relations privilégiées ou, au pire des cas,
s'orienter vers l'Est. De ce fait, sur le plan de la défense
extérieure, en dépit de l'absence d'accès aux sources, on
précise par ailleurs que les conventions n'imposent dans la
réalité aucune restriction à la volonté
d'intervention du gouvernement français du fait d'une définition
extrêmement large de la notion de défense et celle de l'agression.
A partir de ce moment, le gouvernement français peut ne pas apporter son
intervention dans les régimes amis qui sont sous la menace
extérieure ou même par une opposition intérieure dont il
est possible d'évoquer les soutiens à l'étranger. Au cours
d'un colloque lors de la politique du général de Gaulle, Pierre
Dabezies précise au sujet des accords de défense que « Des
quinze Etats issus de l'ancienne union française, onze se lient à
ce domaine. En premier lieu, les six Etats membres rénovés qui
signent des accords de défense mutuelle, ces derniers, pour cinq d'entre
eux, s'appliquent également pour l'ensemble de la communauté
[...] Pour quatre de ces Etats, l'engagement de la défense mutuelle est
automatique en cas d'agression extérieure. Par contre, le
Sénégal et le Gabon restent libre ou non de faire appel à
la France qui, de son côté peut refuser d'intervenir » selon
P. Dabezies (1980, p. 237-238). Ainsi, les accords de défense en ce qui
concerne le Gabon, ne sont nullement automatiques. La France conserve alors un
pouvoir incontournable en matière d'intervention. Elle peut ou non se
porter au secours du Gabon sur appel de l'Etat gabonais (1993, p. 393) K.
Kouassi, ce choix est laissé à libre appréciation de
Paris. Pierre Mesmer souligne dans le journal du monde que « aucun
gouvernement africain ne peut obliger le gouvernement français à
engager ses hommes. Il n'y a là ni un droit pour les africains, ni un
devoir pour la France » selon Le monde du 1er octobre
1964. Dans la composition des forces de défense des deux pays, l'accord
de défense dispose que les forces armées gabonaises et les forces
armées françaises participent, sous un commandement unique,
à la défense extérieure de la communauté en ce qui
concerne les accords de défense. Dans l'article premier de la convention
franco-gabonaise, il est mentionné que « Les problèmes
généraux de défense de la communauté sont
traités en conférence des chefs d'Etats et de gouvernements
», l'article 2 stipule que « un comité de défense
paritaire et permanent sera constitué pour préparer le plan de
défense et coopération entre la République
Française et la
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République Gabonaise, notamment dans le cadre de la
défense extérieure6». Au-delà de l'accord
de défense franco-gabonais qui pose les principes de défense
entre les deux pays, il y a aussi la facilité mutuelle de défense
commune.
Pour la réalisation de l'aide à l'assistance,
les deux Etats se sont convenus dans l'accord que tous les concours soient
réunis pour l'exercice de leurs responsabilités. La France a
l'autorisation de circuler librement dans l'espace aérien et dans les
eaux territoriales de l'Etat gabonais. Elle peut cependant réaliser des
installations et faire usage des balisages nécessaire sur le territoire
et dans les eaux territoriales de la République Gabonaise.
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