B- La création des forces armées gabonaise
comme fondement de souveraineté du nouvel Etat
La création d'une armée pour des nouveaux Etats
apparue, au départ comme un symbole de souveraineté, c'est un
moyen d'assurer la défense et l'intégrité de son
territoire. Ainsi, au moment de l'indépendance du Gabon, la France signe
avec l'ancienne puissance les accords de coopération dans les domaines
variés. Dans les domaines militaires, deux sortes de textes juridiques
lient les institutions entre elles : ceux qui légalisent l'assistance
militaire technique et ceux qui légitiment une intervention
française au Gabon.
D'une part, on se retrouve avec, les accords d'assistance
militaires techniques et d'autre part, les accords de défense. Les
premiers accords visent la formation des militaires gabonais en France et dans
leur pays, l'aide financière et équipements à apporter au
Gabon. Les deuxièmes types d'accords permettent à la France
d'intervenir au Gabon en cas d'attaque ou de menaces pour défendre
l'intégrité territoriale ou rétablir l'ordre dans le pays.
A ce propos, les éléments français au Gabon (EFG) se
trouvent pré-positionnés à Libreville dans la capitale
gabonaise, à Port-Gentil dans la capitale économique et à
Franceville chef-lieu de la province du Haut-Ogooué. Dans cette
perspective, les nouvelles autorités politiques gabonaises ont
d'emblée fait de cette structure léguée par la puissance
coloniale le symbole par excellence de la souveraineté. C'est dans ce
contexte que la loi N° 4/PM fut puisée et l'armée gabonaise
fut créée officiellement le 6 décembre 1960. Ce transfert
soulignait Léon Mba cité par Jean-François Owaye
(1958-1960) « Marquait une nouvelle étape dans la voie de la
réalisation militaire qu'il s'était fixée pour sa
défense nationale en plein accord avec le gouvernement français
». Les forces armées gabonaise (FAG) rassemblent très vite
les éléments gabonais dispersés jusque-là dans les
différents corps armées français et principalement de la
2ème compagnie du 21e (Bataillon d'infanterie de
la Marine) BIMa basé à Libreville. Ces éléments
formèrent par la suite le 1er Bataillon d'infanterie gabonais
basé au camp Ntchorere (Libreville), composé de la
1ère compagnie de combat et du centre d'instruction et
comptait en tout un effectif total de quatre cents hommes (Cf. Annexe).
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Tableau 1 : Récapitulatif de la mise en
place des forces armées gabonaises (1962-1963).
Unités à créer
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Dates prévisionnelles de
création
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Etat-major de la défense nationale et des forces
armées
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Du 1er juin au 1juillet 1961
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Gendarmerie nationale
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1er août ; 1er a1962 ; 1er
août 1963
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Détachement de garnison à Libreville
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1er juillet 1961
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Rame de transport
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1er juillet 1961
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Détachement de transmission
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1er janvier 1961
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Armée de l'air
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Du 1er janvier 1961 au 1er janvier 1962
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Bataillon d'infanterie
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1er janvier 1963
|
Source : SHAT, note n° 33607/DAG du 15
décembre 1960 portant la mise sur pied de l'armée nationale
gabonaise de l'aide militaire, citée par Mireille Flore Mengue Moto
(2017, p. 40).
Alors, la question est de savoir qu'est-ce qu'une armée
? A quoi sert-elle ? Et quelles sont ses missions ? Par définition, une
armée est une organisation structurée d'individus visant à
conquérir ou à défendre un territoire, détruire ou
protéger d'autres unités militaires ou des unités civiles.
Son rôle est de sécuriser le territoire national et de
protéger les citoyens.
Par ailleurs, elle doit participer à l'enracinement du
« sentiment national » en demeurant un creuset de l'unité
nationale et une force au service exclusivement de la nation. C'est dans cette
optique que Napoléon Bonaparte disait (1768-1821) « l'armée
c'est la nation ». Une armée est l'expression de la force au nom du
droit pour assurer la sécurité. Ses organisations sont
composées d'acteurs, hommes en uniformes rémunérés
par des soldes et appartenant à des divers corps (armée de terre,
de l'air, gendarmerie nationale et bien d'autres).
Ces analyses mettent l'accent sur les équipements,
l'organisation, le commandement, le financement de l'armées gabonaise,
et le niveau technologique des armements. En août 1961 au lendemain de
son indépendance, le Gabon acquiert son autonomie militaire le Mardi
à 10h voir mémorial du Gabon (1960) et reçoit de la part
de l'Etat français par l'intermédiaire de son ambassadeur
Risteruci, la première compagnie. Selon la loi n°19/61 du 12 mai
1961 portant organisation de la défense du territoire de la
République Gabonaise. Cette loi fit obligation à tous citoyens de
participer à la défense du Gabon. C'est ainsi pourquoi les forces
de défense doivent être appuyées, soutenues par le peuple.
Si en 1960, le système ne comprenait que l'armée de terre et la
gendarmerie nationale (décret 4/PM du 6 décembre 1960, article
1er), les années suivantes ont apporté des changements
importants avec la création de l'armée de l'air, de la marine
nationale, et des unités spécialisées comme (la Garde
présidentielle-devenue Garde Républicaine en 1996,
sécurité pénitentiaire, sécurité mobile
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actuellement incorporé dans la police, aviation
légère des armées et d'autres forces parapubliques).
« Il s'est confirmé que dès la mise sur pied de sa
défense en 1960, le Gabon comme bon nombre d'Etats africains
échaudés par le cycle des pronunciamientos, Jean-François
Owaye (2011) et autres coups de force militaires déclenchés dans
les années soixante et dont il a été victime en
février 1964 ». Comment expliqué un tel
événement quelque temps après son indépendance ?
Le coup d'Etat militaire dirigé par les lieutenants
Valère Ondo et Jacques Mombo s'était produit le 12 février
de la même année. D'abord, victorieuse après l'arrestation
de Léon Mba et la constitution par le nouveau comité
révolutionnaire d'un gouvernement provisoire à la tête
duquel avait été porté Jean-Hilaire Obame, la tentative se
solda finalement le 19 février par un échec à la suite de
l'intervention des troupes de la communauté. Ce que le professeur Moise
N'sole Biteghe appela « échec aux militaires au Gabon »
(1964). Cette intervention, après un communiqué français,
était motivée par le fait que le mouvement de subversion n'a pas
été suivi par la population gabonaise. En effet, les accords
passés avec le Gabon, le gouvernement français avait l'obligation
de prêter aide et assistance au gouvernement légal de la
République du Gabon. Il l'a fait sur demande présentée par
la voix diplomatique à la personne de Paul-Marie Yembit, alors
vice-président du gouvernement. Pour les militaires, le
rétablissement des libertés publiques paraissait le
communiqué du comité révolutionnaire du 18 février
le principal motif de leur action.
Mais s'il est difficile de savoir exactement qui, de
l'armée ou de l'opposition a été à l'origine
directe de ces événements, il n'en demeure pas moins vrai que le
climat politique du Gabon était propice. Le processus qui tendait
à l'élimination de l'opposition semblait avoir atteint son but,
et c'est dans ce contexte qu'il convient de situer le coup d'Etat. La
période de l'indépendance constitue le point de départ de
cette analyse, qui justifie le transfert juridique des compétences de
l'armée gabonaise.
Au terme de ce chapitre qui porte sur les déterminants
historiques et stratégiques de la coopération franco-gabonaise en
matière d'armement et d'équipements des forces de défense,
nous avons montré que la coopération militaire entre la France et
le Gabon a été déterminée par des raisons
historiques, l'indépendance du Gabon en 1960, et stratégiques, la
nécessité pour la France d'affirmer sa présence dans son
pré-carré en aidant ses colonies de mettre en place leurs outils
de défense. Au total, le Gabon s'est avéré une politique
stratégique pour la
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politique militaire de la France en Afrique. La France s'est
appuyée sur un arsenal juridique préparé par elle et
signé par le Gabon, le 17 août 1960.
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