II- Une réponse aux enjeux des années
1960
En 1960, lors de l'accession du Gabon à la
souveraineté internationale, la colonisation légua à
l'ancienne puissance et au nouvel Etat indépendant une longue
expérience qui permettait de matérialiser ce qui a
été convenu dans les accords de défense. Ainsi, les forces
armées gabonaises prient naissance par un décret-loi 4/PM/1960
sous les décombres des anciennes structures, qui pouvaient constituer la
défense du pays. Pour gérer la coopération, les
rôles furent repartis entre les deux institutions étatiques selon
ce que nous dit Mireille Flore Mengue Moto (2017, p. 78), d»une part,
l'indépendance et d'autre part, la création des forces
armées gabonaises.
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A- Une coopération militaire comme déterminant
des nouveaux rapports franco-gabonais
Il est évident que lorsque deux Etats signent des
accords, chacun cherche en à tirer le maximum de profil. Comme la
France, le Gabon avait sa représentation des relations militaires qu'il
y eut avec la France. Quels sont les éléments qui, aux yeux des
dirigeants gabonais ont favorisé l'établissement des liens
militaires avec la France ? Le Gabon qui acquiert son indépendance
s'achemine doucement vers un processus de démocratisation en conservant
les liens étroits avec la métropole. En effet, en décembre
1959, au retour du conseil exécutif de Saint-Louis, Léon Mba,
désormais ainsi rassuré exprime son sentiment. Discours le 16
août 1960, à 23h58 avant la proclamation de
l'indépendance.
Nous savons que l'indépendance est à
portée de notre main, dit-il. Il ne reste qu'à nous de la prendre
dans l'amitié avec la France... Je suis un pragmatique, un homme qui
tient compte des réalités, qui adapte sa conduite aux besoins
réels de son peuple.
C'est dans ce sens que les relations militaires
établies entre la France et le Gabon en 1960, dès l'accession de
cette dernière à la souveraineté internationale,
étaient fondées sur la base de la bilatéralité,
c'est-à-dire qu'elles ne concernaient que la France et le Gabon. C'est
ce qui se dégage dans les termes des textes juridiques de 1960 qui,
jusqu'à une date très récente, régissaient ces
rapports militaires entre les deux pays. Pendant longtemps, la mise en pratique
de ces textes reflétait cette bilatéralité et la
coopération militaire franco-gabonaise a longtemps fonctionné de
cette manière jusque dans les années 1990 ou les
événements géostratégiques internationaux
contraignent la France à revoir l'orientation de cette
coopération bilatérale, vers une coopération
multilatérale faisant intervenir des nouveaux acteurs et des nouveaux
objectifs. C'est à ce titre que Michel Debré4 dans une
lettre du 15 juillet 1960 fait savoir que « La France donne
l'indépendance à condition que l'Etat, une fois
indépendant s'engage à respecter les accords de
coopérations signés antérieurement. Il y a deux
systèmes qui entrent en vigueur simultanément,
l'indépendance et les accords de coopération l'un ne va sans
l'autre ». C'est à la suite de tout cela que la France et le Gabon
signèrent les accords de coopération à la veille de
l'indépendance pour garantir la continuité des liens entre eux. A
ce propos, les accords de défense justifient la présence
française au Gabon et encadrent la gestion des matières
premières stratégiques et lui ont donné droit d'intervenir
au Gabon en cas d'agression ou de grave crise.
4 Premier ministre français à l'époque.
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Ainsi, après avoir fait partie de la
Fédération de l'Afrique Equatoriale Française (AEF) de
1910 à 1958, le Gabon écrit une nouvelle page de son histoire le
17 août 1960. André Malraux dit à ces propos « Ce
n'est pas un transfert d'attribution, c'est un transfert de destin. » Il
s'agit en effet, de la huitième colonie française à suivre
cette voie depuis le début du mois d'août. Le Gabon qui avait
obtenu l'autonomie relative en 1956, avec l'adoption du suffrage universel,
était devenu une République membre de la communauté
française à la suite d'un referendum tenu en 1958. Léon
Mba devenu président de la République pour un mandat de sept ans,
une nouvelle constitution fut adoptée par l'Assemblée nationale
le 2 février 1961. Un nouveau paysage politique s'ouvre pour le Gabon
lorsque l'ambassadeur français Risteruci abandonna le palais au nouveau
président gabonais5. Pour la première fois, les
représentants des puissances étrangères sont à
Libreville pour porter témoignage aux yeux du monde de
l'indépendance de la République Gabonaise qui a été
négociée à Paris au début du mois de Juillet.
Mais comment comprendre la notion d'indépendance ? Elle
désigne tout autre Etat ne dépendant pas d'un autre. Elle est
apparue en tant que concept politique suite à la déclaration de
l'indépendance des Etats-Unis (1776). Par définition, le petit
robert de la langue française (2017, p. 1312) définie
l'indépendance comme étant « l'émancipation des
colonies. » Une émancipation qui voudrait que les colonies soient
plus autonomes et libre, de choisir, de décider et d'organiser la vie
politique, économique et sociale de leurs Etats. Or dans le contexte
international, elle désigne l'Etat juridique auquel ont
accédé des anciens territoires coloniaux pour acquérir
tous les attributs de la souveraineté étatique. Cette accession
au rang de l'Etat leur a ouvert, entre autre, prérogatives, la
faculté de déterminer et de conduire une politique
étrangère. Mais encore, faut-il que cette faculté puisse
être exercée librement. Aussi, l'indépendance
désigne-t-elle la capacité d'un Etat à disposer d'une
politique étrangère effective (dont ses instances
compétentes arrêtent les grandes lignes et pilotent la mise en
oeuvre sans ingérence ou immixtion d'un autre Etat) souligne H. Adear
(p. 47). Dans quel contexte, les forces armées gabonaises se
construisent?
5 Ancien Haut-commissaire du Gabon, devenu le premier
haut-représentant de la France, ambassadeur auprès de la
République gabonaise.
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