II.2. THEORIE DU CAPITAL HUMAIN
Dans un monde où l'innovation et l'apprentissage sont
en pleine expansion, comme c`est le cas dans le contexte actuel de
mondialisation, la compétition est de plus en plus rude et un certain
degré de compétences tend de plus en plus à être
exigé chez les travailleurs potentiels pour qu'ils puissent
espérer trouver un emploi. Cela reflète la théorie du
capital humain dont les prémisses ont été lancées
par les économistes Adam Smith (Recherches sur la nature et les
causes de la richesse des nations 1776), Irving Fisher, Alfred Marshall,
Theodore Schultz. La théorie du capital humain a connu son
véritable envol grâce à l`ouvrage « Human Capital,
A Theoretical and Empirical Analysis » de l`économiste
américain Gary Stanley Becker paru en 1964 (ce qui lui a valu le prix
Nobel d`économie en 1992) et approfondi dans la 3ème
édition en 1994. Si Adam Smith (1776) a cherché à
démontrer que le degré de compétences des travailleurs
favorise la richesse des individus et des nations, Schultz a utilisé la
théorie du capital humain pour montrer le lien étroit entre
croissance économique et investissement en capital humain, notamment en
éducation. Becker, quant à lui, a poursuivi en affirmant que la
différence de rémunération entre les salariés est
inhérente aux dissimilitudes dans la formation en capital humain qu'il
considère comme principal facteur de
rémunération.41
La théorie a ainsi permis d'établir que
l'individu a intérêt à investir dans la formation,
l'éducation, la santé, etc. pour augmenter sa chance de trouver
un emploi, sa productivité et éventuellement sa
rémunération. Hall (1966)42 critique la théorie
du capital humain. Selon lui, des employés de même qualification
dans une même entreprise souffrent de discriminations salariales. Spence
(1981)43 explique que par manque d'information sur les
compétences du travailleur, les entreprises se basent sur la
qualification pour appréhender certains indicateurs non mesurables comme
la motivation, l`intelligence, le potentiel d`adaptation ou de formation
(théorie du signal).
Plusieurs travaux empiriques ont ainsi essayé de
mesurer l'influence des variables du capital humain sur l'insertion à
l'emploi. Njikam et al. (2005) montrent que les variables liées au
capital humain et à l`environnement individuel expliquent faiblement le
revenu des camerounais. Cependant, ces variables expliquent plus le revenu des
adultes que des jeunes. Cissé (2005), dans une étude
réalisée au Sénégal avec les données du
Questionnaire Unifié d`Indicateurs du Développement (Quid 2001),
trouve un impact positif du capital humain sur
41 VERNIERES Michel, Economie des tiers
monde, Economica, Paris, 1985
42 Cité par Zerbo (2006)
43 Cité par Zerbo (2006)
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l'insertion à l`emploi au Sénégal. Sa
revue de littérature théorique et empirique a montré qu'au
Sénégal, l'éducation permet d'améliorer la
croissance économique par le dynamisme du capital humain et qu'au niveau
individuel, l'éducation augmente les chances de chercher du travail et
d`en être insérer. Avec une estimation économétrique
basée sur un modèle logit binaire, l`auteur a trouvé qu`au
Sénégal, plus l'individu est instruit, plus il a de chances
d'être insérer à l'emploi.
Boutin (2010) effectue une autre étude au Cameroun avec
les données de l`ECAM 3 réalisée en 2007 où elle
analyse les déterminants de l'insertion à l`emploi à
l'aide d'un modèle probit. Ces résultats révèlent
que la probabilité d'insertion à l`emploi est plus
élevée pour les individus de niveau d'éducation primaire
ou secondaire comparée aux individus sans niveau d'instruction ou ceux
de niveau supérieur. Boutin a également estimé deux
modèles séparés suivant le niveau d'éducation et
conclut que l'influence des autres variables est identique que l'individu soit
peu éduqué ou très diplômé. Cependant, cette
dernière estimation montre qu'un handicapé très
diplômé a trois fois moins de chances d'être
inséré à l`emploi qu'un handicapé sans niveau
d'étude car pour lui, il ne fera pas le choix du boulot.
Nordman et Doumer (2012) trouvent des résultats
opposés à ceux de Boutin sur le lien entre niveau
d'éducation et insertion à l'emploi. A partir des données
de l`enquête 1-2-3 réalisée entre 2001 et 2003 dans sept
capitales de la zone UEMOA (toutes les capitales exceptée Bissau), les
auteurs trouvent à l'aide d'une modélisation logit qu'à
Lomé, Cotonou et Abidjan, on note une corrélation positive entre
le chômage et le niveau d'éducation, les chances de chômer
augmentent avec le niveau d'éducation. Dans les autres villes par
contre, chômage et niveau d'éducation forment une courbe en
cloche. Les individus sans niveau d'éducation ont une plus faible
probabilité d'être au chômage.
Cette probabilité augmente avec le niveau
d'éducation mais diminue à partir du niveau supérieur. En
compilant les données globales des sept villes, on trouve que la
formation professionnelle favorise l'insertion à l`emploi
particulièrement à Niamey et Dakar. Dans cette étude, les
auteurs mentionnent les travaux de Kuépié et al44.
(2009) qui analysent l`effet d`un diplôme plus élevé sur la
rémunération. Les résultats montrent un impact positif du
diplôme sur la rémunération avec des effets plus
marqués pour les diplômes du secondaire et du supérieur.
44 ANKER Richard et HEIN Catherine, 1986. « Pourquoi les
employeurs des villes du tiers-monde préfèrent engager les
homes». Inégalités entre hommes et femmes sur les
marchés urbains de travail dans le tiers-monde. Genève, BIT,
pp.61-82.
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