II.1.4. Rigidités du marché du travail :
secteur public et chômage involontaire
Les nouveaux économistes keynésiens tentent de
démontrer l'existence d`un chômage involontaire et d'en expliquer
les causes. L'un des principaux arguments avancés par ces
économistes est la rigidité des salaires. Certaines personnes
pourraient effectivement vouloir travailler à un salaire bas mais que
parallèlement les entreprises soient contraintes de ne pouvoir abaisser
les salaires. Azariadis (1975) soutient que la rigidité des salaires ne
provient ni du salaire de réservation ni des syndicats, mais d`un
contrat implicite entre l'employeur et l'employé pour un emploi de
longue durée mais à un salaire inférieur à celui
d'équilibre. Cela permet aux travailleurs de s'assurer contre les
incertitudes du marché de l'emploi et aux entreprises de diminuer leurs
coûts.
Dans son ouvrage « Macroéconomie »,
Mankiw (2010) évoque trois raisons possibles pour lesquelles les
salaires sont rigides : la fixation d'un salaire minimum, les revendications
syndicales et les salaires d'efficience.
Dans une étude de la Direction de la Prévision
et des Etudes Economiques (DPEE) du Nord Kivu, Diop et Sène (2012)
expliquent que l`indice de rigidité de l`emploi dans l`économie
est évalué à 60 au Sénégal sur une
échelle de 100 contre 10 au Malaisie, 33 au Ghana, 45 en Tunisie et 51
au Mali. Le salaire minimum équivaut en moyenne à 0,48 de la
valeur ajoutée du travailleur et les négociations syndicales ne
facilitent pas non plus l`ajustement des salaires.
Le salaire minimum oblige les entreprises à payer aux
travailleurs les moins productifs un salaire supérieur à leur
productivité marginale ce qui décourage les employeurs à
embaucher et donc accroît le chômage, notamment le chômage
des jeunes. Les jeunes sont souvent considérés comme étant
les moins qualifiés par leur manque d`expérience. Brown (1988),
dans une étude réalisée aux Etats Unis, montre qu`une
augmentation de 10% du salaire minimum peut faire baisser le niveau de l`emploi
des jeunes de 1 à 3%.
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![](Chmage-et-insertion-des-jeunes-dans-le-secteur-public--Goma55.png)
Les négociations syndicales haussent les coûts
des travailleurs et incitent les entreprises à en recruter moins.
Lindbeck et Snower (1988) développent le modèle «
insiders/outsiders ». Les insiders qui sont les travailleurs de
l`entreprise souhaitent une hausse des salaires. Les outsiders qui sont toutes
les personnes souhaitant intégrer l`entreprise ont intérêt
à ce que les salaires baissent afin que la demande de travail augmente
et qu`ils puissent maximiser leurs chances d'accéder à
l`emploi39.
Plusieurs travaux ont été réalisés
pour montrer que les employeurs peuvent avoir intérêt à
rémunérer leurs travailleurs à un niveau supérieur
au salaire d'équilibre : le salaire d'efficience. Dans son article
Efficiency wage models of unemployment publié en 1984, Janet Yellen
aborde différentes théories qui expliquent le salaire
d'efficience : les coûts de licenciements et de recrutements
appelés coûts de rotation (Stiglitz, 1974), le
phénomène de sélection adverse pour garder les
travailleurs les plus qualifiés (Stiglitz (1976), Weiss (1980) et
Malcolmson (1981), les conventions entre employeurs et employés
(modèle sociologique développé par Solow (1980) puis
Akerlof (1982).
Dans son ouvrage Nouvelles Théories
économiques, Marc Montoussé (2002) énonce la
théorie de Leibeinstein (1957) qui explique que les entreprises, surtout
dans les pays en développement, peuvent attribuer des salaires
élevés aux employés, salaire de subsistance, pour que ces
derniers puissent satisfaire correctement leurs besoins de base, nutritionnels
en particulier, pour avoir une santé saine et être plus
productifs. Shapiro et Stiglitz (1984) ont développé un
modèle du marché du travail en intégrant la motivation des
travailleurs. Avec ce modèle, si les entreprises
rémunèrent au salaire d'équilibre, on serait en situation
de plein-emploi et donc les travailleurs n'auront pas peur d'être
licenciés puisqu'ils trouveront automatiquement un nouvel emploi.
Rémunérer au-delà du salaire d'équilibre permettra
aux entreprises de créer du chômage et de motiver les
travailleurs. Ces derniers seront conscients que s'ils « tirent au flanc
», ils seront licenciés au profit des chômeurs.
A côté de tous ces facteurs qui peuvent expliquer
l'inactivité, volontaire ou non, d`une personne, on trouve un certain
nombre de caractéristiques individuelles, telles que le capital humain,
qui favorisent l'accès à l'emploi40.
39 AFFICHARD J. (1981), « Quels emplois après
l'école : la valeur des titres scolaires depuis 1973 »,
Economie et statistique, n°173, pp. 7-26.
40 STEPHANIE T, Sciences économiques et
sociales, de Bandoeng 4e Edition, Paris, Armand Colin, 2016, Pg
334
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