Les droits de défense dans le contentieux fiscal.par Mohamed Heni KHANFIR Faculté de Droit de Sfax - Mastère de recherche en droit public 2018 |
Section 2: Un statut privilégié de l'administration dans le contentieux fiscal:Le CDPF est loin de consacrer un traitement égalitaire, en cours d'instance, entre les deux parties à savoir le contribuable et l'administration fiscale. Il a plutôt attribué des pouvoirs spéciaux à l'administration fiscale, et ce d'une part, en instituant un mécanisme de preuve plus favorable à cette dernière (paragraphe 1) et surtout en lui accordant, d'autre part, le pouvoir de modification des résultats de la vérification même après l'intervention du juge (paragraphe 2). Paragraphe 1: L'institution d'un mécanisme de la preuve favorable à l'administration:La charge de la preuve incombe au contribuable202(*). Ceci résulte tout d'abord, des termes de l'article 65 du CDPF, qui dispose que « le contribuable taxé d'office ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'impôt porté à sa charge qu'en apportant la preuve de la sincérité de ses déclarations, de ses ressources réelles ou du caractère exagéré de son imposition». Cette règle parait conforme au principe général qui exige que la charge de la preuve incombe à celui qui l'invoque. Dans le contentieux fiscal, l'arrêté de la taxation d'office transforme le contribuable en demandeur. L'administration occupe la place confortable du défendeur203(*). Cependant, si le contribuable est demandeur à l'action, il n'est pas pour autant, à l'origine du contentieux. La véritable contestation n'émane-t-elle pas de l'administration qui a rejeté initialement la déclaration faite par le contribuable? Le véritable défendeur n'est-il pas le contribuable, qui même s'il engage l'action contentieuse, ne fait que défendre ses droits contre les prétentions de l'administration, auteur de l'arrêté de la taxation d'office ou du refus de la restitution? En plus, l'équité n'exige-t-elle pas que ce soit la partie la plus faible qui soit avantagée et non pas la plus forte204(*) ? La solution consacrée par le CDPF est d'autant plus aberrante qu'elle s'applique, sans aucune distinction entre nature des contribuables, ni même entre degré de juridictions. D'une part, on ne pourrait pas mettre l'ensemble des contribuables, à l'égard de leur comportement fiscal, dans le même panier. Contrairement au droit français, qui établit la distinction contre le contribuable honnête et le contribuable malhonnête, les termes de l'article 65 du CDPF sont généraux205(*). D'autre part, part l'application de l'article 68 du CDPF, qui renvoi lui-même à l'article 65206(*) du même code, le contribuable continue à supporter la charge de la preuve, même devant la cour d'appel. Cette solution est d'autant plus choquante qu'elle trouve application même si c'est l'administration fiscale qui a interjeté appel contre les jugements du tribunal de première instance. * 202 V. - (È) ÇáÎÇáÏí " ÍÞæÞ ÇáÏÇÚ í ÇáÊÞÇÖí ÇáÌÈÇÆí ãä ÎáÇá ãÌáÉ ÇáÍÞæÞ æ ÇáÅÌÑÇÁÇÊ ÇáÌÈÇÆíÉ" ã.Þ.Ê 2005 Õ.143. * 203 Ayadi (H), Droit fiscal, CERP, Tunis, 1989, p.243. * 204 Pactet (P.), Essai d'une théorie de la preuve devant la juridiction administrative, thèse pour le doctorat en droit, Paris, édition Pédone, 1952, p.90. * 205 T.A, 4 juillet 2009, cass, affaire n°38075, société Sima contre DGI / T.A, 21 décembre 2009, cass, affaire n°39846, société gabsienne des anciens vêtements contre DGI. * 206 T.P.I de Sfax, affaire n°1332, 23 février 2016, Société Hamed Salem contre centre DGI de Sfax2. / T.P.I de Sfax, affaire n°1287, 15 novembre 2016, société Maghribia light contre DGI de Sfax. |
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