Problématique d'intégration et de réinsertion des enfants ex soldats en RDC.par Bienfait Mushagalusa Université Libre des Pays des Grands Lacs de Bukavu (ULPGL /BUKAVU) - Graduat 2019 |
2.2.Emergence de l'utilisation des enfants dans les conflits armés en R.D. Congo.L.histoire des Conflits armés en RD. Congo impliquant les enfants soldats peut êtreraisonnablement appréhendé en la subdivisant en quatre époques significatives bien distinctes. D'abord,l'époque coloniale (de l.EIC en 1885 en passant par le Congo-Belge en1908 jusqu'àl'indépendance en 1960), ensuite la fièvre des indépendances de 1960-1965 avec les rebellions, spécialement la rébellion muleliste, puis le Zaïre du temps du MaréchalMobutu de 1965. 1997 et enfin de la rébellion de l.AFDL avec Laurent Désiré Kabila à nos jours. Pendant l'époque coloniale, on n'a pas des traces de l'utilisation des enfants dans les conflitsarmés au Congo. Ce qui se justifie par le fait qu'àl'époque les indigènes congolais n'ont pasconnus des guerres d'envergure et d'armes modernes. Le métier de l'armée était l'apanage du seul colon qui en maîtrisait le maniement et ses hommes venaient de la métropole. Seuls quelques congolais évolués qui avait été enrôlés pour participés aux guerres de 40-45 au côté des alliés de la métropole étaient des adultes et costaud pour porter des canons. A l'aube de l'indépendance, histoire du Congo est troublée par des rebellions qui éclatent Sur presque toute l'étendue du pays. C'est à cette période que commence l'utilisation desenfants dans ces conflits en les enrôlant soit volontairement soit de force pour éviter que les autres rebelles avec qui on est en compétition ne les enrôlent les premiers. Pour illustrer cela, voici ce qui se passa chez les mulelistes26(*): " La première chose qui frappe dans la tactique muleliste et qui tranche sur les autres rebellions congolaises, est le soin rigoureux apporté à la préparation des militaires, tant sur le plan idéologique que sur le plan physique et pratique. Cette préparation fut dispensée dans les camps d'entrainement établis depuis juillet 1963 dansles forêts du kwilu. Le noyau de l'armée rebelle est formé par la jeunesse. Mulele imposa aux jeunes nouvellement recrutés une période d'entrainement intensif et une discipline Rigoureuse". Les jeunes ont fourni au début la majeure partie des premiers recrutements. Mais le vocable"jeunesse " a, par suite, recouvert indifféremment des adultes, des jeunes gens et des enfants. Les jeunes désoeuvrés ou "déscolarisés " furent les premiers à s'engager. Les nouvelles recrues accomplirent des missions de renseignement, de surveillance et d'espionnage tout en demeurant au travail. Les étudiants profitèrent des vacances de Noël pour séjourner plusieurs jours dans les camps. Tous les témoignages concordent que Mulele parvint dès le début à transformer les bandes de jeunes en groupes de partisans disciplinés et relativement rodés aux opérations de guérilla. Les formes de combat les plus fréquemment utilisées dès le début furent les coups de main, les embuscades et les attentats27(*). A cette époque (1963), cinq matières étaient enseignées par Mulele, Bengila et Mukulubundu,secondés par Laurent Ngolo et Pascal Mundelengolo. Mukulubundu dirigeait l'entrainement physique et militaire auxquels étaient astreints tant les adolescents que les jeunes filles28(*). Effectivement, les enfants ont été utilisés par Mulele dans sa rébellion depuis 1963. Commeon le verra plus loin, Kabila connaissant bien cette tactique pour avoir été directement ou par personne interposée proche de Mulele, a utilisé la même tactique avec le phénomène des Kadogo. On se rappellera ses liens avec Faustin Munene qui est le neveu de Pierre Mulele qui déclarera en 1997 : "Après la mort de PierreMulele, je ne voyais que Laurent-Désiré Kabila qui continuait son combat «29(*). La période du temps du Zaïre de Mobutu, caractérisée par une tactique d'opacité dans lesecteur militaro-sécuritaire, n'a pas laissé des traces de l'utilisation des enfants dans les conflits et tentatives de sécession qu.il a à plusieurs reprises matés. Certes, pendant cette longue période de gloire de Mobutu, l'armée zaïroise était plutôt composée des techniciens en armement ayant reçu leur formation dans des pays occidentaux, en Chine et en Israël ; ce ne sont donc pas des enfants qu'on envoyait à l'étranger pour ce genre de formation. Il n'y avait en tout cas pas nécessité d'y avoir recours. Pendant la guerre dite de libération menée par l.AFDL de Laurent Désiré Kabila en 1996, lephénomène resurgit. Outre les forces étrangères visibles, cette armée était aussi accompagnée de dizaines de milliers de Kadogos, des jeunes garçons du Kivu et des autres provinces traversées, qui avaient quitté l'école ou la rue pour, disaient-ils, prendre part à la libération de leur pays30(*) en combattant contre les " Kibongé " des Forces armées zaïroises (FAZ). Début novembre, Kabila tient son premier meeting à Bukavu et il demande aux jeunes de s'engager dans l'armée de libération pour aller jusqu'àGbadolite et Kinshasa. Cinq cent Volontaires se présentent immédiatement. Bientôt, à Goma et Bukavu, Kabila comptera 4.000 " Kadogo "31(*). Cette stratégie ayant réussi à conduire cette rébellion jusqu'à prendre le pouvoir à Kinshasa, le mouvement était dès lors lancé et sera imité par d'autre qui voudront atteindre le même objectif, à savoir les rebellions qui ont éclaté à l'Est du pays contre le pouvoir de Kabila. Le RCD/Goma, L.UPC, le FAPC, le MLC, le RCD/N, etc. ; toutes les parties au conflit en République Démocratique du Congo ont recruté, enlevé et utilisé des enfants soldats souvent Sur la ligne de front. Les agences internationales et gouvernementales estimaient à 30.000 le nombre d'enfants soldats qui devaient être démobilisés en 2003. Cette même année, dans l'Est de la R .D.Congo, les groupes politiques armés ont continué à recruter des enfants soldats qui, dans certains cas, constituaient plus de 40% de leurs forces32(*). D'après l'Unicef, les groupes armés de la R .D.Congo continuent de forcer des milliers d'enfants à se battre et à commettre des atrocités. Certains de ces enfants n'ont pas plus de 10 ans. Jusqu'à 1/3 des enfants du pays ont été forcés à prendre les armes pour rejoindre l'armée nationale. C'est l'un des phénomènes les plus monstrueux d'atteintes aux droits humains qui Caractérise le conflit en R .D.Congo. Depuis 1996, des milliers d'enfants sont incités à entrer dans l'armée en R .D.Congo par le biais des campagnes de recrutement quasi permanentes et d'une conscription forcée omnipotente. Cependant l'enrôlement volontaire reste répandu. Les enfants deviennent une proie facile pour les recruteurs au fur et à mesure que se désintègrent des infrastructures politiques, sociales et économiques se traduisant par l'éclatement des familles et des groupes sociaux depuis le début du dernier conflit en 1997.Parmi ces enfants enrôlés de force certains sont âgés seulement de 7 ans. Une fois recrutés ils sont généralement envoyés dans les camps d'entrainement pour 2 semaines avec les conscrits adultes. Ils y subissent de rudes épreuves entraînant parfois la mort massive dans ces camps. Intégrés aux groupes armés, ils sont utilisés comme porteurs, cuisiniers, informateurs ou exploitants des mines. Ces chiffres qui démontrent à quelle proportion les enfants étaient la cible des recruteurs n'ont pas laissé indifférente les décideurs sur la scène internationale. C'est la raison pour laquelle la Cour Pénale Internationale, statuant sur la situation en R .D.Congo, s'est décidée à lancer un premier mandat d'arrêt de son histoire pour inculpation du chef de conscription d'enfants soldats par les groupes rebelles. L'utilisationd'enfants soldats est largement répandue en R .D.Congo depuis 1996 et seperpétue malheureusement jusqu'à ces jours par l'armée régulière pourtant qui se veut républicaine. Les récentes tristement célèbres opérations UmojaWetu, Aman iléo et Kimia IIlancées dans les Kivu par l'armée régulière FARDC avec l'appui de la MONUC n'ont pas non plus épargné les enfants et ce, en violation de la Loi N° 09/001 portant protection de l'enfant en République Démocratique du Congo, la Convention relative aux droits de l'enfant à laquelle la R.D. Congo est partie ainsi que son Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés33(*). L'héritage culturel de ce phénomène au Kivu est de considérer légitime qu'un enfant, quelque soit son âge, cherche à dominer son voisin par la violence. Dans un tel environnement, lesnombreux enfants qui s'enrôlent dans les groupes armés croient, comme leurs parents, qu'ils accomplissent ce qu'on attend d'eux. Comme dans les cas des autres enfants soldats dans toute la R .D.Congo, leur avenir est incertain et les perspectives de trouver des moyens d'existence dans une économie ravagée par la guerre, sont lointaines. En dépit des souffrances endurées au front, certains d'entre eux considèrent que la vie militaire demeure la seule option viable. A court terme, toutefois, l'établissement de la Cour pénale internationale (CPI) qui adésormais juridiction sur tous les crimes commis depuis juillet 2002, représente un véritable espoir de justice pour les victimes de la violence faite aux enfants. Elle a de ce fait décidé de faire de l'Ituri sa priorité et de diligenter des enquêtes qui pourraient servir de base à des poursuites pénales. C'estl'espoir de beaucoup que ces enquêtes permettront de présenter devant la justice les personnes soupçonnées de crimes de guerre qui ont recruté et utilisé des enfants de moins de 15 ans comme soldats21. * 26 Nous avons préféré illustrer nos propos par cet exemple des mulelistes, du nom de son initiateur Pierre Mulele, pour avoir une continuité historique d'autant que Laurent Désiré Kabila en a continué les stratégies en enrôlant les jeunes. * 27 B. VERHAEGEN, Rébellions au Congo, t.1, Kinshasa, les Etudes du C.R.I.S.P. (Centre de Recherche et d'information Socio-Politique), s.d. 110-113. * 28 LUDO MARTENS, Pierre Mulele ou la seconde vie de Patrice Lumumba, Anvers, Ed. EPO, 1985, 147. * 29 LUDO MARTENS, Kabila et la révolution congolaise, panafricanisme ou néocolonialisme ?, t.1, Envers, Ed. EPO, 2002, 179. « Kabila et KisaseNgandu se situent dans une tradition révolutionnaire initiée par Lumumba en 1959-1960 et développée en profondeur par Mulele ». * 30 C. BRAECKMAN et al. Kabila prend le pouvoir, Les prémices d'une chute-La campagne victorieuse de L'AFDL-Le Congo d'aujourd'hui, Bruxelles, Ed. GRIP, 1998, 180. * 31 LUDO MARTENS, op. Cit. , 179. * 32La coalition pour mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats, enfants soldats, rapport mondial 2004, publié à Pentonville Road, 2004, 57. * 33Voir à ce propos les rapports de HumanRights Watch sur les opérations UmojaWetu et Kimia II. Pour consulter d'autres recherches deHumanRights Watch sur la République démocratique du Congo, veuillez suivre le lien http://www.hrw.org/en/africa/democraticrepublic- Congo et http://www.hrw.org/en/news/2009/05/19/rd-congo-l-arm-e-doit-r-pondre-de-crimes-de-guerre |
|