B. Le déploiement du Lean chez Michelin
Si historiquement le Groupe a toujours cherché à
accroître sa performance que ce soit par la mise au point de produits
révolutionnaires, un développement à l'international ou
l'amélioration de ses processus opérationnels, le Lean s'est
progressivement étendu chez Michelin en commençant par un
déploiement dans l'industrie (1), suivi d'un déploiement dans les
activités de service (2) et également des projets à venir
pour le Lean aujourd'hui et demain (3).
1. Le déploiement dans l'industrie
Michelin n'a évidemment pas attendu les
premières initiatives Lean pour prendre en considération la
nécessité d'organiser mieux l'ensemble de ses activités.
En effet et dès le début
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du XXe siècle on retrouve en France des ouvrages
traitant du Taylorisme (Moutet, 1997), mais ce n'est véritablement
qu'après la première guerre mondiale que ces méthodes vont
intéresser les entreprises, notamment à l'issue d'un conflit
désastreux pour l'économie créant le besoin de redresser
cette dernière.
Ce n 'est toutefois véritablement qu'en 1910,
après un voyage d'études aux Etats-Unis, que Marcel Michelin
initie l'entreprise Michelin aux principes de l'organisation scientifique du
travail (Taylor F. F.). De ces travaux découleront l'apparition du
chronométrage, la réorganisation des ateliers de fabrication avec
de la planification en vue de « accroître la production, baisser les
prix de revient et enfin garantir un haut niveau de qualité de ses
produits » (Tesi, 2008).
Concernant le Lean management cependant, ce n'est qu'à
partir de 2004 que Michelin se lance dans l'aventure avec le lancement d'une
démarche : le « Michelin Manufacturing Way » (Michelin, 2014).
En déployant cette démarche, tout d'abord au sein des usines
Michelin, le groupe a souhaité accroître ses performances par la
mise en place d'une structure plus responsabilisante invitant à
structurer les usines en « îlots », affectant ainsi « une
équipe pour un produit » (Michelin, 2014), mais en déployant
également de nombreux outils du Lean, mais aussi d'autres plus propres
à Michelin. On notera par exemple :
- Le SMQDCP (Sécurité, Machine, Qualité,
Délai, Coût, Progrès) cadrant ainsi la performance dans 6
domaines particulièrement bien délimités (Michelin,
2014)
- Un articulation entre la pratique du GEMBA, la
résolution de problème et la définition de standard de
réaction au moyen d'un « triangle vertueux » (Michelin,
2014)
- Le KAIZEN avec la mise à disposition d'outil
progrès sous des dénominations spécifiques telles que le
BIB ADC, BIB Boost, BIB Flex... (Michelin, 2014)
A cette approche purement « outil » est venue se
greffer une autre invitant à prendre de la hauteur, celle consistant
à créer des « organisation responsabilisantes » avec
des « équipes autonomes au service de leurs clients »
(Michelin, 2014). Il s'agissait en effet de développer l'engagement et
l'autonomie des salariés en travaillant sur des concepts comme la
reconnaissance, l'agilité, le respect et le développement des
personnes. Pour la première fois, l'humain et en particulier le
salarié Michelin se retrouve au centre de cette initiative et de son
déploiement au sein du Groupe.
La démarche bien que pouvant paraître tardive
n'est toutefois par anodine chez Michelin puisque Edouard Michelin,
Président du Groupe Michelin depuis sa création déclarait
déjà en
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1928 que « un de nos principes est de donner la
responsabilité à celui qui accomplit la tâche car il sait
beaucoup de choses sur la question et cela lui révèle souvent des
capacités dont il ne se doutait pas et qui le font avancer. »,
à une époque où il n'était guère commun de
donner une telle importance à l'homme dans les processus de production.
Cette prise de conscience témoigne alors de la volonté du Groupe
de s'appuyer sur son capital humain pour accroître sa performance
Ainsi, l'objectif derrière cette démarche se
dévoile véritablement une première étape
d'instauration du Lean mais aussi de transformation en profondeur des usines
Michelin avec des résultats positifs très rapidement
perçus entre 2013 et 2012 (Michelin, 2014) :
- Diminution de 50% des accidents du travail mineurs sur site
à Bad Kreuznach en Allemagne (Michelin, 2014)
- Réduction des Non-conformités de 13% à
6%, et augmentation de la polyvalence de 16% à Olsztyn en Pologne
(Michelin, 2014)
- Diminution de 2 à 3 jours du temps nécessaire
sur un nouveau poste pour arriver à la production nominale (Michelin,
2014)
Toutefois, cette transformation a été
souhaitée sous un certain nombre de dénominations visant à
remplacer les termes originaux du Lean. Ainsi et pour ne pas parler de Lean
Management, Michelin choisira de parler de « Michelin Manufacturing Way
» et au lieu des 5S on parlera de « Bib Standards ». Il
s'agissait en effet, d'après Yves Serughetti intégré
à l'équipe progrès de Frédéric
Thévenet chez Michelin, de s'adapter au contexte Michelin où la
culture d'entreprise est très forte et donc plus facilement via des
outils et méthodes qui viennent emprunter des noms connus de
l'entreprise (« bib » en référence à
l'emblème de Michelin : le bibendum) (Serughetti, 2019).
Ce premier déploiement servira de socle à ceux
à venir dans le reste du Groupe et notamment les activités de
service avec un projet majeur initié en 2013, le projet efficience, ou
« Michelin Efficiency Way ».
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