2. Le Fordisme
Comme pour le Taylorisme, le Fordisme vient du nom de son
inventeur Henry Ford qui a su s'approprier les acquis du Taylorisme en y
ajoutant de nouvelles considérations, méthodes et approches.
On retrouve notamment le fait d'augmenter les salaires des
ouvriers parallèlement à l'augmentation de l'activité avec
la vision suivante : « le fordisme est le terme par lequel on
désigne l'ensemble des procédures (explicites ou implicites) par
lesquelles les salaires se sont progressivement indexés sur les gains de
productivité. Augmenter régulièrement les salaires au
rythme des gains de productivité permet d'assurer que les
débouchées offertes aux entreprises croîtront
également au même rythme et permettront donc d'éviter la
surproduction » (Boyer, 1987) que l'on pourrait compléter par
l'idée suivante de Henry Ford où un meilleur salaire qui rend les
salariés « exempts de préoccupation étrangère
au travail, et donc plus industrieux, par conséquent, plus productifs
» (Ford, 1926).
Ainsi nous pouvons constater que si le Fordisme reste, comme
le Taylorisme, centré majoritairement sur les gains de
productivité et de performance, on constate que ce dernier prend en
compte une toute nouvelle variable : le salarié. En effet,
l'employé n'est plus simplement un rouage d'une machine complexe que
l'on ajuste librement au gré des suppressions de gaspillage, mais une
source de performance, voir un capital, pour l'entreprise par sa
capacité à voir son investissement motivé en fonction de
sa rémunération. Si on peut reprocher une vision
simplifiée de ce qui constitue le bien être des salariés
qui ne comprend alors que le salaire au dépend d'autres facteurs
étudiés aujourd'hui par des disciplines comme la Qualité
de Vie au Travail, on ne peut nier qu'en ce point Henry Ford fut
précurseur dans l'idée de comprendre que la motivation des
salariés est un élément clé de la performance d'une
entreprise.
A ces principes va également s'ajouter celui de la
standardisation qui est moins une approche managériale et
organisationnelle qu'une intégration de facteurs
socio-économiques extérieurs à l'entreprise pour en tirer
profit. La standardisation offre en effet un gain de rentabilité
conséquent du fait de la réductions des coûts liés
à la complexité du fonctionnement de certains
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processus, bénéfice auquel viendra s'ajouter la
mise en place de la chaîne de montage (Ford, 1926). L'emblème de
ce principe reste l'automobile Ford-T, déclaré en ce sens «
voiture du siècle » par un sondage international (Joyrdides, 2011)
qui sera le produit abouti du Fordisme et de ces concepts mis en
application.
Toutefois et de la même manière que le
Taylorisme, le Fordisme essuiera de nombreuses critiques notamment concernant
les mensonges sur l'augmentation des salaires liés à la
productivité utilisée avant tout pour réduire le turnover
de postes éprouvants physiquement et moralement (Bourgois, 1994), mais
aussi sur les conditions de travail difficiles exigées pour
l'accès à de plus hauts salaires : « les salariés
reçoivent effectivement des salaires plus élevés, mais en
contrepartie d'une discipline et d'un attachement au poste, qui renforcent les
gains de productivité dégagés par les ouvriers, et ce bien
au-delà des augmentations de salaires octroyées » (Bourgois,
1994).
Néanmoins, le Fordisme aura également
contribué à façonner la société post seconde
guerre mondiale en permettant le développement de la consommation de
masse à l'aide de la standardisation. Toutefois ce modèle
économique s'heurtera à un problème logique en
période de crise, à savoir que le maintien de l'accroissement de
la performance est corrélé à l'augmentation des salaires
elle-même liée à la croissance économique ne peut
plus avoir lieu en cas de récession, notamment durant le choc
pétrolier où un modèle parviendra à tirer son
épingle du jeu, à savoir le Toyotisme pratiqué par Toyota
qui lors du premier choc pétrolier, fut la seule entreprise à ne
pas enregistrer de pertes financières, comme le soulignera Koichi
Shimizu, chercheur au CNRS, en ces termes : « C'est lors du premier choc
pétrolier qu'apparaît la différence entre le système
de production de Toyota (SPT) et le système fordien de production de
masse des autres constructeurs. L'industrie automobile connaît une
contraction de 12,1% de la production de VP, de sorte que les constructeurs
deviennent déficitaires, mis à part Toyota et Honda (premier
constructeur de motocyclettes) » (Koichi, 2000).
Si les apports théoriques du Taylorisme et du Fordisme
resteront acquis du fait des succès évident qu'ils ont
démontré par leur applications dans les méthodes
organisationnelles de l'entreprise dans ces processus de production, il est
évident que les évolutions à venir nous présentent
alors un monde qui s'apprête à en remplacer un autre.
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