I) La transformation des entreprises par le Lean
« La mise en oeuvre des concepts et principes Lean n'est
pas un problème technologique, c'est avant tout une question de gestion
et de ressources humaines. » (Kenneth Kirby). Tout au long de leur
histoire, les entreprises n'ont jamais cessé de rechercher des moyens
pour améliorer leur productivité, et au-delà du seul
progrès technique, l'innovation en matière d'organisation et de
management pour enclencher et accompagner la transformation des entreprises a
été cruciale. Ainsi, nous verrons dans un premier temps
l'historique du Lean management (A) suivi du déploiement du Lean chez
Michelin (B).
A. Historique du Lean management
Le Lean en tant que discipline managériale est un
ensemble d'outils, de pratiques et principes visant à accroître la
performance de l'entreprise, relativement connu et partagé. Toutefois,
sa diffusion à travers le monde a suivi une certaine chronologie qui
commence avec le Taylorisme (1) suivi du Fordisme (2) dont les modèles
assez standardisés se sont confrontés au Toyotisme (3),
révolutionnaire en son temps, et qui donnera les grandes lignes de ce
que l'on appelle aujourd'hui le Lean mangement (4).
1. Le Taylorisme
C'est à la lumière de son inventeur,
l'ingénieur américain Frederick Winslow Taylor, que le taylorisme
fut utilisé pour désigner la formation d'organisation
scientifique du travail (OST), mise en pratique dans les années 1880 et
regroupée sous forme d'un ensemble de théories et méthodes
que l'on retrouvera dans un livre écrit par cet inventeur : « The
Principles of Scientific Management » (Taylor F. W., 1911).
L'approche organisationnelle de ces théories, qui
tendaient à la fois à s'adapter à une main d'oeuvre
globalement peu qualifiée et dans le même temps à un monde
industriel en plein effervescence doublée d'une explosion
démographique (la population des Etats-Unis passera de 31,4 millions en
1860 à 63 millions en 1890 pour atteindre 106 millions en 1920)
(Thompson, 1948) pourrait se résumer en une phrase : « L'objectif
de la théorie de
7
l'organisation scientifique du travail de Taylor n'est pas de
diviser le travail mais de diviser les opérations de l'ouvrier afin
d'augmenter l'efficacité du travail » (Yong He, 2006).
Cette division des opérations repose avant tout sur une
double division des tâches des processus de production (fiche 35 Le
Taylorisme, 2016) :
- Une division verticale qui suppose une distinction entre des
tâches dites de conceptions du travail et de formation, et d'autres
tâches dites d'exécution au moyen d'une logique organisationnelle
et managériale simple : « Les ingénieurs pensent le travail
et les ouvriers doivent l'exécuter conformément aux instructions
et à la formation que les premiers leur fournissent » (Salle,
2018).
- Une division horizontale où l'on décompose le
processus de production d'un bien en une succession de tâches
réparties entre des ouvriers spécialisés avec comme
objectif d'identifier la manière la plus efficace de découper ce
processus. Comme pour la division verticale, on retrouve ici des
ingénieurs chronométrant chaque action, chaque mouvement, en vue
d'éliminer ce qui est inutile avec de définir et mettre en oeuvre
le mode de production le plus optimal (Salle, 2018).
C'est donc déjà il y a plus d'un siècle
que les entreprises ont saisi l'enjeu de réduire, voire faire
disparaître, toutes les formes de gaspillage pouvant survenir dans un
processus de fabrication. A ce titre le Taylorisme, bien que précurseur
en la matière, nous apparaît seulement centré sur la
performance des processus de fabrication sans intégrer d'autres facteurs
comme le client ou le salarié, et c'est l'un des procès majeur
qui lui sera fait allant même jusqu'à certaines production
artistique satirique avec le film « les Temps modernes »
réalisé par Charlie Chaplin en 1936 qui tourne en dérision
les dérives de l'organisation scientifique du travail (fiche 35 Le
Taylorisme, 2016).
Néanmoins, le Taylorisme continuera dans sa
postérité à proposer des méthodes telles que les
cercles de qualité composés de groupes de travailleurs
volontaires se réunissant pour définir et mettre en oeuvre les
améliorations d'un processus, ou encore des groupes semi-autonomes
libres dans leurs organisations pour atteindre des objectifs fixés
(fiche 35 Le Taylorisme, 2016). Ces améliorations du Taylorisme ont
principalement vocation à responsabiliser le travailleur et le faire
davantage participer au processus de production.
Enfin et si le Taylorisme a su poser les bases
méthodologiques de la performance opérationnelle, il n'en demeure
pas moins que sa propension à se focaliser presque
8
exclusivement sur l'amélioration de la performance des
processus de fabrication a laissé un vide qui a rapidement
été complété par une autre méthode
organisationnelle : le Fordisme.
|