WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Lean et digitalisation au cœur de la transformation des entreprises.


par Christophe Duru
ESC Clermont Ferrand - Master en management 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. La digitalisation de Michelin par le Lean

Comme nous l'avons vu précédemment, le Lean a su montrer une certaine réussite dans son déploiement et les résultats auxquels il a conduit, tout en s'appuyant sur des projets d'ampleur et un historique de plusieurs années. Le digital en revanche n'a pas évolué dans la même réalité. En effet et bien que plus récente, la digitalisation chez Michelin a cependant pris une grande ampleur très rapidement, au point comme nous l'avons vu précédemment que le sujet soit abordé dans de nombreuses interventions de la part du Président du Groupe Michelin, Florent Menegaux.

Les initiatives digital de Michelin incluant du Lean n'ont que rarement étaient présentées comme telle même si dans les faits, un certaine collusion apparaît. A ce titre, les démonstrateur du projet « digital Manufacturing » étaient systématiquement détenteurs d'une « green belt », qui correspond à un niveau attesté de maîtrise du Lean (Ribayrol-Parets, 2020) ce qui, dans un contexte de transformation des sites industriels au travers de ce projet, a pu permettre une meilleure maîtrise du périmètre du déploiement de cette transformation digitale. En effet, la digitalisation, qu'elle concerne tout ou partie de l'entreprise en développant parfois des outils technologiques permettant d'accroître la performance des processus et la création de valeur ajoutée, n'en demeure pas moins une démarche organisationnelle, touchant l'homme, et ce faisant le Lean et ses principes quand ils sont acquis par les acteurs du digital justifient d'autant plus leurs choix.

Un autre exemple parlant reste le cas du déploiement d'outils de Robotic Process Automation concernant les méthodes Michelin en la matière. En effet, ces outils consistent, comme leur nom l'indique, à faire effectuer à des logiciels des opérations numériques, généralement faites par des êtres humains, de manières automatique en fonction de plusieurs critères. Cela nécessite toutefois en amont et au préalable de simplifier les tâches des processus pour en limiter le nombre et la complexité tout en parvenant au même résultat, et ce travail ne peut être autrement

40

effectué qu'en impliquant directement les salariés concernés par l'exercice de ces tâches. Dès lors, on retrouvera ici un procédé recouvrant plusieurs éléments de l'approche Lean (Ribayrol-Parets, 2020) :

- « La réflexion des personnes sur les processus en vue de les optimiser ». Cela évoque de manière pertinente la chasse au gaspillage qui en l'état repose sur la volonté de supprimer les tâches à non-valeurs ajoutée lorsqu'elles ne sont pas nécessaires au fonctionnement du processus.

- « L'écoute du terrain afin que les initiatives proviennent des personnes concernés ». Comme dans le Lean, il s'agit ici de s'appuyer sur l'expérience des gens du terrain, ce qui consiste indirectement à chercher les solutions aux problèmes en allant directement solliciter ces derniers via une interaction avec les acteurs du processus que l'on cherche à faire évoluer.

- « Un pilotage Lean pour le projet smart automation » qui reprenait alors les outils et méthodes Lean pour piloter le projet dans son déploiement (Value Stream Mapping...).

En définitif et si les projets de Robotic Process Automation n'auront pas atteint les objectifs escomptés dans leur ensemble, il n'en demeure pas moins que le Groupe Michelin a pris rapidement conscience de l'intérêt d'appliquer une approche et des méthodes Lean dans le déploiement d'un projet de digitalisation.

Enfin et beaucoup plus subtile, on constate également que la digitalisation suit le même chemin précédemment emprunté par la Lean. Initialement entre les mains des experts des services progrès du Groupe Michelin, le Lean s'est peu à peu démocratisé à tel point que son application ne nécessite plus maintenant que des interventions ponctuelles des experts au sein de projets laissés entre les mains de leurs initiateurs (salariés, managers...) afin notamment de « désiloter » cette discipline (Ribayrol-Parets, 2020). Cette volonté de simplifier l'accès au Lean est la suite logique du Groupe qui entend créer une culture Lean, de la même manière qu'il s'efforce de le faire dans le digital comme condition sine qua non de l'objectif de devenir un entreprise data-driven.

Ainsi, on retrouvera d'autres initiatives où la digitalisation ne repose plus seulement sur de lourds projets de digitalisation entre les mains d'experts, mais sur un ensemble d'initiatives où les salariés ont toute liberté à s'approprier eux-mêmes les outils de la digitalisation pour accroitre les performances de leurs propres processus. C'est ainsi que l'on retrouvera des initiatives comme « Citizen development » qui vise à offrir un chaque salarié un périmètre

41

défini d'accès à divers outils digitaux qu'ils peuvent déployer dans leurs équipes et services, ou encore d'autres réseaux digitaux via Yammer (application Microsoft pour créer, gérer et animer des groupes de discussions) comme « Factory 365 » afin notamment de permettre à différents utilisateurs au sein de l'entreprise d'échanger sur les bonnes pratiques qu'ils ont pu trouver et déployer au sein de leurs équipes respectives (Ribayrol-Parets, 2020). Il s'agit ainsi d'inviter à l'initiative tout en limitant l'autonomie des utilisateurs (licences seulement gratuites, mise à disposition d'un certain nombre d'applications...) afin de permettre à la culture digitale de se diffuser dans le Groupe sans remettre en cause la gouvernance sur le digital et le choix des outils qui en découle.

Cette méthode rappelle évidemment le choix fait au niveau du Lean qui, avec le projet « Michelin Efficiency Way », s'est voulu plus libre et moins contraint dans la mesure où les projets Lean sont laissés à la libre volonté des différentes équipes, lesquelles doivent animer la mise en oeuvre de ces projets en leur sein si elles viennent à choisir de franchir le pas.

Enfin et à titre plus personnel, le coeur de ma mission au cours de cette alternance a concerné l'automatisation de process par le déploiement d'outils digitaux, et elle s'inscrit pleinement dans ce type de démarche dans la mesure où, bien que le délivrable étant un élément de la digitalisation, le choix des outils et la manière de procédé au déploiement de ces derniers s'est faite dans le seul périmètre de mon équipe en fonction de nos besoins et au travers d'une autonomie qui nous permettait au besoin de solliciter des intervenants extérieurs.

Le choix de diffusion de cette culture par une libre mise à disposition et appropriation des outils et méthodes de ces deux disciplines trouve son sens une fois encore dans la proximité méthodique de leur mise en oeuvre mais aussi dans cette volonté du Groupe de modifier profondément la culture pour répondre aux problématiques liées à la résistance au changement. Les échecs du Lean dans les premières années de son déploiement sont pour partis issus d'un déploiement dénué de sens pour les personnes concernées dans le mesure où la culture Lean faisait encore défaut, et en ce sens, le Groupe a choisi d'évoluer vers une méthode plus volontariste (Thevenet, 2020).

Par ailleurs, la position du salarié Michelin dans la question de la transformation digitale n'est pas seulement celle de l'appropriation culturelle de nouveaux concepts et modes de pensées, mais aussi de méthodes pour parvenir à mener à bien un projet digital. L'exemple du programme « I-Care » à l'usage des salariés un bon exemple de la transcription de concepts Lean. Comme le rappelait Bill Gates, Président Directeur général de Microsoft, « dans le futur,

42

les leaders seront ceux qui savent donner le pouvoir aux autres. », et à ce titre Michelin a souhaité mettre en place un programme définissant le cadre d'un nouveau modèle de leadership à destination des managers et de leurs collaborateurs. Ce dernier se veut plus responsabilisant en proposant des lignes directrices au leadership au travers du Groupe, et ce au nombre de cinq (Michelin, 2019) :

- « L'inspiration » pour développer les personnes par l'exemplarité et en créant les conditions de l'engagement.

- « La création de confiance » favorisant la collaboration et l'implication des équipes. - « L'authenticité » qui est une invitation à l'ouverture et l'humilité

- « Le résultat » comme ambition assumée par Michelin et se voulant soutenue par l'agilité entrepreneuriale à l'intérieur du Groupe.

- « La responsabilisation » visant à rapprocher la décision toujours au plus proche du terrain en développant la collaboration pour la performance de l'équipe.

Ce projet vise à faire évoluer le leadership au sein de Groupe en y associant, tel qu'on peut le voir ici, des principes issus du Lean qui vise à positionner le salariés Michelin au coeur des projets de transformation visant à accroître la performance de l'entreprise.

A cela s'ajoute enfin un projet récent, le projet Simply qui ici ne se concentre pas sur la question des salariés et de leur management, mais plutôt sur celle de leurs environnement de travail et plus précisément des processus liés à leur tâches opérationnelles quotidiennes. En initiant ce projet, Michelin a souhaité que soit clarifiées et étendues à un niveau global les pistes d'amélioration à partir des avis des salariés ayant identifié des axes d'améliorations. On retrouve donc une fois encore la volonté du groupe de placer l'humain au centre la performance tout en préparant la mise en place d'un terrain propice à la transformation, laquelle pourra être soutenue par une culture du changement et de l'amélioration partagée par l'ensemble des salariés du Groupe Michelin.

Enfin et tout récemment, le projet Smart Automation vise à faire le lit de la digitalisation en ce qu'il prépare l'entreprise au niveau global à un remise à plat complète de l'ensemble de ses processus doublée d'une volonté marquée d'identifier de nouvelles opportunités. Initialement pensée par le Lean, il n'en demeure pas moins que ce projet tend à offrir à la digitalisation et ses futurs objectifs (intelligence artificielle...) les fondations de processus efficients et pleinement préparés à l'implantation de technologies numériques. Comme le rappelait Bill Gate, « La première règle avec toute technologie utilisée dans les affaires, c'est que

43

l'automatisation appliquée à un process efficace va augmenter l'efficacité. La seconde règle est que l'automatisation appliquée à un process inefficace va augmenter l'inefficacité » (Gates, 2014), et s'il est bien un domaine où la digitalisation ne peut s'appliquer qu'après le travail effectué par une approche Lean, c'est bien celui de l'automatisation des processus.

On constate ainsi que Michelin a su habilement miser sur le développement des hommes et de la culture de ses organisations comme levier primordiale à une digitalisation réussie, ce qui trouve son sens lorsque l'on parcourt, comme vu précédemment, les différentes études des projets de transformation digitaux qui rappellent combien l'humain est un élément clé à tout projet de transformation. A cela s'ajoute également une prise en compte peut être plus pratique que théorique des acquis et de l'expertise du Lean au sein du groupe pour initier les projets digitaux. Il n'est pas rare de retrouver derrière chaque succès de projets digitaux un acteur imprégné de la pensée Lean et formé à cette dernière au sein de la structure Michelin par les réseaux d'experts mis à disposition des salariés.

Ces choix qui peuvent donc paraître dans l'ensemble parfois désorganisés semblent, bien au contraire, suivre une logique basée sur la nécessité de préparer le terrain à un changement de culture mais aussi à une montée en puissance des salariés dans ce monde digital qui se dessine pour demain. Le Groupe Michelin semble donc avoir pris toute la mesure de cette digitalisation en y associant des objectifs ambitieux et des moyens profondément transverse et globaux. Et c'est avec un certain recul sur cette position que l'on finit par comprendre aisément le classement de Michelin à la 7ème position des entreprises du CAC les plus digitalisée en 2019 (Manceau, 2019).

Le Groupe Michelin nous fait donc une démonstration de la flexibilité et de la gestion des contraintes humaines qu'implique la digitalisation, et si le chantier en la matière s'annonce encore monumental, Michelin pourra s'appuyer sur son expertise Lean et la culture que l'entreprise a déjà commencé à diffuser pour garantir le succès et l'aboutissement de ses projets digitaux.

Et c'est en préparant le terrain en amont (projet Simply, I-care, Michelin Efficiency Way...) et en s'appuyant sur la culture Lean prenant de l'ampleur au sein de l'entreprise, et systématiquement sur l'humain via les salariés composants l'entreprise, que Michelin a également préparé le terrain à l'arrivée de la digitalisation qui, comme nous l'avons vu, reste

44

avant tout un processus de transformation en profondeur de l'entreprise qui doit être en mesure de s'appuyer sur les hommes qui la compose pour à mener à bien de tels changements.

Michelin semble donc en bonne voie pour affronter les défis qui se présente dans les années à venir sur la question de la digitalisation, et il n'est donc pas déraisonnable de dire qu'il est probable que l'entreprise réussira sa digitalisation car elle aura su auparavant développer et répandre une pensée Lean au sein de son organisation, laquelle pourra alors activement soutenir les projets de digitalisation d'une part, mais aussi préparer les salariés de l'entreprise à l'intégration d'une nouvelle culture : la culture digitale.

45

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry