2. Le déploiement du digitalisation
Très tôt et comprenant les exigences de telles
transformations, Michelin a mis en place un service spécifiquement
dédié à la transformation digitale : la Direction
Corporate des Activités Digitales ou DCAD (Ribayrol-Parets, 2020), mais
aussi à d'autre fonctions liées à la digitalisation
(accès aux données, cybersécurité...). Il
s'agissait de créer une Direction détachée de celle
associée aux systèmes d'information afin de traiter la
digitalisation non pas comme une démarche purement numérique,
mais plutôt comme un processus de transformation et de conduite du
changement au travers d'objectifs définis et projets mis à oeuvre
par l'intermédiaire d'acteurs sur le terrain et répartis au moyen
de réseaux sur les différents sites Michelin présents dans
le monde entier.
L'un des points clés abordés par cette Direction
a été justement de travailler sur la question des emplois et
compétences liées au digital, tout en essayant de travailler en
profondeur sur la
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culture digitale au sein de Michelin. En effet et comme nous
l'avons vu précédemment, l'absence de compétence est l'une
des raisons majeures de l'échec des projets digitaux de transformation
des entreprises.
Cette approche se décompose en trois parties sous forme
d'étapes chronologiques :
- « Construire les fondations de la transformation
Digitale » comme première étape pour la période de
2016 à 2018 (Michelin, 2019). Au travers de projets comme le digital
Factories & Accelerators et la mise en place de plateformes
pédagogiques et e-learning sur la digitalisation (avec des modules de
formation autour du « Michelin digital Manufacturing », de la «
culture digitale » ...), il s'agit de poser les bases du processus de
transformation digital pour offrir à l'entreprise le début d'une
diffusion d'une culture digitale nécessaire à l'étape
suivante.
- « Devenir une entreprise data-driven » comme
seconde étape pour la période 2019 à 2021 via la
sélection et le déploiement de projets digitaux
spécifiques, qu'ils soient liés à la donnée,
à l'automatisation ou à l'intelligence artificielle. Tout cela
doit également être suivi d'un renforcement de la gouvernance
digitale (Michelin, 2019).
- « Adéquation entre l'intelligence humaine et
artificielle », de 2022 à 2024, afin d'offrir à chaque
processus de l'entreprise tous les bénéfices de la digitalisation
(Michelin, 2019).
Une fois n'est pas coutume, ces ambitions pour une
transformation digitale du Groupe repose avant tout sur l'humain car comme le
rappelait Eric Chaniot, Directeur des activités digitales du Groupe
Michelin, « La transformation digitale, c'est avant tout une question
d'attitude, pas d'outil ou de technologie. C'est 95% de l'humain et 5% de
technologie », que ce soit par l'apparition de nouveaux business pour
Michelin que de la transformation de ceux existants. Et c'est tenant compte de
cela que Michelin, et plus particulièrement DCAD, s'est lancé
dans la définition et l'identification des compétences et
métiers clés de la digitalisation.
La taille relativement conséquente du Groupe Michelin
lui offre à la fois l'opportunité de définir dans le
détail chacune des fonctions et compétences tournant autour de la
digitalisation en fonction des besoins liés à son activité
mais aussi à ceux induit par les exigences de la digitalisation en
termes de processus de transformation de l'entreprise. On retrouvera chez
Michelin différentes initiatives (Michelin, 2019) :
- La définition du « digital talent »,
reposant sur de nombreuses compétences transverses
et des soft skills, mais aussi et surtout une culture digitale
s'appuyant sur des qualités
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précises comme la curiosité ou la
résilience. Cette image diffusée en interne au sein de Michelin a
servi de support à de nombreuses démarches liées à
la diffusion de la digitalisation au sein du Groupe, autant qu'elle offre aux
salariés la possibilité de croiser leurs propres parcours et
compétences acquises et mises en oeuvre avec cette représentation
synthétique. Si le panel de compétences nous apparaît
relativement large, le Groupe a souhaité rappeler que se définir
comme un digital talent demandait à posséder 2 à 3 des
compétences présentées.
- L'identification de « Digital Métier » au
nombre de 25 et répartis-en 3 familles comprenant « le management
» tourné vers la gestion et la conduite de la transformation
digitale, « la data » relative à toutes les fonctions experte
dans la gestion de la donnée (administration, gouvernance, analyse...)
et enfin « le développement de solutions » pour des
problématiques business. Cette segmentation, en plus de présenter
une liste de métiers permet de comprendre de quelles manières ils
répondent à des besoins concrets au sein du Groupe Michelin.
- L'identification de « compétences
professionnelles digitales » à la fois sur des domaines techniques
(data mining, data visualisation...) mais aussi sur le savoir-être
(orientation client, résilience, initiative...) qui pourront servir de
repère aux salariés souhaitant évoluer vers ces postes
autant qu'aux recruteurs.
Le soucis de l'humain se retrouve donc au coeur du
déploiement de la digitalisation chez Michelin et nombre d'exemple de
projets ont su démontrer combien l'entreprise avait à coeur de
s'appuyer sur ses salariés pour cette transformation. Pour cela
l'entreprise a su développer un réseau international de
gestionnaire de compétences qui, en étant présents sur de
nombreux sites Michelin à travers le monde, sont en mesure de veiller au
bon déploiement des compétences clés voulues par Michelin
(Michelin, 2019).
L'enjeu est en effet de taille puisqu'il s'agit dans les 3
années à venir de se doter au sein de l'entreprise de
compétences qui seront un socle nécessaire à la
transformation de Michelin en entreprise data-driven tout en assurant la
pérennité de son business face à un monde en plein
renouveau où de nombreux changements auront lieu dans les années
à venir (Michelin, 2019).
Mais cette digitalisation n'est pas la première
transformation que le Groupe Michelin a dû mettre en oeuvre, ce qui n'est
guère étonnant pour une entreprise plus que centenaire. En effet
et comme nous l'avons vu précédemment, les chantiers Lean ont
représenté à leur manière une
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profonde remise en cause du fonctionnement de l'entreprise
d'abord sur ses sites industriels, puis ensuite dans ses bureaux. Et plus
encore, ces même transformations furent autant de défis que
d'acquis d'expérience que l'entreprise devra mettre à profit pour
affronter les transformations de demain, et ici en l'occurrence, celles de la
digitalisation.
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