B. Michelin dans la digitalisation
La prise en compte des intérêts
stratégiques du digital chez Michelin est avant tout le fruit d'une
volonté claire du groupe de prendre à bras le corps les enjeux du
monde de demain. En ce sens, cette volonté a été
marquée par la prise en compte du digital (1) et le déploiement
de la digitalisation (2) au sein du Groupe.
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1. La prise en compte du digital
Parfois perçu à tort ou à raison en
interne comme une entreprise qui tarde à se mettre en marche avec la
digitalisation, le Groupe Michelin a cependant été classé
7e entreprise du CAC 40 dans un classement visant à
déterminer quelles étaient les entreprises les plus
digitalisées mais surtout, si on tient compte des seules entreprises
industrielles, comme numéro 1 de cette catégorie (Manceau,
2019).
Cette relation avec les technologies numériques tient
probablement à l'histoire de Michelin qui s'est voulu, tout au long de
sa construction, être une entreprise innovante dans les domaines du
pneumatique mais parfois dans son fonctionnement interne. Ainsi, c'est à
ce titre que la visite du musée de l'entreprise Michelin «
l'Aventure Michelin » à Clermont Ferrand nous offre une exposition
présentant l'acquisition d'un microscope électronique en
transmission par le Groupe en 1948, première entreprise française
à s'en procurer un) cette époque (Michelin, 2020). Cette
technologie permettra à l'entreprise de bénéficier d'une
démarche scientifique améliorée dans la recherche et le
développement de pneumatiques, mais aussi de l'inscrire dans une
volonté de performance dans ce domaine.
Toutefois, on ne peut pas à proprement parler de
digitalisation du Groupe à cette époque dès lors que cela
impliquerait une remise à plat en profondeur de son organisation visant
à numériser l'ensemble de ses processus internes et externes.
Et s'il est difficile de dater précisément la
prise en compte de la révolution numérique comme
opportunité de développement et nécessité
d'adaptation, il n'en demeure pas moins que la question du digital et de la
digitalisation est au centre des réflexions des principaux
décideurs du Groupe et évoquée à chaque
communication de directives et orientations stratégique.
Ainsi et c'est à ce titre que l'on retrouvera la
digitalisation évoquée par exemple dans un rapport semestriel via
la nécessité « d'accélérer la mise en oeuvre
d'un plan de digitalisation global » parmi les orientation visant à
créer de la valeur, mais également au cours d'interventions et
déclaration régulières du Président du Groupe qui
évoquera sans arrêt ces différents enjeux :
- « La transformation numérique va servir de moteur
au développement de notre modèle
stratégique et de notre modèle humain et social.
» (Florent Ménégaux, Digital Week à Clermont-Ferrand
en 2019).
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- « Florent Menegaux [...] a insisté sur
l'accélération de la transformation digitale de
l'Entreprise, composante indispensable du leadership
technologique et de la proximité avec nos clients » (Michelin,
2019).
Cette prise de conscience a également dans le
même temps donné lieu à l'identification de trois objectifs
clairs pour la transformation du Groupe à l'ère du digital, que
l'on retrouve dans un article « Focus sur la transformation du Groupe
» rédigé par Eric Chaniot, Directeur des Activités
Digitales, qui les déclinait de la façon suivante :
- « Transformer nos business models : réinventer
la manière dont nous commercialisons offres et services à nos
clients ».
- « Faire évoluer nos manières de
travailler : favoriser la collaboration digitale par des outils qui facilitent
le travail en transverse »
- « Faciliter nos processus : la digitalisation est un
levier de simplification pour nos processus »
Une fois encore, nous retrouvons ici trois
éléments majeurs, le client, le salarié et la performance
de l'entreprise via la transformation de certains processus. Plus qu'une
réalité externe, il s'agit ici pour Michelin de prendre toute la
mesure de la digitalisation, tant dans ses contraintes que ses
opportunités. Ainsi, ce même article relève
également quatre tendances qui se dégagent des transformations
environnantes auxquelles Michelin devra se préparer :
- « L'économie de l'abonnement », un
phénomène économique exigeant de la part de Michelin la
création de nouvelles offres pour ses clients dont les habitudes de
consommation vont être amenées à évoluer. En effet,
l'offre de produit et de service Michelin reposant sur des produits
consommables (les revenus des pneumatiques concernant la
quasi-intégralité de son chiffre d'affaires) d'une part, mais
aussi sur des relations avec des professionnels revendeurs, suppose de modifier
en profondeur le rapport de Michelin avec ses clients.
- « La technologie 5G » qui conduira à une
augmentation des objets connectés pour chaque individu, que ce soit chez
eux ou dans leurs voitures. Cela offre donc la possibilité à
Michelin de développer son offre d'une part en créant de nouveaux
produits et services, et d'autre part en s'appuyant plus encore sur ses
portefeuilles clients issus de son activité de vente de pneumatiques.
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- « L'explosion des datas » qui pousse Michelin
à se fixer comme objectif ambitieux dans les trois prochaines
années de devenir une entreprise data-driven en étant en mesure
de tirer parti de tous les bénéfices et opportunités de la
donnée.
- « L'intelligence artificielle » en augmentant les
capacités de chacun au sein des équipes Michelin, d'une telle
manière que lors de l'interview avec Caroline Ribayrol-Parets,
innovation leader au sein du service DOCBS/BPM, le terme « intelligence
auxiliaire » (Ribayrol-Parets, 2020) lui était
préféré dans la mesure où il s'agit non pas de
remplacer l'homme mais d'accroître ses capacités dans ses
tâches opérationnelles.
Ainsi, nous pouvoir ici que le client, l'humain et la
performance sont au coeur de l'analyse des tendances de la digitalisation par
Michelin qui semble avoir saisi à la fois les opportunités mais
aussi les exigences de la digitalisation, notamment humaines, dans la mesure
où il est question dans ce même article « d'améliorer
l'accès au digital pour tous ».
Mais ces analyses et choix stratégiques ont su et
reposent actuellement sur de nombreux projets et réorganisations
effectués ou encore en cours au sein du Groupe. En effet, de telles
ambitions nécessitent de grands chantiers, en particulier lorsque l'on
voit le nombre d'entreprises échouer à devenir data-driven en
parallèle de l'urgence de l'adaptation à ce nouveau monde et ces
nouveaux marchés, lesquelles passent avant tout par le fait de «
faire évoluer la culture de l'Entreprise » dans le digital.
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