Les activités artisanales et leur impact sur la vie socio-économique des ménages à Kamina.par Freddy MONGA Université de Kamina - Graduate en sciences économiques et de gestion 2019 |
2.1.3.2 L'ARTISANAT D'ENTRE-DEUX GUERRES MONDIALESLe terme même d'artisanat n'apparait guère dans le vocabulaire professionnel que dans un article paru en octobre 1920 dans la Gazette des métiers, journal de la chambre de métiers d'Alsace-Loraine. C'est le 28 mars 1922 qu'est créée la première organisation nationale interprofessionnelle, la confédération générale de l'artisanat Français (CGAF) ; cette dernière devait bientôt regrouper la plupart des métiers de l'artisanat en dehors de l'alimentation (27 fédérations en 1932) et constituer pendant la période de l'entre-deux guerres le principal interlocuteur des pouvoirs publics. Par décret de décembre 1922, la CGAF est reconnue comme le représentant national de l'artisanat au sein de la commission interministérielle créée pour étudier les mesures nécessaires à l'encouragement de la production artisanale. C'est donc de cette année que date l'apparition de l'artisanat en tant que secteur économique regroupé dans la société et la politique française. A côté de la CGAF, d'autres fédérations ou confédérations se constituèrent, c'est le cas notamment de l' « union des artisans de France » constituée par les métiers de l'alimentation et quelques autres en 1925 ; « le comité d'entente et d'action artisanale » (CEAA), créé par les fédérations dissidentes de la CGAF en coalition avec l'union des artisans de France en 1933 ; la « confédération de l'artisanat familial (CAF) en 1937..., ainsi, dès le départ, le syndicalisme artisanal apparait-il sous le signe de la division. Dès ce moment le problème même de la définition de l'artisanat se trouver posé constitue un ferment de division. Nous reviendrons sur cet obstacle pour la définition de l'artisanat acceptée de tous de l'artisanat dans les qui suivent. En 1927, Georges Valois fonda l'union des corporations Françaises (UCF) qui créa en 1934 une cellule de réflexion comparatiste, l'institut d'études corporatives et sociales. Ainsi, à la veille de la seconde guerre mondiale, la représentation professionnelle des artisans apparait-elle singulièrement déchirée par les divergences stratégiques et les rivalités personnelles, la création des chambres de métiers apportant une nouvelle source de conflit et de luttes pour le pouvoir. Quatre organisations syndicales se partagent cette représentation. La première en date et la plus importance, la CGAF, regroupe 27 fédérations de syndicats représentant environ 200 000 artisans. La CGAF avait témoigné d'un grand intérêt pour le développement technologique en créant, en 1931, l'Institut National des Métiers (INM), précurseur en quelque sorte de l'Institut Supérieur des Métiers (ISM). Cet institut s'adressait aux cadres élus et cherchait à promouvoir la collaboration entre les artisans et l'élite du pays, juristes, économistes médecins, scientifiques et surtout les ingénieurs ainsi qu'en témoigne cet extrait du journal de l'INM « les cahiers de l'artisanat » : « pour mieux travailler, pour travailler dans les meilleures conditions physiques, en un mot pour mieux vivre, l'artisanat, tout comme l'industrie, doit s'adresser ( sans tomber pour autant, Dieu nous en garde, dans un technocratisme plus dangereux encore pour les artisans qui dépendent tant de leur propre personnalité) aux ingénieurs qui ont tellement à lui offrir ». La CGAF avait également voulu prendre une dimension européenne en participant dès 1923 à la création de la Confédération Internationale des Classes Moyennes (CICM), basée à Bruxelles, puis en 1930 à celle de l'institut international de l'artisanat fondé en Italie sous la présidence de Vincente Buronzo et dont les délégués avaient été accueillis par Mussolini en personne. Fin 1939, les autres organisations nationales assurant la représentation des syndicats d'artisans demeuraient : Ü Le Comité d'Entente et d'Action Artisanale (CEAA), qui pouvait rivaliser avec la CGAF en termes d'effectifs mais ne disposait pas de la même influence politique ; il publiait « L'information artisanale » ; Ü La Confédération de l'Artisanat Familial (CAF), qui avait quelque 50 000 adhérents et publiait « L'artisan de France » ; Ü L'Union des Artisans de France » (UAF) qui comptait environ 20 000 adhérents. Voilà la montée en puissant du syndicalisme artisanal. C'est ici que Joseph Courtier disait : « que les artisans se distinguent nettement dans le monde de la production, qu'ils aient des intérêts spéciaux et qu'ils aient droit, par la suite, à une représentation à part, il en est peu qui le mettent en doute »35(*). 2.1.3.2.1 LA NAISSANCE DES CHAMBRES DE METIERSA l'issue de la première guerre mondiale, la représentation des intérêts généraux des artisans était confondue avec celle des commerçants et des industriels au sein des chambres de commerce et d'industrie. On peut dire que c'était une sous-représentation. Il y avait toutefois une exception de taille en Alsace-Lorraine où les artisans disposaient déjà d'une représentation spécifique du fait de l'annexion de 1871. La législation allemande avait institué en effet, en 1897, des chambres de métiers à statut d'établissements publics. La loi du 26 juillet 19 00, dite « loi des professions », est d'ailleurs encore à la base du « droit local » dans les départements d'Alsace et de Moselle. Les problèmes posés par l'enseignement professionnel dans les années qui avaient suivi la guerre de 1870-1871, avec l'essor de l'industrie, et que les conséquences désastreuses du conflit de 1914-1918 avaient considérablement aggravé, ont été à l'origine de la célèbre « loi Astier » du 25 juillet 1919. Celle-ci a suscité de grands espoirs pour l'organisation de l'apprentissage et a conforté dans leur revendication ceux qui militaient pour que soit retirée aux chambres de commerce la représentation de l'artisanat. La loi créant les chambres d'agricultures, adoptée la même année, renforçaient leur argument. Ainsi le congrès de l'apprentissage tenu à Lyon en octobre 1921 adopta-t-il un voeu demandant à l'Etat de créer des chambres de métiers chargées d'organiser l'apprentissage au sens de la « loi Astier » au lieu et place des chambres de commerce défaillantes en la matière. Celles-ci tentèrent de reprendre l'initiative en proposant la création de chambres de métiers facultatives dont elles garderaient le contrôle. Mais, grâcenotamment à la vigoureuse opposition de la chambre d'Alsace-Lorraine, elles ne furent pas suivies. C'est alors que prit corps au parlement le « projet de loi Varlot » qui reprenait en gros les propositions du congrès de Lyon mais qui se heurta à l'hostilité persistante des chambres de commerce. La chambre de métiers d'Alsace-Lorraine avait noué dès 1921 des relations avec la Fédération de la petite industrie de la chaussure à Paris. En mars 1922, plus quarante délégués de ces organismes avaient participé à la création de la confédération générale de l'artisanat Français (CGAF) ; le président de la chambre de métiers, M. Schleiffer, en avait été président d'honneur. C'est Strasbourg, en novembre de la même année, que l'artisanat français tint ses assises sous la présidence du ministre de travail. Le député de la Haute-Marne, M. Courtier, y exposa son projet de proposition de loi en vue de la création de chambres de métiers sur l'ensemble du territoire que réclamait avec insistance la CGAF. La chambre de métiers d'Alsace-Lorraine a donc joué au départ un rôle capital ; elle éclata le 1er janvier 1923 en 2 chambres, celle d'Alsace et celle de la Moselle, qui continueront cette action. Après différents remaniements du texte initial, le gouvernement donna son accord à un nouveau projet qui fut adopté le 26 juillet 1925, près de trois ans après la réunion de Strasbourg, et il faudra encore près de trois ans pour voir publié le décret d'application du 14 avril 1928. La procédure prévue le décret était lourde ; elle nécessitait toute série d'accords locaux dont le plus facile à obtenir n'était pas, on s'en doute, celui des chambres de commerce qui s'avérèrent les opposants les plus tonales, prenant argument du fait que les artisans étaient déjà leurs électeurs. La création, très souhaitée par les artisans de la scène, de la chambre de métiers qui devait être la plus importante de France numériquement, se heurta à une résistance farouche de la puissante chambre de commerce de Paris et demanda près de six ans, celle de Rhône cinq ans. Ni même certains préfets ne facilitèrent les choses. Les chambres de commerce poursuivirent leur combat même après l'entrée en fonctionnement des chambres de métiers. C'est en ce période que la « loi Courtier » fut énoncée comme suit : « les chambres de métiers ont la faculté de provoquer par l'entremise de leur président une entente sur les objets rentrant dans leurs attributions »36(*). Le 5 juin 1931, les présidents des six chambres de métiers qui venaient d'être instituée, se réunissaient d'une manière officieuse pour la première fois, pour créer l'Assemblée des Présidents des Chambres de Métiers de France (APCMF). Cette dernière tint sa première réunion officielle les 15 et 16 octobre 1931 à Paris dans une salle du ministère du travail. A la veille de la seconde guerre mondiale, on pouvait déjà compter soixante-seize chambres de métiers en France. Face à cet aspect, une nouvelle loi fut énoncée de la manière suivante : « l'économiste et le politique se joignent, les pouvoirs publics protègent les artisans37(*). C'est pendant cette période (l'entre-deux guerres) que la première intervention de l'Etat fut constatée en matière fiscale avec une mesure lourde de conséquences pour l'artisanat ; annoncée dans la loi du 31 juillet 1917, cette mesure créant l'impôt sur le revenu, adoptée en vue de couvrir les dépenses de la fin de la guerre. Face aux interventions du pouvoir public, Bernard Zarca dit dans « l'artisanat français » publié en 1986 : il est bien difficile de tracer un départage entre la collaboration technique et la collaboration politique ». Au cours de cette période, l'artisanat fut encore exploité d'une autre manière qui constitue aussi une autre phase de son évolution ; cette phase fut appelée « artisanat de tranchée » que nous présentons ci-après. * 35IBIDEM * 36 IBIDEM * 37 DEBRE M., « L'artisanat classe sociale », Dalloz 1934 (lu en ligne). |
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